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par Nathan, Groupe anarchiste Salvador-Seguí • le 18 mars 2018
Lettre ouverte à Jean-Luc Mélenchon
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Article extrait du « Monde libertaire » n° 1791 de janvier 2018
Cher camarade Jean-Luc,
Avant toute chose, je tiens à préciser que je n’interviens dans cette lettre qu’à titre strictement individuel. Si certains peuvent se retrouver dans mon propos, ce n’est pas le cas de tous, notamment au groupe anarchiste Salvador-Seguí, à la Fédération anarchiste et au Syndicat CGT McDonald’s Île-de-France, où j’eus quelques responsabilités.
Sache que c’est toujours avec beaucoup d’intérêt que j’écoute tes discours et lis tes articles. Bien que je ne sois pas de ta famille politique (je suis issu de la tradition anarchiste, tendance syndicaliste), j’apprécie tes propos et analyses en général. Tes talents d’orateur et ta culture politique ont fait de toi et de tes organisations (Parti de gauche et France insoumise [FI]) une composante importante du mouvement social. Plus particulièrement, j’ai tendance à considérer que vos capacités didactiques font de toi et des tiens des acteurs majeurs de l’éducation populaire. Vos sujets sont maîtrisés, chiffres et textes à l’appui.
Aussi, quand j’ai ouï-dire des propos que tu as tenus à l’encontre de la charte d’Amiens, ma curiosité fut piquée. Cette motion de congrès de la CGT, en effet, est souvent présentée comme l’empreinte de l’anarcho-syndicalisme dans l’histoire du mouvement ouvrier français. Les syndicalistes issus du mouvement libertaire, notamment, la « sacralisent » souvent.
Resituons les choses. Vous vouliez, avec la FI (et d’autres), participer au mouvement social. On vous a accusés de vouloir en prendre la tête, de le récupérer. En cause, un appel supplémentaire à manifester le 23 septembre 2017, sans consultation préalable des organisations syndicales. Cela aurait-il eu du sens de les contacter avant ? Sans doute, non. Il y a, en France, une très forte tradition de distanciation entre les organisations politiques et syndicales. Elles auraient présenté une fin de non-recevoir de toute façon.
J’avoue que la FI a su aussi fédérer des individus d’horizons divers, peu enclins ou habitués aux cortèges syndicaux. La mobilisation de la FI en nombre conjointement avec un appel intersyndical aurait, peut-être, emmené plus de monde en manifestation. La proposition avait du sens, même si on peut se demander si cela aurait eu un impact réel sur le rapport de force entre les travailleurs et les capitalistes dans le conflit qui nous oppose actuellement.
Par la suite, sur ton blog, dans deux articles, tu expliquas ton point de vue sur le sujet. Je cite quelques extraits, en espérant ne pas déformer ta pensée et aller à l’essentiel :
« La semaine précédente avait vu le front du refus syndical s’élargir de façon spectaculaire avec l’entrée en opposition de Force ouvrière puis le rendez-vous unitaire au siège de la CGT. (…) Le 23 septembre, dans mon discours place de la République, j’avais dit que nous demandions aux syndicats de prendre l’initiative et que nous nous placerions à leur suite. (…) Bref, nous avons passé la main de la conduite du combat pour faciliter son déroulement et surtout son élargissement. La suite a été bien décevante. (…) Car de ce leadership, que sort-il ? Fort peu. De son côté, le groupe parlementaire La France insoumise continue ses rencontres bilatérales en vue d’une large action commune de tout le champ impliqué dans cette lutte. Il est clair que les confédérations CGT, FO et CFDT n’en veulent pas. (…) Il est plus que temps d’organiser la jonction des efforts entre le mouvement social, associatif et les forces politiques de la résistance au coup d’État social. (…) Une nouvelle fois, le dogme du “mouvement social indépendant de la politique” a montré sa limite. Je le dis parce qu’à ce rythme tous les acquis sociaux essentiels du pays vont y passer et nous aurons été cloués dans une double interdiction : interdit de critiquer “la seule politique possible” d’un côté, interdiction de discuter de l’organisation de la lutte de l’autre. La charte d’Amiens sans cesse invoquée une nouvelle fois aura eu bon dos. Il serait temps que nombre de ceux qui s’y réfèrent pour stigmatiser la présence des organisations politiques dans le combat social se demandent si ce document qui date de 1905 et résulte de la bataille entre marxistes et anarchistes au début du siècle précédent doit rester un dogme sans nuance 111 ans plus tard. Car ce texte fixe une stratégie d’unité ouvrière en tenant à distance les “sectes socialistes” (à l’époque, en 1905, il y a cinq partis socialistes) pour permettre le déclenchement de la “grève générale révolutionnaire”… Parmi les dirigeants du mouvement social actuel, qui a l’intention de préparer aujourd’hui une “grève générale révolutionnaire” comme cela est prévu dans la charte d’Amiens ? Personne ! (…) Et savoir joindre les efforts de mobilisation entre la sphère politique et la sphère du mouvement social. Et je dis le mouvement social en pensant non seulement au syndicalisme mais à tout l’univers associatif, lui aussi laissé de côté à présent en dépit de ses propres efforts pour se mobiliser. (…) Les organisations politiques ont toute leur place dans la mobilisation et la conduite du mouvement de résistance sociale. »
Tu poses un constat assez triste à admettre pour les syndicalistes, toutes tendances confondues. Le confédéralisme qu’elles prônent toutes les pousse à faire vivre toutes les nuances revendicatives de la société en leur sein, à travers des sections (d’entreprises ou de corporations), commissions et collectifs (féministes, LGTB, antiracistes…). Or, dans le mouvement social au sens le plus général du terme, s’il est porté plus particulièrement par les syndicats qui en constituent la base majoritaire, les autres structures politiques, associatives ou informelles en constituent une part non négligeable. Et, hélas, il en a toujours été ainsi. Les féministes ont leurs propres structures indépendantes et autonomes. Les travailleurs sans papiers, les précaires, les mal-logés, eux aussi.
J’admets donc ta critique : les confédérations ne peuvent prétendre agir seules. Surtout en période de faibles mobilisations. De plus, en bien d’autres circonstances, elles signent des appels communs avec des organisations diverses tout en participant et en co-organisant des manifestations. Contre la guerre, etc. Pourquoi en serait-il autrement pour les ordonnances, après tout ? Directement ou non, nous tous sommes concernés.
Mais, pour autant, est-ce la question de l’indépendance politique qu’il faut remettre en cause ? Car il semble bien que ce soit cela que tu critiques. La charte d’Amiens pose le but, la révolution. C’est-à-dire l’abolition du salariat comme subordination au travail et l’appropriation des moyens de production. Elle affirme le moyen : la grève générale. Bien sûr, c’est à demi-mot l’insurrection qui était sous-entendue par la charte et la CGT d’antan. Mais, par extension, elle pose un moyen d’émancipation et d’amélioration du rapport social autre que celui du vote et de l’action parlementaire : l’action directe, plus particulièrement la grève, mais pas seulement (la pétition, la négociation, le boycott, le sabotage de l’outil de travail, la diminution de la cadence, l’occupation du lieu de travail, l’émeute, voire l’insurrection, la libre association de producteurs et consommateurs, la création de mutuelles, faire des dons aux grévistes et aux condamnés passés à l’action contre les capitalistes, il y a bien d’autres façons de faire de la politique directement).
Cela induit-il une hostilité à l’égard des partis en soi ? À l’époque de la charte d’Amiens, non. L’anarcho-syndicalisme, comme courant ouvertement hostile aux partis, n’apparaîtra véritablement qu’après la révolution russe, avec la lutte contre le noyautage bolchevique des organisations du mouvement ouvrier. C’est plutôt le propos de la charte de Lyon de 1926 de la CGT-SR que de celle d’Amiens de 1906 (et non 1905). La CGT travailla d’ailleurs avec différentes composantes du mouvement social après 1906, associations ou partis. Citons le soutien à l’Espagne républicaine sur le sujet.
La charte d’Amiens refuse juste un lien organique avec les partis. Pour des raisons simples, d’ailleurs. À l’époque, les syndicalistes ont encore en tête les politiciens qui veulent freiner les grèves puissantes et potentiellement victorieuses qui leur font perdre des voix dans l’opinion, tel Basly le « député-mineur » ou les sections de partis Ire et IIe Internationales qui veulent faire prévaloir leurs actions et leur autorité pour des raisons souvent similaires. Par la suite, on connut même un Parti communiste qui expliquait qu’il fallait « savoir arrêter une grève » alors que le niveau de syndicalisation était du jamais-vu…
Je n’ai pas de préférence pour l’une ou l’autre charte, celle de Lyon ou celle d’Amiens. Chacune est à placer dans son contexte historique. En 1906, il est inutile pour les syndicalistes (anarchistes notamment, mais pas seulement) de s’attaquer à des partis qui acceptent de laisser tranquilles les syndicats, en contrepartie de laisser les syndiqués militer comme ils veulent dans les partis à côté. En 1926, il leur est nécessaire de contrer une stratégie bolchevique qui veut assujettir les syndicats par le noyautage et l’entrisme, le tout appuyé par un immense prestige social suite aux événements en Russie.
De plus, cher Jean-Luc, j’ai souvenir de ton intervention devant les étudiants de l’École supérieure des sciences économiques et commerciales (Essec), où tu exprimas ton opposition à la charte d’Amiens, là encore. Tu affirmas ta sympathie pour les contre-modèles du syndicalisme anglais et allemand de l’époque. Le premier ayant créé des partis, le second étant né des partis. En conséquence, j’ai l’impression que lorsque que tu critiques le refus des confédérations de s’ouvrir au reste du mouvement social, à juste titre selon moi comme expliqué plus haut, c’est plutôt le refus du lien organique entre organisation politique et syndicale que tu rejettes.
Cela mériterait sûrement de ta part des explications. Quel autre type de mouvement social, de syndicalisme, veux-tu voir à l’œuvre ? Comprends donc notre inquiétude en de telles circonstances. Nous sommes héritiers d’une tactique politique qui fit ses preuves dans une multitude de conflits locaux, notamment de grèves victorieuses, et aussi au niveau national en 1936 et 1968. Plus largement, l’organisation, à la base, des personnes concernées a fait ses preuves (et aussi montré des insuffisances, bien sûr) dans les nouveaux mouvements sociaux (écologistes, féministes, etc.). La social-démocratie a aussi fait ses preuves, je ne le nie pas, ce serait franchement idiot. Mais les exemples cités plus haut nous montrent aussi que les intérêts syndicalistes ne sont pas forcément les mêmes que ceux des partisans.
Je te soumets donc cette réflexion, cher Jean-Luc, en espérant te lire et, pourquoi pas, travailler avec toi et tant d’autres, dans un cadre et une limite stricts.
Reçois mes fraternelles salutations.
Avant toute chose, je tiens à préciser que je n’interviens dans cette lettre qu’à titre strictement individuel. Si certains peuvent se retrouver dans mon propos, ce n’est pas le cas de tous, notamment au groupe anarchiste Salvador-Seguí, à la Fédération anarchiste et au Syndicat CGT McDonald’s Île-de-France, où j’eus quelques responsabilités.
Sache que c’est toujours avec beaucoup d’intérêt que j’écoute tes discours et lis tes articles. Bien que je ne sois pas de ta famille politique (je suis issu de la tradition anarchiste, tendance syndicaliste), j’apprécie tes propos et analyses en général. Tes talents d’orateur et ta culture politique ont fait de toi et de tes organisations (Parti de gauche et France insoumise [FI]) une composante importante du mouvement social. Plus particulièrement, j’ai tendance à considérer que vos capacités didactiques font de toi et des tiens des acteurs majeurs de l’éducation populaire. Vos sujets sont maîtrisés, chiffres et textes à l’appui.
Aussi, quand j’ai ouï-dire des propos que tu as tenus à l’encontre de la charte d’Amiens, ma curiosité fut piquée. Cette motion de congrès de la CGT, en effet, est souvent présentée comme l’empreinte de l’anarcho-syndicalisme dans l’histoire du mouvement ouvrier français. Les syndicalistes issus du mouvement libertaire, notamment, la « sacralisent » souvent.
Resituons les choses. Vous vouliez, avec la FI (et d’autres), participer au mouvement social. On vous a accusés de vouloir en prendre la tête, de le récupérer. En cause, un appel supplémentaire à manifester le 23 septembre 2017, sans consultation préalable des organisations syndicales. Cela aurait-il eu du sens de les contacter avant ? Sans doute, non. Il y a, en France, une très forte tradition de distanciation entre les organisations politiques et syndicales. Elles auraient présenté une fin de non-recevoir de toute façon.
J’avoue que la FI a su aussi fédérer des individus d’horizons divers, peu enclins ou habitués aux cortèges syndicaux. La mobilisation de la FI en nombre conjointement avec un appel intersyndical aurait, peut-être, emmené plus de monde en manifestation. La proposition avait du sens, même si on peut se demander si cela aurait eu un impact réel sur le rapport de force entre les travailleurs et les capitalistes dans le conflit qui nous oppose actuellement.
Par la suite, sur ton blog, dans deux articles, tu expliquas ton point de vue sur le sujet. Je cite quelques extraits, en espérant ne pas déformer ta pensée et aller à l’essentiel :
« La semaine précédente avait vu le front du refus syndical s’élargir de façon spectaculaire avec l’entrée en opposition de Force ouvrière puis le rendez-vous unitaire au siège de la CGT. (…) Le 23 septembre, dans mon discours place de la République, j’avais dit que nous demandions aux syndicats de prendre l’initiative et que nous nous placerions à leur suite. (…) Bref, nous avons passé la main de la conduite du combat pour faciliter son déroulement et surtout son élargissement. La suite a été bien décevante. (…) Car de ce leadership, que sort-il ? Fort peu. De son côté, le groupe parlementaire La France insoumise continue ses rencontres bilatérales en vue d’une large action commune de tout le champ impliqué dans cette lutte. Il est clair que les confédérations CGT, FO et CFDT n’en veulent pas. (…) Il est plus que temps d’organiser la jonction des efforts entre le mouvement social, associatif et les forces politiques de la résistance au coup d’État social. (…) Une nouvelle fois, le dogme du “mouvement social indépendant de la politique” a montré sa limite. Je le dis parce qu’à ce rythme tous les acquis sociaux essentiels du pays vont y passer et nous aurons été cloués dans une double interdiction : interdit de critiquer “la seule politique possible” d’un côté, interdiction de discuter de l’organisation de la lutte de l’autre. La charte d’Amiens sans cesse invoquée une nouvelle fois aura eu bon dos. Il serait temps que nombre de ceux qui s’y réfèrent pour stigmatiser la présence des organisations politiques dans le combat social se demandent si ce document qui date de 1905 et résulte de la bataille entre marxistes et anarchistes au début du siècle précédent doit rester un dogme sans nuance 111 ans plus tard. Car ce texte fixe une stratégie d’unité ouvrière en tenant à distance les “sectes socialistes” (à l’époque, en 1905, il y a cinq partis socialistes) pour permettre le déclenchement de la “grève générale révolutionnaire”… Parmi les dirigeants du mouvement social actuel, qui a l’intention de préparer aujourd’hui une “grève générale révolutionnaire” comme cela est prévu dans la charte d’Amiens ? Personne ! (…) Et savoir joindre les efforts de mobilisation entre la sphère politique et la sphère du mouvement social. Et je dis le mouvement social en pensant non seulement au syndicalisme mais à tout l’univers associatif, lui aussi laissé de côté à présent en dépit de ses propres efforts pour se mobiliser. (…) Les organisations politiques ont toute leur place dans la mobilisation et la conduite du mouvement de résistance sociale. »
Tu poses un constat assez triste à admettre pour les syndicalistes, toutes tendances confondues. Le confédéralisme qu’elles prônent toutes les pousse à faire vivre toutes les nuances revendicatives de la société en leur sein, à travers des sections (d’entreprises ou de corporations), commissions et collectifs (féministes, LGTB, antiracistes…). Or, dans le mouvement social au sens le plus général du terme, s’il est porté plus particulièrement par les syndicats qui en constituent la base majoritaire, les autres structures politiques, associatives ou informelles en constituent une part non négligeable. Et, hélas, il en a toujours été ainsi. Les féministes ont leurs propres structures indépendantes et autonomes. Les travailleurs sans papiers, les précaires, les mal-logés, eux aussi.
J’admets donc ta critique : les confédérations ne peuvent prétendre agir seules. Surtout en période de faibles mobilisations. De plus, en bien d’autres circonstances, elles signent des appels communs avec des organisations diverses tout en participant et en co-organisant des manifestations. Contre la guerre, etc. Pourquoi en serait-il autrement pour les ordonnances, après tout ? Directement ou non, nous tous sommes concernés.
Mais, pour autant, est-ce la question de l’indépendance politique qu’il faut remettre en cause ? Car il semble bien que ce soit cela que tu critiques. La charte d’Amiens pose le but, la révolution. C’est-à-dire l’abolition du salariat comme subordination au travail et l’appropriation des moyens de production. Elle affirme le moyen : la grève générale. Bien sûr, c’est à demi-mot l’insurrection qui était sous-entendue par la charte et la CGT d’antan. Mais, par extension, elle pose un moyen d’émancipation et d’amélioration du rapport social autre que celui du vote et de l’action parlementaire : l’action directe, plus particulièrement la grève, mais pas seulement (la pétition, la négociation, le boycott, le sabotage de l’outil de travail, la diminution de la cadence, l’occupation du lieu de travail, l’émeute, voire l’insurrection, la libre association de producteurs et consommateurs, la création de mutuelles, faire des dons aux grévistes et aux condamnés passés à l’action contre les capitalistes, il y a bien d’autres façons de faire de la politique directement).
Cela induit-il une hostilité à l’égard des partis en soi ? À l’époque de la charte d’Amiens, non. L’anarcho-syndicalisme, comme courant ouvertement hostile aux partis, n’apparaîtra véritablement qu’après la révolution russe, avec la lutte contre le noyautage bolchevique des organisations du mouvement ouvrier. C’est plutôt le propos de la charte de Lyon de 1926 de la CGT-SR que de celle d’Amiens de 1906 (et non 1905). La CGT travailla d’ailleurs avec différentes composantes du mouvement social après 1906, associations ou partis. Citons le soutien à l’Espagne républicaine sur le sujet.
La charte d’Amiens refuse juste un lien organique avec les partis. Pour des raisons simples, d’ailleurs. À l’époque, les syndicalistes ont encore en tête les politiciens qui veulent freiner les grèves puissantes et potentiellement victorieuses qui leur font perdre des voix dans l’opinion, tel Basly le « député-mineur » ou les sections de partis Ire et IIe Internationales qui veulent faire prévaloir leurs actions et leur autorité pour des raisons souvent similaires. Par la suite, on connut même un Parti communiste qui expliquait qu’il fallait « savoir arrêter une grève » alors que le niveau de syndicalisation était du jamais-vu…
Je n’ai pas de préférence pour l’une ou l’autre charte, celle de Lyon ou celle d’Amiens. Chacune est à placer dans son contexte historique. En 1906, il est inutile pour les syndicalistes (anarchistes notamment, mais pas seulement) de s’attaquer à des partis qui acceptent de laisser tranquilles les syndicats, en contrepartie de laisser les syndiqués militer comme ils veulent dans les partis à côté. En 1926, il leur est nécessaire de contrer une stratégie bolchevique qui veut assujettir les syndicats par le noyautage et l’entrisme, le tout appuyé par un immense prestige social suite aux événements en Russie.
De plus, cher Jean-Luc, j’ai souvenir de ton intervention devant les étudiants de l’École supérieure des sciences économiques et commerciales (Essec), où tu exprimas ton opposition à la charte d’Amiens, là encore. Tu affirmas ta sympathie pour les contre-modèles du syndicalisme anglais et allemand de l’époque. Le premier ayant créé des partis, le second étant né des partis. En conséquence, j’ai l’impression que lorsque que tu critiques le refus des confédérations de s’ouvrir au reste du mouvement social, à juste titre selon moi comme expliqué plus haut, c’est plutôt le refus du lien organique entre organisation politique et syndicale que tu rejettes.
Cela mériterait sûrement de ta part des explications. Quel autre type de mouvement social, de syndicalisme, veux-tu voir à l’œuvre ? Comprends donc notre inquiétude en de telles circonstances. Nous sommes héritiers d’une tactique politique qui fit ses preuves dans une multitude de conflits locaux, notamment de grèves victorieuses, et aussi au niveau national en 1936 et 1968. Plus largement, l’organisation, à la base, des personnes concernées a fait ses preuves (et aussi montré des insuffisances, bien sûr) dans les nouveaux mouvements sociaux (écologistes, féministes, etc.). La social-démocratie a aussi fait ses preuves, je ne le nie pas, ce serait franchement idiot. Mais les exemples cités plus haut nous montrent aussi que les intérêts syndicalistes ne sont pas forcément les mêmes que ceux des partisans.
Je te soumets donc cette réflexion, cher Jean-Luc, en espérant te lire et, pourquoi pas, travailler avec toi et tant d’autres, dans un cadre et une limite stricts.
Reçois mes fraternelles salutations.
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