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par NCJ le 29 octobre 2018

Quelques nouvelles du climat : le dernier rapport du GIEC

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Le 8 Octobre le GIEC, Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’évolution du Climat, délivrait son dernier rapport, à « l’attention des décideurs politiques ». Alors que certaines personnes doutent encore de la pertinence des résultats de ce groupe, dont le rapport s’appuie sur plus de 6000 études indépendantes, publiées, depuis plusieurs années, dans les plus grandes revues scientifiques, comme Nature ou encore Science Advanced, celui-ci nous alarme d’une hausse supérieure à 1,5 degré de la température terrestre. Notons que d’après les prévisions faites nous exploserions ce seuil de 1,5 degré en 2100 puisque la hausse est estimée, selon les scénarios, entre 3 et 5,5 degrés de hausse. Le cas d’une hausse de 1,5 degré, déjà catastrophique pour plusieurs espèces, constituant le scénario ou des mesures radicales sont mises en œuvre pour stopper les émissions de gaz à effet de serre.
Le climat n’est pas un modèle linéaire rappellent les chercheurs : le monde étant un vaste écosystème complexe les changements dans quelques variables peuvent avoir pour conséquences des bouleversements majeurs. On définit ainsi un système complexe en ce que plusieurs ordres sont enchevêtrés, provoquant des effets qui sont difficiles à prévoir (effets de seuils possibles, emballement etc.). C’est pourquoi un changement de quelques degrés, voire d’un seul, peut entraîner des changements majeurs. Ainsi le GIEC se fonde-t-il en partie sur des modèles nombreux, issus de la physique et de la chimie ainsi que de la météorologie pour essayer de prendre en compte cette complexité. Cet argument de la complexité, du fait que le climat est un modèle chaotique non linéaire est souvent utilisé par les climato-sceptiques pour relativiser ou nier les résultats du GIEC. En réalité il s’agit d’un sophisme qui exprime que ce qui est difficilement mesurable n’existe pas.
Les modèles sont nombreux pour essayer non seulement d’établir plusieurs scénarios possibles mais aussi de rendre compte de plusieurs phénomènes, justement pour essayer de pallier notre ignorance vis-à-vis du phénomène étudié. Ainsi bien évidemment tous les modèles n’arrivent pas aux mêmes prévisions, mais tous vont dans le même sens. Il faut noter également d’un point de vue méthodologique que le GIEC ne fait pas que de produire des modèles, mais qu’il fait aussi des relevés, des mesures, qui vont globalement dans le sens d’une corroboration assez forte des résultats. Bref l’argument d’une complexité ontologique réduisant toute tentative de compréhension humaine à néant est fallacieux.

« Le climat n’est pas un modèle linéaire rappellent les chercheurs : le monde étant un vaste écosystème complexe les changements dans quelques variables peuvent avoir pour conséquences des bouleversements majeurs. »


Comme tout travail scientifique celui du GIEC est soumis à discussion et à questionnement, notamment, par exemple, sur la qualité des mesures, le réalisme des modèles, leur caractère explicatif etc. Mais dans ce cadre le travail du GIEC ne sort absolument pas des normes de la recherche, si un modèle est bien une représentation de ce qui se passe, représentation qui peut être fallacieuse lorsque mal menée, il est ici contrôlé, à la fois empiriquement et théoriquement, et ceci en permanence. D’un strict point de vue méthodologique il est assez difficile de contester la pertinence des résultats du GIEC avec des arguments sérieux, surtout si on se réfère aux résultats précis, établis, et méthodologiquement rigoureux des milliers d’études et méta-analyses (analyses regroupant plusieurs dizaines d’études) allant toutes dans le même sens (malgré les différences entre elles en termes d’objet, de méthodes, d’approches et de valeurs de résultats).

Quelles seraient ainsi les conséquences d’une hausse de plus de 1, 5 degrés de la température terrestre selon les modèles du GIEC ?

En vrac : une plus forte probabilité de pluies torrentielles, et cela partout dans le monde, une perte de l’habitat naturel pour une partie les vertébrés, des insectes et des plantes, une baisse des rendements pour les cultures céréalières, principalement en Afrique subsaharienne, en Asie du Sud Est et en Amérique du Sud, une perte voire une annihilation totale des récifs coralliens, une hausse du niveau de la mer de presque un mètre dans le cas d’une augmentation de 2 degrés, le rétrécissement de la banquise etc.

« Des causes politiques et des conséquences politiques. Voici donc un thème qui ne demande qu’à être pris à bras le corps par les libertaires, au même titre que l’anticapitalisme. »

Contrairement à ce qu’on peut entendre de façon marginale, le réchauffement climatique ne s’explique, dans les proportions qui sont les nôtres, que de manière anthropique (qui voudra prouver le contraire devra s’armer scientifiquement d’études et de donner, et pas d’anecdotes sur une pseudo-connaissance du Moyen-âge ou sur l’hiver dernier), c’est-à-dire par le fait de l’activité humaine et l’émission de gaz qui en sont la conséquence (dioxyde de carbone, mais aussi méthane, protoxyde d’azote etc.), c’est-à-dire que cette question est politique car elle touche les sociétés politiques comme des causes du réchauffement climatique. Mais elle est également politique dans ses conséquences : les changements climatiques prévus par le GIEC ont aussi des conséquences humaines (le GIEC étant un groupe de recherche interdisciplinaire il est aussi composé de chercheurs en sciences humaines, de statisticiens et de démographes qui ont pour rôle d’essayer d’estimer les conséquences des bouleversements climatiques), comme le déplacement de populations, développements de famines, destruction d’habitats, et cela en accentuant souvent des inégalités Nord-Sud déjà prégnantes.
Des causes politiques et des conséquences politiques. Voici donc un thème qui ne demande qu’à être pris à bras le corps par les libertaires, au même titre que l’anticapitalisme. Au lieu de fustiger le « catastrophisme » ambiant, de se méfier de l’écologie comme une promotion du « capitalisme vert » (dont on a vu avec les fuites des dossiers du patronat européen qu’il n’existe que dans les éléments de discours !), et autres choses de ce genre, tous les libertaires seraient plutôt bien inspirés de développer une écologie politique spécifique en accord avec les résultats scientifiques du moment.
PAR : NCJ
groupe graine d’anar
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le 31 octobre 2018 17:56:22 par Igor Babou

Merci pour cet appel à une écologie politique libertaire, bien plus pertinente que l’écologie technocratique qui a sévi durant des années au ministère de l’environnement, et surtout plus stimulante que l’écologie autoritaire que certains appellent aujourd’hui de leurs voeux. Il me semble que l’article que nous avons publié ici allait dans le sens de votre édito : [LIEN]