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par Jean-Jacques Chatelux le 28 janvier 2019

Loi ELAN : un cadeau aux vautours de l’immobilier

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Article extrait du Monde libertaire n°1801 de décembre 2018



Adopté par le parlement le 16 octobre, le projet de loi ELAN (Evolution du Logement et de l’Aménagement et du Numérique) fait l’objet d’un recours devant le Conseil constitutionnel. Il devrait être promulgué d’ici fin 2018.

Voici les principales dispositions qu’il contient avec nos commentaires.

Situation des squatteurs et des occupants sans titre
Même si des parlementaires ont tenté de la leur supprimer, sauf décision contraire de justice, la trêve hivernale s’appliquera aux squatteurs et occupants sans titre de locaux vacants. La mobilisation a empêché la criminalisation des squatteurs (sanctions pénales avec amendes et prison).
Marchand de sommeil et leurs victimes
Aucune mesure n’est prise pour les victimes des marchands de sommeil. Rien concernant leur mise à l’abri, leur relogement. Les occupants comme les squatteurs sont dans des situations dramatiques, victimes du mal logement. Ils doivent être relogés sans condition quelle que soit leur situation administrative. Seule « note positive » les sanctions contre les marchands de sommeil sont durcies ; reste à les appliquer.
Durcissement à l’égard des locataires pour cause d’impayés
En cas d’impayés de loyer, la procédure peut mener à l’expulsion du locataire. Désormais avec la nouvelle loi, il faudra avoir repris le paiement des loyers pour « bénéficier » d’une suspension de l’expulsion et d’un nouveau bail. S’ouvrira alors pour les locataires jugés de bonne foi, une période probatoire de deux ans. Mais attention, si les impayés recommencent le propriétaire peut faire expulser immédiatement. Avec le chômage et la précarité, bien des familles sont dans l’incapacité de reprendre le paiement du loyer du logement. L’application de cette mesure pénalisera les plus pauvres et fera croître le nombre d’expulsions locatives
Bail mobilité dans le privé de un à dix mois non renouvelable
Après le travail précaire, le bail précaire. Accepter la limitation de ce nouveau bail aux étudiants, stagiaires, à celles et ceux qui suivent une formation, c’est faire rentrer le loup dans la bergerie. C’est faire entrer la précarité dans le droit au logement. C’est prendre le risque qu’il ne se généralise jusque dans le logement social. Les bailleurs privés pourront sans problème augmenter les loyers à chaque changement de locataire. Le gouvernement qui prétend par cette mesure venir en aide aux jeunes en recherche de logement, se montre là encore, l’ami fidèle des bailleurs privés en leur permettant d’accroître leur rente locative. Il aurait été mieux inspiré en supprimant les cautions solidaires et en limitant les exigences des bailleurs.
Le manque de contrôle incitera les propriétaires à alterner avec les locations du type Airbnb en été et location sans risque le reste de l’année, le paiement étant garanti par le dispositif Visale d’Action Logement (assurance loyers impayés).
Bail révisable tous les trois dans les HLM
Alors que la durée d’un bail pour un logement social est fixée pour une durée indéterminée, la loi ELAN s’en prend à un de ses principes essentiels : le maintien dans les lieux. Désormais chaque organisme HLM réexaminera tous les trois ans les conditions d’occupation de logement. La raison invoquée est la suivante : il faut davantage de mobilité dans le parc social. Les familles vivant des les zones tendues, là où la demande est supérieure à l’offre apprécieront. Les locataires vont vivre avec une épée de Damoclès au-dessus de leur tête. Alors qu’il leur a fallu attendre de longues années, leur appartement sera remis en question tous les trois ans. C’est la porte ouverte au bail à durée déterminée dans les HLM.
Vente de logements sociaux au secteur du privé
Avec la loi ELAN, c’est la loi SRU qui se voit détricotée. Cette dernière, relative à la solidarité et au renouvellement urbain, oblige des municipalités à construire au moins 25% de logements sociaux. Avec la nouvelle loi, les logements d’HLM pourront être vendus et resteront comptabilisés dans le parc social pendant 10 ans contre 5 précédemment. Cerise sur le gâteau, la vente se fera en « bloc d’immeubles » puis la revente à la découpe.
Loi ELAN et les architectes
Ce nouveau texte de loi supprime l’obligation d’organiser un concours d’architecture pour les organismes d’HLM. C’est une remise en cause de la loi MOP de 1985 (Maîtrise d’Ouvrage Publique). Elle réduit également le rôle des architectes dont les avis obligatoires deviennent consultatifs pour les projets se rapportant à la résorption du bâti insalubre. Les architectes se sont mobilisés et ont combattu le projet de loi en s’alliant à des associations pour le droit au logement et/ou la défense des personnes handicapées.
Parties du projet de loi examinées par le Conseil constitutionnel
Concernant l’accessibilité des personnes handicapées aux logements neufs (la loi ELAN prévoyant la quasi-suppression des normes dans le logement neuf). Si la loi Handicap de 2005 mentionnait 100% de logement neufs accessibles, la loi ELAN mentionne des logement neufs évolutifs, c’est-à-dire susceptibles d’être adaptés après travaux. Elle divise par cinq le nombre de logements adaptés aux handicapés. Donc pour ces derniers, 80% de logements évolutifs et seulement 20% de logements accessibles. Cette disposition est un grave recul et compromet le maintien à domicile des personnes handicapées et des personnes âgées.
Loi Littoral : en marche vers le bétonnage
Cette loi votée à l’unanimité en 1986 par les parlementaires vise à « encadrer l’aménagement de la côte pour la protéger des excès de la spéculation immobilière et permettre le libre accès au public sur les sentiers littoraux ». En autorisant la construction dans les « dents creuses » (les parcelles vides situées entre deux bâtiments construits dans un hameau en bord de mer) les parlementaires assouplissent la loi Littoral et encouragent le bétonnage des côtes.

Il est plus qu’urgent de s’opposer à cette politique libérale d’un système capitaliste qui prévoit autant de dérogations qu’il faut pour déroger à une loi qui grignote (même de manière infime) ses profits. Ne comptons pas sur le Conseil constitutionnel pour modifier un tant soit peu cette loi antisociale et de tous les dangers. Ne comptons pas non plus sur une nouvelle majorité politique pour l’abroger. Des associations militent efficacement et obtiennent des résultats, des collectifs se mobilisent pour le droit au logement, construisant l’unité dans le respect de chacun et l’indépendance du mouvement social. Il est plus que temps de rappeler nos revendications et de le faire sans cesse
• Réquisition effective des logements vides et conversion du grand nombre de bureaux vides en appartements (à Paris, banques et assurances sont propriétaires d’un impressionnant parc immobilier).
• Obligation effective pour les maires de respecter le minimum légal de construction d’habitat social sans pouvoir se défiler en s’en tirant par le paiement d’une amende.
• Annulation pure et simple des dettes locatives des familles frappées par le chômage.

Et pour obtenir ce minimum de mesures plus qu’urgentes, n’oublions pas que tout ce que nous avons gagné jusqu’à présent c’est par nos luttes et nos mobilisations. Pas question de tergiverser ; poursuivons et amplifions ici et partout le combat pour un logement digne, pérenne, sans condition aucune pour toutes et tous.
PAR : Jean-Jacques Chatelux
Groupe anarchiste Salvador-Seguí
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