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Les articles du ML papier
par Hélène Hernandez • le 7 juillet 2018
C’est toute l’année qu’il faut lutter !
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8 mars, Journée internationale des Femmes
Article extrait du « Monde libertaire » n° 1793 de mars 2018
« Il a fallu cent ans pour effacer les discriminations
les plus criantes entre les hommes et les femmes,
mais qu’attend-on pour abroger celles qui restent ? »
Benoîte Groult, Ainsi soit-elle, 1975.
Cette année encore, le 8 mars, des femmes du monde entier se mobilisent pour leurs droits et, dans certains pays, elles appellent à la grève. Mais qu’est-ce qu’elles veulent encore ? Elles en ont marre d’être violées, agressées, excisées, sous-payées, vendues, humiliées, niées, et bonnes à tout faire ! Mais d’où vient cette date ?
Il était une fois un mythe qui eut la vie longue. On racontait que le 8 mars avait été choisi en référence à une grève de couturières américaines en 1857. Elles réclamaient la réduction du temps de travail, l’augmentation des salaires, des crèches et le respect de leur dignité. Elles furent chargées par la police qui leur tira dessus et tua ainsi des femmes. Ce jour-là, c’était un dimanche, bizarre non ?
Françoise Picq raconte que pour le premier numéro d’Histoires d’Elles 1, une investigation fut ouverte sur l’origine de cette journée : des féministes étaient en quête de leur propre histoire et ne se satisfaisaient plus d’une histoire racontée par les seuls hommes, surtout qu’ils racontaient l’histoire des hommes et des Grands Hommes et très rarement l’histoire des femmes quand ils ne la déformaient pas. Or aucune trace de la journée du 8 mars 1857, y compris en dépouillant tant la presse américaine que les journaux et publications français ou allemands. En revanche, en 1955, dans L’Humanité, dans L’Humanité Dimanche et dans France Nouvelle, le mythe se construit : « Il était une fois à New York, en 1857, des ouvrières de l’habillement. Elles travaillaient dix heures par jour dans des conditions effroyables, pour des salaires de misère. De leur colère, de leur misère naquit une manifestation… » 2 Madeleine Colin donne une version détaillée dans Les Cahiers du communisme en 1960. Elle inscrit donc la manifestation des chemisières new-yorkaises dans la longue histoire des luttes ouvrières. Ainsi, pour l’obédience communiste, est-il plus facile alors de parler d’une lutte de femmes qui s’intègre dans la tradition du mouvement ouvrier que dans celle du mouvement féministe et se sortir, pour conquérir les femmes vers le parti, de la célébration traditionnaliste et réactionnaire de l’Union des femmes françaises (UFF), à l’heure où il était de bon ton d’honorer les femmes comme mères et bonnes ménagères.
Alors l’histoire se déconstruit et se (re)construit avec les données disponibles et vérifiables. C’est bien en 1910, lors de la Deuxième Conférence internationale des femmes socialistes qui se tenait à Copenhague, juste avant la réunion de la IIe Internationale, que Klara Zetkin proposa l’appel aux femmes socialistes de tous les pays à organiser chaque année une Journée internationale des femmes, afin de contrecarrer l’influence des féministes bourgeoises sur les ouvrières. La référence au 8 mars 1857 n’apparaît pas, seul l’exemple des femmes socialistes américaines est cité : le Woman’s Day pour l’égalité des droits civiques en 1909. Le 8 mars en tant que tel n’existe pas encore. En Autriche, Allemagne, Danemark et Suisse, meetings et manifestations se tiennent le 19 mars 1911. En Russie, la Journée internationale des ouvrières se célébra le 3 mars 1913 et le 8 mars 1914.
S’il est un 8 mars qui fera date, c’est celui de 1917 à Petrograd. Contrant l’avis du comité du parti bolchevik du quartier ouvrier de Vyborg qui déconseillait toute grève pour le lendemain 23 février en calendrier julien (soit le 8 mars dans le calendrier grégorien), des ouvrières du textile quittent le travail dans plusieurs fabriques et envoient des déléguées auprès des ouvriers métallurgistes pour leur demander de soutenir la grève. Elles réclament du pain et la paix ! C’est le déclenchement d’une grève très importante et le début de la révolution de 1917 en Russie. Cette date sera officiellement célébrée à partir de 1921 en Union soviétique, puis plus tard au Vietnam et à Cuba.
« Journée de la femme » contre journée de lutte pour les droits des femmes
Avec les événements de mai 68, la prise de conscience féministe se développe et c’est en 1969, à Berkeley, qu’une première manifestation féministe est organisée. En France, le Mouvement de libération des femmes (MLF) se saisit du 8 mars 1975 [j’en étais !] pour manifester contre l’Année internationale de « la » femme de l’ONU, accusé de récupérer la lutte des femmes 3. A la suite, est votée, en 1977, une déclaration invitant tous les États à proclamer une journée des Nations Unies pour les droits de la femme et la paix internationale. Tiens, tiens, la paix est associée aux droits de « la » femme ! Et c’est en 1982 que cette journée du 8 mars est officialisée par François Mitterrand et Yvette Roudy. Dans les pays où cette date est reconnue, c’est l’occasion d’annoncer des mesures gouvernementales en faveur des femmes. Dans d’autres pays, des milliers de femmes courageuses manifestent : la répression s’abat souvent sur elles, mais elles ne désarment pas !
C’est une journée de manifestations à travers le monde : l’occasion de faire un bilan sur la situation des femmes, de fêter les victoires et les acquis, de faire entendre les revendications. La journée du 8 mars ne se « fête » pas et n’est pas la « journée de la femme » mais bien celle de lutte pour les droits des femmes !
Cette année, la Journée internationale des femmes reste ici et là d’une brûlante actualité. En France, accompagnant la révolution que constitue le mouvement des « # », la manifestation féministe prend pour thème « Contre les violences sexuelles et sexistes ». En outre, un appel à la grève est lancé pour le 8 mars à 15 h 40. « Comme tous les jours, c’est l’heure à laquelle les femmes ne sont plus rémunérées par rapport à leurs collègues masculins. Ce 8 mars à 15 h 40, c’est la grève des femmes pour faire aboutir toutes nos revendications. »
Les luttes de femmes ne se limitent pas « à féminiser les postes de direction en oubliant la majorité des femmes scotchées au “plancher collant” des temps partiels et de la précarité. Les femmes dénoncent les violences sexistes et sexuelles à la maison, dans l’espace public, au travail. Elles alertent sur les stéréotypes de genre toujours persistants dans les médias, à l’école, dans la vie publique et privée. Elles condamnent la précarité, la pauvreté, le chômage. Elles refusent les inégalités au travail en termes de salaires, d’accès à l’emploi, de carrière, de temps de travail. Elles rappellent les conséquences de toutes ces inégalités sur le montant des retraites. Elles dénoncent les conséquences de la répartition inégalitaire des tâches domestiques sur la vie des femmes. Elles luttent contre les remises en cause du droit à l’avortement, à l’accès à la contraception. Elles exigent la garantie de services publics pour toutes et tous, des services à développer et équilibrer sur l’ensemble des territoires, de la petite enfance à la perte d’autonomie. Elles combattent la lesbophobie et tous les stéréotypes relatifs à toute autre catégorie discriminée. Elles soutiennent les migrantes et réfugiées. Elles n’admettent pas les discriminations, comme celles visant les femmes handicapées… Cette liste, bien longue, montre qu’il s’agit bien d’un système social derrière toutes ces inégalités. Cette domination, nous la refusons et la refuserons. Jusqu’à ce qu’elle cesse. Et pour cela, nous appelons à agir sur tout le territoire, par des actions de grève, des débrayages, des rassemblements, des manifestations. L’égalité entre les femmes et les hommes est une question de justice sociale et de démocratie. C’est un levier pour gagner l’émancipation de toutes et tous. » 4
L’appel à la grève est partagé par des mouvements féministes et syndicaux d’autres pays comme l’Espagne et l’Italie notamment, et comme l’an dernier au Guatemala, Argentine, Chili, Uruguay, Pérou et ailleurs ? « Huelga general feminista ! Ni una menos ! Non una di meno Le streghe son tomate ! » Grève générale féministe ! Pas une de moins ! Les sorcières sont de retour ! Le 8 mars est une journée internationale de convergence de toutes nos luttes, celles des femmes d’ici et d’ailleurs, sur l’ensemble des continents.
[note]
PAR : Hélène Hernandez
Groupe Pierre Besnard de la Fédération anarchiste
Emission « Femmes libres » sur Radio-Libertaire
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