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par Michel D. • le 14 octobre 2018
l’illusion démocratique
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article extrait du Monde libertaire 1798 de septembre 2018
Pour autant assiste-t-on à ce que certains se plaisent à appeler « La fin des idéologies » ? Ce discours n’est-il pas au contraire la preuve d’une nouvelle idéologie, celle du renoncement ?
En effet les crises du capitalisme ont toujours pour corollaire la crainte pour la bourgeoisie des sursauts, révolutions dont le peuple est capable. Aussi il lui faut anticiper et convaincre le peuple que les démocraties modernes sont un système indépassable où la masse doit déléguer tous ses pouvoirs aux élites. Le peuple est considéré comme un enfant ignorant et incapable de se gérer et de s’administrer !
La « crise » est bien présentée comme une maladie inéluctable, une fatalité liée au modernisme pour laquelle les remèdes proposés par la gauche ou la droite parlementaire sont les mêmes. Comme pour les lessives, seul l’emballage diffère, et encore !
« L’exemple du déni de démocratie lié au refus par le peuple du Traité constitutionnel en 2005, est révélateur. Bien que refusé il est appliqué ! »
Dépossédé de tout pouvoir le peuple assiste impuissant au fait que ce sont les élus politiques qui font de leur mandat une fonction de prise de décision alors que celle-ci est censée lui appartenir, appartenir au peuple souverain.
Le peuple décide et les mandatés exécutent !
Combien de décisions importantes sont par ailleurs prises par des technocrates non élus (cf. l’Europe) ? Cela n’empêche pas l’oligarchie politicofinancière de se faire appeler démocratie, de se flatter de gouverner de « manière démocratique », de manière « juste et équitable ».
Il reste au peuple à chercher du sens, du « contenu démocratique » dans toutes les décisions et attitudes manifestement antidémocratiques. L’exemple du déni de démocratie lié au refus par le peuple du Traité constitutionnel en 2005, est révélateur. Bien que refusé il est appliqué !
Définir ce qui est antidémocratique revient à définir son inverse, et à ce propos le peuple a-t-il rencontré ou vécu dans l’histoire des périodes où il a pu mesurer les bienfaits d’un gouvernement démocratique ?
PLATON en son temps définissait la démocratie comme « le Gouvernement de l’élite avec l’approbation de la foule ». Aujourd’hui avec 200 ans d’expériences dites démocratiques, dans l’imaginaire collectif la démocratie est bien perçue comme la meilleure forme de gouvernement puisque les hommes politiques sont élus, bien que de moins en moins approuvés (cf. taux d’abstention aux diverses élections).
« Le peuple a-t-il rencontré ou vécu dans l’histoire des périodes où il a pu mesurer les bienfaits d’un gouvernement démocratique ? »
Deux siècles d’abus de pouvoir, de promesses jamais tenues, de complicité active avec l’oppresseur patronal, de répressions du mouvement ouvrier, de contrôle et de flicage des citoyens, de casses des acquis sociaux, de scandales politicofinanciers, de mainmise autoritaire de l’Etat sur la société n’y changent rien.
Le concept de démocratie représentative semble demeurer l’horizon indépassable, un « moindre mal » tout comme le système libéral, capitaliste d’ailleurs... peut-être bien parce que les démocraties représentatives sont les formes de gouvernement les plus appropriées au développement du capitalisme !
Incroyable tout de même que malgré cette « escroquerie démocratique » il reste des femmes et des hommes pour en redemander et se rendre régulièrement, dès le coup de sifflet, dans l’isoloir de leur quartier pour déposer leur bulletin !
La démocratie se résumerait à la mise d’un bulletin dans une urne !
Comme le disait Léo FERRE, « ils ont voté, et puis après » ! Le geste seul compte !
Mais n’est-ce pas ce que Etienne de la BOETIE nommait servitude volontaire ?
Ce « choix démocratique », cette préférence pour « le moins pire des systèmes », se dit aussi : « la démocratie, c’est cause toujours », préférable à son pendant : « la dictature, c’est ferme ta gueule ». !
Bref la démocratie se résumerait à parler, causer et à voter...pour le moins voyou, le moins compromis puisqu’on ne peut faire autrement que d’être représenté !
« Lorsque l’on a été habitué à être en permanence représenté, difficile d’agir par soi-même ! Et cela vaut autant pour les représentants politiques que les représentants syndicaux. »
En réalité, face à l’arrogance du capitalisme, face aux trahisons politiques de la gauche censée pourtant être historiquement la force politique aux côtés du peuple, des travailleurs, face aussi à l’inertie, voire à la collaboration de classe de grandes centrales syndicales, la masse des citoyens ressent bien son impuissance, son impossibilité à modifier les choses.
Cela ne l’amène pas pour autant à se donner les moyens de modifier ce système perçu comme non démocratique, le taux d’abstention en hausse ne signifiant pas la hausse des prises de conscience, du désir d’agir collectivement.
Lorsque l’on a été habitué à être en permanence représenté, difficile d’agir par soi-même ! Et cela vaut autant pour les représentants politiques que les représentants syndicaux.
Alors que la démocratie représentative est donnée depuis deux siècles comme un aboutissement de la volonté du peuple, chaque jour révèle un peu plus les impostures de ce système.
L’impuissance, l’impossibilité de le changer, voilà bien l’idéologie dominante, la pensée unique d’aujourd’hui.
On sait que la démocratie dite moderne, née de la révolution française en aboutissement du « Siècle des lumières », avec ses principes de Liberté, d’Egalité a été détournée par les pouvoirs politiques, par l’Etat lié par définition à la classe dominante.
« Aujourd’hui, on croit en la démocratie comme on croit en Dieu...en acceptant les erreurs de ses représentants ! La démocratie, déesse laïque ? »
L’Etat ce n’est que l’accaparement, au nom d’une représentation du peuple, du pouvoir politique sur la société civile et les démocraties modernes ne sont plus que des contenants vide de tout contenu !
Il n’aura fallu que deux siècles pour que le concept de démocratie perde tout sens, tout en devenant paradoxalement une « croyance et un horizon indépassable ».
Aujourd’hui, on croit en la démocratie comme on croit en Dieu...en acceptant les erreurs de ses représentants ! La démocratie, déesse laïque ?
La liberté, associée au terme démocratie se résume en définitive à « l’acceptation des garanties accordées par l’Etat », autrement dit la liberté encadrée par celui-ci et ses gendarmes !
Avec la disparition de tout lien social (cf. disparition des services publics, chômage, précarité et paupérisation) l’individu coupé et souvent en opposition au collectif n’a d’autre choix que de s’occuper de ses intérêts privés, laissant aux représentants du peuple le soin de s’occuper des intérêts collectifs.
Dans le même temps, autre paradoxe, le même individu mesure bien que les intérêts collectifs sont loin d’être pris en charge et défendus par l’Etat.
Mais, le pouvoir politique a les arguments pour expliquer ces fameux paradoxes : la politique, avec le temps s’est complexifiée et cette « complexité de la chose publique » explique les problèmes rencontrés, légitime les non réponses ou la lenteur dans la résolution des problèmes.
L’autre argument consiste à expliquer qu’il faut confier cette « chose compliquée » à des spécialistes, des professionnels... au passage, non élus par le peuple ignorant, il va sans dire !
« Propriété privée des moyens de production et sécurité publique, autre nom du * maintien de l’ordre * sont les deux mamelles des démocraties représentatives modernes. »
Le libéralisme, le capitalisme, avec la complicité des Etats, a ainsi totalement subverti la démocratie et l’exemple de l’Europe est là pour montrer comment s’exerce quotidiennement un pouvoir supra national avec la complicité des Etats membres.
Les démocraties européennes, loin d’écarter le pouvoir religieux ont instauré avec l’appui de celui-ci un autre pouvoir tout aussi autoritaire et dogmatique, l’Etat, ce pouvoir politique opérant une mainmise sur la société civile.
La révolution française de 1789 a dès ses origines montré l’affrontement entre les tenants de la démocratie directe (expression de la volonté, souveraineté du peuple) et ceux de la démocratie représentative (la bourgeoisie, les possédants).
On sait qui à gagner le « match démocratique » !
On sait aussi ce qu’il en été fait du concept de « Mandat impératif » !
J.J. ROUSSEAU qui était loin d’être un révolutionnaire écrivait pourtant : « Dès qu’un peuple se donne des représentants, il n’est plus libre ».
Progressivement, la révolution a bien été détournée par la bourgeoisie pour aboutir au transfert total de la souveraineté du peuple à la puissance déléguée, le gouvernement, bref l’Etat et sa sacro-sainte mission de retour et maintien de l’ordre des dominants sur les dominés. Propriété privée des moyens de production et sécurité publique, autre nom du « maintien de l’ordre » sont les deux mamelles des démocraties représentatives modernes et ces démocraties modernes sont plus acceptables de nos jours que les dictatures sanglantes.
Que reste-t-il de la définition que donnaient les grecs quand ils écrivaient : « le terme de démocratie contient l’affirmation de la puissance souveraine du peuple avec ses deux corollaires : l’égalité et la liberté »
Autrement dit, sans égalité entre les individus, sans liberté réellement exercée, il n’y a point de démocratie, représentative ou pas d’ailleurs.
Visiblement si le terme démocratie existe toujours, il a bien été vidé de son sens originel !
Face au peuple qui a toujours fait peur aux possédants, il reste à la bourgeoisie de se donner les moyens de le contrôler, et la démocratie représentative est là pour encadrer, surveiller, « diriger et punir », remettre sur les rails de la raison d’Etat...
Il lui faut être pédagogique !
Ce système fonctionne depuis plus de deux siècles malgré les sursauts de 1830, 1848, 1871, périodes où le peuple a montré sa constante volonté de se réapproprier la gestion directe de ses affaires.
L’exemple le plus probant de cette volonté collective de réappropriation politique fut la mise en avant de la question sociale, avec les aspirations d’égalité et de liberté au sein de l’AIT, la 1ère internationale et la fameuse déclaration en 1872 à Saint-Imier : « La destruction de tout pouvoir politique est le 1er devoir du prolétariat ».
Mais loin d’être détruit, le pouvoir politique s’est renforcé grâce aux démocraties représentatives où chaque élection relève essentiellement d’un « concours de beauté » organisé par les agences de communication. L’important est de paraître
Cette réalité correspond à un régime politique, appelé « démocratie moderne », assimilé au progrès alors qu’il ne génère que passivité et inculture politique grâce à un pouvoir de type techno-bureaucratique, fragmenté, insaisissable, lié à l’oligarchie libérale reposant sur la recherche de profit à court terme.
Bref la domination d’une minorité sur la majorité !
Dans ce système qui tend à se répandre dans le monde entier, les élus politiques ne font qu’entériner les décisions du pouvoir économique prises ailleurs que dans les parlements nationaux. Visiblement le silence de ces assemblées montre que cela ne semble pas les gêner, mais il est vrai que du moment que la « soupe est bonne » et les indemnités, jetons de présence en hausse !
Il y a longtemps que les élus politiques ont plutôt coutume de se servir, que de servir et pourquoi se priveraient-ils quand tout cela paraît normal, voir un mal nécessaire à toute bonne démocratie !
La politique, la vie démocratique n’est plus dès lors qu’un sport où le peuple n’est que le spectateur privé de jouer, de participer alors qu’il est le sujet central.
Des Etats totalitaires sont tombés faute d’avoir compris que la démocratie représentative est un moyen supérieur pour diriger le peuple sans avoir à trop « élever la voix ».
D’ailleurs dans une démocratie moderne on ne parle plus de lutte des classes mais de partenaires sociaux égaux dans la négociation. Quelle illusion que ces démocraties où la loi stipule l’égalité quand ce sont les inégalités qui s’accroissent !
C’est bien la force de ces démocraties modernes que de réussir à interdire tout mouvement social susceptible d’amener un « danger révolutionnaire ».
La démocratie sans démocrates voilà ce qui permet à la foule de rêver dans le cadre de la loi et qu’importe l’homme qui meurt de faim du moment que les droits de l’homme restent graver dans le marbre !
Qu’importe le contenu pourvu qu’on ait le principe et n’importe quel Etat peut déclarer son respect du droit dans son principe tout en l’ignorant dans la réalité de ses pratiques !
Si le peuple finissait par comprendre que ce ne sont là que des « colosses aux pieds d’argile », ces pouvoirs et en particulier l’Etat s’effondreraient car ils n’existent pas par eux-mêmes.
Mais pour cela il faudrait déjà cesser de se soumettre, s’impliquer individuellement, réinventer l’action collective à partir des préoccupations de chacun plutôt que de laisser à d’autres, ces fameux représentants, le soin de gérer nos vies à notre place.
La démocratie ne peut qu’être directe, vécue horizontalement et chaque individu est en capacité de penser par lui-même, en capacité de s’exprimer avec ses expériences et sa subjectivité.
Le choix est entre deux avenirs possibles : être un individu autonome ou un sujet soumis !
Pour cela il est temps de retrouver le sens de la révolte face aux injustices et de passer à l’action !
Et cela se passera sans représentants !
PAR : Michel D.
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