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Dans un sale État
par Nuage fou le 5 février 2019

Ni chef, ni chef : gilets gilets gilets gilets jaunes !

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Résolument et joyeusement accrochés aux ronds-points et rythmant les samedis depuis plus de deux mois, les Gilets Jaunes sont chauds bouillants. Et toujours pas de chef ; ni petits, ni grand. Quelques figures pour occuper les médias et animer les sites Facebook nécessaires au fonctionnement de l’intelligence collective. Mais c’est le Grand Air Glacé de l’hiver qui souffle et personne ne s’y risque, depuis ses origines, le mouvement revendique une démocrate radicale, mais sans en trouver les modalités pratiques. A Commercy, ils s’y sont collés, l’ont mise en forme, puis semée sur les terres fertiles de l’Internet, de Facebook et de Youtube. Résultat cette assemblée des assemblées formalisée autour de quelques principes fondamentaux : individus et groupes autonomes associés au sein d’une coordination respectueuse de chacun. Les groupes sont représentés par des mandatés révocables chargés de mettre en œuvre des directives précises décidées en AG. À l’Assemblée des Assemblées de Commercy, qui s’est tenue les 26 et 27 Janvier, au bord de la Meuse, on constate avec joie qu’il n’est pas besoin de se dire anarchiste pour en apprécier les fondamentaux.

« Dis mamie, c’est quand qu’on brûle les voitures ? »
C’est une Gilet Jaune de Commercy qui racontait cette anecdote : Une femme du village venue sur le rond-point pour faire connaissance et discuter autour d’un café, avait emmené sa petite-fille. Au bout d’un moment, s’embêtant peut-être un peu, elle lui dit cette phrase très innocente : « Dis, Mamie, c’est quand qu’on brûle les voitures ? ». Eh bien, en Île de France, du côté de Nemours, c’est un peu du même acabit... mon petit-fils, de retour d’une après-midi au rond-point, saturé de bonbons et de gâteaux, me disait qu’il avait vraiment bien joué avec les deux autres enfants... aux Gilets Jaunes et aux policiers ! On le voit, les Gilets Jaunes ont marqué l’époque, ils sont d’ores et déjà entrés dans l’imaginaire des générations qui viennent.

Avant l’AG, la manif

Donc samedi matin, 26 janvier, départ pour Commercy à l’Assemblée des Assemblées. Mais auparavant il y a la manif devant la mairie du petit village de Nonville (sic !) proche de Nemours. Les parents d’élèves protestent contre la fermeture d’une classe, la seconde en deux ans. Un tract trouvé dans la boite aux lettres nous a mis au courant, puis la visite du groupe Facebook créé pour l’occasion a fait le reste. Les Gilets Jaunes de Nemours viennent au secours des habitants de Nonville pour les aider à défendre l’intégrité de leur village. Une trentaine d’entre nous, plus les parents, le maire empêtré de bleu-blanc-rouge, quatre voitures de gendarmerie et une douzaine de gendarmes plus ou moins équipés. On touche ici du doigt la réalité des protestations des Gilets jaunes ruraux. L’Etat prend dans les campagnes les instituteurs qu’il envoie dans les zones prioritaires des banlieues déshéritées. Moins de classes, donc pas de nouveaux jeunes couples ou parents, donc pas de nouveaux enfants, donc plus d’école ; au final, plus de village. L’Etat nous veut dans ses centres urbains, hors sol, isolés, et sous la surveillance des caméras vidéo qui envahissent ses « smart cities ». Les instits savent bien, que ce qu’il faut à une classe, pour qu’elle fonctionne pour tous, ce sont des têtes de classes. C’est la mixité sociale qui fait la réussite de tous, pas le dépouillage de Gilles pour habiller John.

Le vrai départ donc
Le vrai départ à 10 :30 donc, direction Commercy, pour y arriver vers 14h, en pleine AG. Ce premier temps de l’Assemblée des Assemblées, est celui de la rencontre, chaque mandaté présente son groupe aux près de 400 personnes réunies dans la salle des fêtes de Sorcy Saint-Martin



, petit village à 7 kilomètres de Commercy, dont le maire a bien voulu héberger l’événement. Le matin, beaucoup de journaux, radios et télévisions, régionaux et nationaux interviewent, photographient et filment les participants. Ils sont ensuite priés de rester dehors afin de laisser l’AG se dérouler dans l’intimité. Les médias « Gilets Jaunes » sont toutefois libres de participer, à condition de ne pas filmer une partie de la salle où s’installent ceux qui désirent garder un peu d’anonymat.

Chaque groupe se présente alors très succinctement – 2min. 20 - : sa taille, ses actions, ses objectifs et son histoire, comme celle – acclamée – des sept évacuations/reconstructions des ardéchois dont l’acharnement a fini par venir à bout des autorités. L’Ariège, la Drôme, la Lorraine, l’Alsace... de très nombreuses régions sont présentes et on assiste immobiles à un vrai tour de France, jusqu’aux Parisiens et aux banlieusards – Saint Denis, Montreuil ou encore Rungis – qui sont maintenant de la partie. En complément des Commerciens, qui font tourner le manège, l’AG regroupe deux types de participants : les mandatés des assemblées locales, tirés au sort parmi les volontaires, représentant 75 groupes, et les « observateurs », des participants appartenant pour la plupart à des groupes, mais n’ayant pas le statut de mandaté. Pour la plupart des décisions, seuls les mandatés ont droit de vote, ils sont équipés d’une feuille A4 de couleur portant la localisation de leur groupe et qu’ils peuvent brandir pour voter.



Beaucoup de présentations... selon la performance oratoire des intervenants et l’intensité ou l’originalité de l’activité des groupes, l’assemblée oscille entre des demandes de « faire plus court » ou des acclamations enthousiastes. Une dizaine de signes des mains permettent d’exprimer sans brouhaha, approbation, réprobation ou bien de demander le silence ou l’arrêt d’un orateur trop verbeux. Ça fonctionne assez bien, complété quand même, par quelques cris d’enthousiasme, occasionnels mais vigoureux, et le plus souvent bien accueillis.

Des femmes en première ligne

Quelques points saillants... la présence des femmes en nombre, plutôt inhabituelle dans les mouvements de contestation, probablement un gros tiers et il semble que chacun s’en réjouisse ! Les organisateurs avaient d’ailleurs demandé que les binômes mandatés soient à parité quant au genre. Donc quelques prises de paroles de femmes, remarquées et très soutenues. L’une, par exemple, indique qu’elle sort du protocole – 2minutes 20, uniquement pour présenter son groupe lors de ce premier tour de parole – et dit « tout ce qu’elle a à dire », car elle est venue avec sa fille, qui au bout de quatre heures commence à se lasser des coloriages. Elle exprime son regret qu’il n’y ait pas de crèche pour les jeunes enfants ; elle devra donc partir. En réponse une Gilet Jaune de Commercy demande le micro et indique que, s’il n’y a pas de crèche, elle s’occupe malgré tout des petits, que l’on voit s’ébattre au calme au fond de la salle... Présentation également des « Amajaunes », les femmes Gilets Jaunes qui s’organisent et créent un sous-mouvement purement féminin, avec en particulier une visibilité spécifique au sein des manifestations et un positionnement pacifique revendiqué face aux violences policières. Ailleurs, d’autres femmes s’organisent également entre elles, comme par exemple les Femmes Gilets jaunes d’Ile de France. La "Marée Jaune" également est très présente, démarrée par 5000 personnes à Nancy puis se répandant dans les 55, 57 et 88. Les manifestations régionales tournent, changeant à chaque week-end de lieu de rassemblement. Les raisons sont économiques – ne pas demander aux mêmes de se déplacer sans cesse – et politique – être présent et recueillir les soutiens partout. À grands renforts de Aouh, aouh, La Maison du Peuple de Saint Nazaire bien représentée appelle à la création de Maisons du Peuple partout ou cela est possible. Le mandaté du M17, un Québécois installé en France, revendique l’organisation de 183 groupes représentant 40,000 Gilets Jaunes...

A Commercy, pas de monopole de la prise de parole par un groupe d’orateurs, comme cela avait été le cas lors de la grande A.G. réunissant les Gilets Jaunes du Loiret, à Chalette sur Loing le 4 janvier, où les animateurs en surplomb sur une estrade disposaient des micros. A Commercy, on s’inscrit pour son tour de parole, qui devra respecter le sujet traité et le temps alloué à chacune des interventions. En cas de débordement, c’est l’assemblée qui contrôle à l’aide des signes convenus. Le meneur du débat se contente de tendre le micro à la personne en tête de la liste des inscrits, et parfois de proposer des reformulations. Un rôle clef toutefois, et assumé avec un remarquable esprit de synthèse, lorsqu’il a fallu improviser des votes : celui de formuler les choix à faire et les questions sur lesquelles voter.

Technologie et démocratie

C’est une panne de technologie qui est à l’origine de la singularité de Commercy. Après un premier meeting improvisé réunissant 200 personnes dans un bar, le 10 janvier, le mouvement s’est organisé et a pris possession d’un rond-point. A chaque rassemblement, un leader prenait le micro pour faire un discours, jusqu’au grain de sable que fut la panne du micro. Cette panne a fait basculer le groupe du mode asymétrique orateurs/assistance au mode symétrique de l’AG au sein de laquelle chacun peut s’exprimer, proposer les étapes vers un consensus puis, si nécessaire, voter pour ou contre une décision. Le numéro de Janvier de Monde Libertaire insistait sur la concentration du pouvoir que favorise la technologie. Le micro qui permet à l’un d’être entendu – écouté – par tous, en est un bel exemple. Et c’est la défaillance de la technologie qui aura permis le retour d’une démocratie vite adoptée. Cette petite panne aura transformé durablement un groupe en assemblée, puis, les semaines passant, aura démarré la cristallisation et la coordination d’une mouvance Gilets Jaunes d’inspiration libertaire quant à ses méthodes. Il faut dire que le cadre du communalisme libertaire proposé par Murray Bookchin, et popularisé par la lutte Kurde, entre particulièrement en résonance avec l’ancrage farouchement local du mouvement et son refus viscéral d’une verticalité nécessairement autoritaire.

Le désir de démocratie radicale qui réunit à Commercy les participants à l’Assemblée des assemblées, est omniprésent dans les discussions, et la question de la légitimité revient sans cesse. En conséquence, une longue partie de la discussion qui suit les présentations se focalise sur les objectifs que l’assemblée peut légitimement se donner, afin de rester en accord avec l’encadrement des mandatés par leurs propres assemblées, et bien sûr, sur la légitimité des mandatés pour décider en séance ou puis attendre et faire valider les décisions par l’assemblée. Loin de l’arrogance et du mépris des parlementaires, soi-disant représentants du peuple, parce qu’élus, on assiste ici à l’inverse, une sorte de « complexe du mandaté » qui se fait jour, au risque d’auto-limiter leur capacité d’agir. Un souci constant d’hyper-démocratie hante les participants. Faute d’une pratique établie, d’un protocole agréé par tous, d’une habitude, cette première assemblée des assemblées fait précéder toute discussion d’une pré-discussion relative à son organisation et aux modalités de contribution et prise de décision. Les options émergeant de la pré-discussion sont ensuite mis au vote afin de pouvoir se consacrer à la discussion elle-même. En particulier la difficulté pour les mandatés d’évaluer l’élasticité de leur mandat et leur capacité à décider – voter – sur place, sans revenir vers leurs groupes pour validation. Ce rodage, et le passage régulier à un niveau méta de discussion, en rendait certaines un peu hallucinantes.

Toutefois, il était dans l’essence même de l’Appel de Commercy et de cette assemblée de mettre en œuvre une démocratie radicale ; l’AG inaugurale devait poser les premières pierres et roder les premières pratiques... Mais le même problème s’est posé le lendemain lors des discussions thématiques. Faute d’un protocole commun formalisé et adopté par tous, chaque groupe se voyait démarrer en travaillant son propre protocole, les uns avec plus de succès que d’autres.

Ronds-points : nos places publiques, nos médias et nos totems !

Deux thèmes affleurent, débordant régulièrement le protocole : la grève générale annoncée pour le 5 Février et la reprise des ronds-points le 15 février. Les ronds-points sont le totem des gilets jaunes. Ils ont transformé ces no man’s land ouverts sur rien en places publiques, creusets de la délibération, et en médias immédiatement lisibles par tous. La reprise du terrain est fondamentale car ces milliers de micro-ZADS sont le corps du mouvement, elles montrent au grand jour que l’on peut s’affronter à l’État et résister dans la durée, elles sont l’aimant qui attire les timides et fixe celles et ceux qui s’en approchent de trop près. Teintées de ce jaune fluo conçu pour être vu, elles sont la preuve bien vivante que la lutte continue. Et les saluts et les klaxons des voitures qui passent maintiennent actif le lien entre le noyau dur des plus motivés et les conducteurs qui leur disent : ne lâchez pas, on vous soutient ! Pour la grève générale, c’est plus compliqué... un peu coincée entre la méfiance des uns envers les syndicats et celle des autres envers leur direction, l’assemblée hésite à s’engage massivement dans cette voie. Et puis on voit bien que ça ne s’improvise pas, il faudra essentiellement accompagner et réagir.

Deux longs débats

Restait à décider d’une prochaine A.G. et finalement, de la rédaction, ou non, d’un Appel de l’Assemblée des Assemblées.
Deux longs débats... pour ce qui est de la prochaine A.G., nul ne doute qu’elle ne soit nécessaire, nous vivons un commencement, la naissance de « quelque chose » qui pourrait durer. Mais ici, pas de surplomb, du concret, on est dans l’action et pas dans le commentaire, donc, oui, une nouvelle A.G. s’impose, et donc c’est maintenant qu’il faut décider de l’endroit et de la date. Rapidement, la Maison du Peuple de Saint Nazaire se propose, pour organiser et héberger une A.G. dans deux mois. Deux mois ! Il faut dire que la remarquable organisation qui soutient la réunion des Gilets Jaunes venus des quatre coins de la France métropolitaine, met la barre assez haut : 400 personnes chaleureusement accueillies, bien logées, délicieusement nourries, et mises au boulot puis disponibles pour la tchatche ou la fiesta. Deux mois ne semblent pas de trop, surtout que c’est la croissance du mouvement qui est dans les esprits... Mais d’aucuns s’impatientent, faisant émerger un débat qui oppose vitesse et précipitation : s’attacher à faire « bien » ou construire à l’instinct sur la dynamique que tous vivent, s’inscrire dans la durée ou coller à l’actualité d’un mouvement dont chaque nouvel acte tend à redéfinir l’agenda. Il s’agit aussi que les mandatés ne se transforment pas en bureaucrates, occupés à se réunir ailleurs pendant que la base tient les ronds-points et se fait bombarder et flashballer dans les manifestations.... Il y a de la pression... le débat rebondit tant et plus, un moment on s’y perd un peu... puis Aurillac se propose, puis Saint Denis... jusqu’à ce qu’émerge une proposition qui puisse être soumise au vote : une assemblée à Saint Nazaire, dans deux mois – sûr ! –, et si l’une des propositions pour se retrouver d’ici un mois, se concrétise elle sera auto-validée.
Motion adoptée – février se joue aux dés ; fin de l’hiver à Saint Nazaire ! – et saluée à nouveau de forces Aouh aouh !

L’Appel !

C’est grâce à deux appels successifs que nous sommes réunis à Commercy. Le premier invitait un mouvement purement horizontal, dispersé géographiquement et cherchant les modalités de son organisation, à suivre l’exemple d’une démocratie radicale : l’agora athénienne réincarnée dans les cabanes des ronds-points. En bonne logique, le second appel invitait ces démocraties locales ayant suivi – ou précédé – l’appel à se regrouper. Des anarchistes diraient : à se fédérer. Définir des mandats, choisir des mandatés et les envoyer se réunir au bord de la Meuse, à Commercy près de Nancy.

Bon, c’est fait, on y est, et ça fonctionne, et c’est juste génial ! Alors, au-delà de la mise en place d’une organisation et du partage des idées, des problèmes et des pratiques, il semble important de transmettre quelque chose à ceux qui n’y sont pas, de susciter espoir et désir chez d’autres Gilets Jaunes, de faire sentir et transmettre le vibrant eros de la démocratie. Le niveau national des Gilets jaunes, il faut dire, est tiraillé entre les refuzniks, qui ne veulent absolument pas de chefs mais n’ont pas vraiment de proposition fédérale, les inévitables politicards qui préparent leur élection à une Europe qu’ils disent détester, et les « leaders » FaceBook dont l’énergie et l’engagement a permis au mouvement de se réinventer semaine après semaine, mais qui (ne) sont (que) des figures, des voix, à l’image de ces chefs des sociétés pré-étatiques dont le rôle est d’incarner le collectif – mais pas plus !

À nouveau il faut débattre. Les mandatés le sont-ils pour rédiger un appel, peuvent-ils aller jusqu’à le valider. Et cet appel, à qui s’adresse-t-il, aux convaincus qu’il s’agit de coaguler, ou à l’ensemble des Gilets Jaunes, qu’il faudrait convaincre de rejoindre la coordination... Ce qui réunit les Gilets Jaunes, c’est la quête d’une vie digne, d’une société décente où la richesse n’est pas monopolisée par quelques-uns, c’est la haine de la morgue d’une classe dirigeante qui s’est crue tout permis. A part le RIC – Référendum d’Initiative Citoyenne – qui fait une quasi-unanimité, on est loin d’un programme partagé. Malgré tout, il y a ici une certaine homogénéité des participants. L’anticapitalisme y est une évidence, alors que le terme apparaît peu dans la boite à mots des Gilets Jaunes. Une des figures du débat, pas vraiment nommée mais présente malgré tout, est celle de l’entre-soi, le piège dans lequel il ne faut pas tomber. Entre la radicalité de revendications « évidentes » pour la communauté réunie et l’ouverture à l’ensemble des Gilets Jaunes, il faudra choisir, trouver les sujets non clivants, et surtout éviter un verbiage abstrait et convenu, incompréhensible au-delà d’une petite communauté d’avant-gardistes auto-proclamés. C’est une forme de maturité qui émerge et pousse à l’ouverture, en continuité des appels précédents, mais malgré tout avec un point dur : le positionnement clair par rapport à l’extrême droite, au racisme et à l’homophobie, n’est pas négociable. L’appel devra être explicite ; ces tentations minoritaires au sein des Gilets Jaunes mais qui trouvent malgré tout à s’exprimer doivent être explicitement condamnées, en tant que telles bien sûr, mais aussi parce que le pouvoir les utilise pour dénigrer le mouvement. Un vote entérine le consensus issu des longs débats. Quant à la rédaction de l’appel, il est – finalement – convenu qu’un groupe de volontaires planchera le soir et le début de la nuit pour proposer demain un texte à l’assemblée. Le texte pourra être amendé dans la matinée, et sera signé par les mandatés qui le souhaitent, les autres groupes seront invités à le signer une fois rentrés. Suit un excellent dîner autour d’une potée lorraine mijotée avec soin par le collectif de la Marmijotte – avec ou sans viande, bien sûr.



La soirée s’égrènera ensuite tranquillement entre longues discussions et musiques improvisées, avec en ouverture, l’émouvant Chant des Partisans de Commercy chanté par la chorale Gilles et John de Commercy un instant réunie sur l’estrade. Pour la nuit, les gîtes, hôtels et habitants alentours ont pu loger une bonne partie des participants, tandis que les autres munis de leur matelas et duvet ont dormi à même la salle de réunion.

Dimanche : appeler et rentrer

C’est après une courte nuit que l’assemblée se retrouve dimanche matin pour les groupes de travail thématiques sur les revendications, les actions, l’organisation, les élections, le (grand ?) débat, et l’amplification du mouvement. En fin de matinée, c’est le moment du partage avec l’assemblée du texte de l’appel, à peine sec. Solennel. Chacun se tait et les rédacteurs se réunissent au milieu de la salle devant une forêt de smartphones. Avec émotion, chacun, chacune, tour à tour, lit à haute voix un ou deux paragraphes. Quand c’est fini, les acclamations s’élèvent. Le texte est magnifique et porteur ; la grande majorité de l’assemblée s’y retrouve. Puis, quand un semblant de silence revient, c’est à nouveau le moment d’un tour de prises de paroles pour proposer, demander ou suggérer telle ou telle modification, ou tel ou tel ajout. Il faudra amender ce proto-appel, mais le consensus est que ça doit être minimal, et l’assemblée vote la confiance aux auteurs qui ont su respecter les consignes, trouver les mots et les assembler en un tout homogène et entrainant. Mission accomplie !

Mais c’est déjà l’heure de déjeuner, avant de partager le rendu des groupes de travail, puis valider la version définitive de l’appel. Les aurevoirs, les à-bientôt, les va-et-vient des mains qui se serrent ou s’agitent en l’air, et les bises qui claquent commencent à rythmer le temps qui passe maintenant trop vite ; il faut rentrer et nombreux sont ceux qui vont loin. Le cœur plein de cette ferveur qui imprégnait la salle, de l’enthousiasme puissant qui portait chacun, avec ce sentiment d’être là où un bout d’histoire se faisait, l’esquisse d’un nouveau monde que certains attendent depuis si longtemps. Chacun était là non seulement pour se lever contre un monde nihiliste qu’il faut stopper, mais surtout pour un monde à créer pour une organisation à mettre en place, qui respecterait chacun et réussirait à s’agréger sans accaparer, à coordonner sans réduire et sans trahir. Les Gilets Jaunes de Commercy, malgré la grande fatigue d’avoir préparé pour porter ce morceau d’histoire étaient radieux, les participants aussi, qu’ils soient mandatés ou simples observateurs.

La première Assemblée des assemblées a tenu ses promesses.








PAR : Nuage fou
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1

le 4 février 2019 16:46:00 par Eyaflalajokül

Merci pour ce reportage. Je me doute qu’en partant de rien il faut du temps pour élaborer des plans des déclarations des résolutions. Déterminer les actions concrètes.
Quand pensez vous qu’on pourra lire un texte des objectifs et des actions prévues ??

2

le 6 février 2019 09:50:22 par Elisée

Ni chef,ni chef chez les anars de là FA ou chez les
Gilets Jaunes??

3

le 8 février 2019 08:56:45 par Nuage Fou

Élysée, les modes d’organisation et prise de décision adoptés par l’assemblée on pour objectif de ne pas faire émerger de chef: une personne à qui on *doit obéir* parce qu’il est le chef. Comme à la FA.
Eyaflalajokül, la vidéo lit le texte produit par l’assemblée.