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par Hépha Istos • le 12 juillet 2021
Robocratie Science, technique et politique – partie III
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Article extrait du Monde libertaire n°1829 de juin 2021
Le solutionnisme : pour tout résoudre cliquez ici.
La technique est ambivalente. Lorsqu’elle résout un problème, elle en crée d’autres. C’est ce que capture la notion « d’effet de bord » utilisée en ingénierie. De surcroît, en permettant par de nouvelles techniques de cautériser les plaies qu’elle a ouvertes, elle offre le choix de ne pas les guérir vraiment ; elle dissout le politique.
La religion sécularisée
La technique fonde une croyance irrationnelle : nous croyons que chercheurs et ingénieurs solutionneront chaque nouveau problème, si grand soit-il ! Le solutionnisme est le nouvel avatar du religieux en charge de notre Salut et porteur de miracles. De puissants miracles comme la reconfiguration de l’espace et du temps qui voit l’espace se comprimer et le temps se dilater : on en fait plus, en moins de temps et la distance ne nous sépare plus. Le couplage de la téléphonie mobile et de l’Internet relie les « proches » où que soient leurs corps ; quatre milliards humains – deux sur trois – se parlent et se voient en faisant fi de la distance. Et les usines robotisées, les avions, les fast-foods et autres speed-dating œuvrent à nous faire « gagner » toujours plus de temps.
Quant au Salut, alors que l’on ne croît plus à une vie après la mort, sa Promesse s’est renouvelée : c’est cette vie même qui sera éternelle. La mort est devenue un problème à résoudre et la vieillesse une maladie dont la technoscience trouvera le remède.
Amen.
Toujours plus et plus vite
Mais toute technique produit des « effets de bord », des conséquences indésirées, des nuisances – la pollution en est une catégorie maintenant bien connue. En modifiant l’équilibre existant, chaque nouveau dispositif technique apporte son lot de problèmes : harcèlement et faux amis sur les réseaux sociaux ; désespoir dans les EPHAD. Mais lorsqu’un problème devient trop pressant les ingénieurs trouvent une solution, c’est leur job. L’électronucléaire répare l’abus d’énergie fossile, le Prozak l’état dépressif… L’essence de la société technique est de mobiliser en priorité sa puissance toujours croissante, de développer toujours de nouvelles techniques pour pallier les effets négatifs des précédentes. Banquiers, chercheurs et ingénieurs se réjouissent : ceux-ci car de nouveaux profits se profilent à l’horizon et ceux- là car ils seront mobilisés pour travailler sur de nouveaux et passionnants problèmes. Quant aux chefs, petits et grands, ils déploieront les « solutions » : nouvelles normes, nouveaux budgets, nouvelles lois. Premiers bénéficiaires de la société technique, ces catégories travaillent à son intensification.
Mais cette course en tous sens est sans fin ni frein. En effet, facile à capturer par les puissants – ainsi les robots policiers ou militaires – elle augmente leur capacité à museler le peuple. Les seuls freins sont des comités d’éthique ligotés par les conflits d’intérêt et de surcroît consultatifs… Les seuls freins n’en sont pas.
Dissoudre le politique
Mais le piège est plus pervers encore car le solutionnisme décourage l’étude des problèmes à leur racine, selon leurs dimensions intrinsèques : biologiques, politiques ou personnelles. En rendant supportables les effets indésirables – et elle peut être très efficace – la technique réparatrice rend praticable une société purulente, minée par l’accumulation des problèmes non résolus.
Or, il est une autre approche infiniment plus vertueuse, car politique, qui veut dissoudre plutôt que résoudre. Pour dissoudre, on est contraint de remonter jusqu’aux causes premières, puis lorsqu’on les a identifiées et comprises, les traiter là où elles agissent. La dissolution du problème – totale ou partielle – découlera alors d’un choix politique, d’une réorganisation de la société ou de sa propre existence. Alors que l’éloignement des lieux de travail et de vie crée la plaie des transports quotidiens, consommer moins de viande dissout l’élevage intensif ; vivre intensément l’endroit où l’on habite dissout les avions ; une juste allocation des tâches pénibles les adoucit.
Par sa nature et ses propriétés, la technique ouvre donc un double piège car d’une part son usage est facile et consolide les puissants, économiques, intellectuels ou charismatiques, et d’autre part en laissant accroire à la résolution de problèmes dont elle n’a fait qu’atténuer les effets, elle tend à dissoudre le politique, à substituer à l’autogouvernement des hommes, « l’administration des choses » ; jusqu’à une possible catastrophe.
Hépha Istos
La technique est ambivalente. Lorsqu’elle résout un problème, elle en crée d’autres. C’est ce que capture la notion « d’effet de bord » utilisée en ingénierie. De surcroît, en permettant par de nouvelles techniques de cautériser les plaies qu’elle a ouvertes, elle offre le choix de ne pas les guérir vraiment ; elle dissout le politique.
La religion sécularisée
La technique fonde une croyance irrationnelle : nous croyons que chercheurs et ingénieurs solutionneront chaque nouveau problème, si grand soit-il ! Le solutionnisme est le nouvel avatar du religieux en charge de notre Salut et porteur de miracles. De puissants miracles comme la reconfiguration de l’espace et du temps qui voit l’espace se comprimer et le temps se dilater : on en fait plus, en moins de temps et la distance ne nous sépare plus. Le couplage de la téléphonie mobile et de l’Internet relie les « proches » où que soient leurs corps ; quatre milliards humains – deux sur trois – se parlent et se voient en faisant fi de la distance. Et les usines robotisées, les avions, les fast-foods et autres speed-dating œuvrent à nous faire « gagner » toujours plus de temps.
Quant au Salut, alors que l’on ne croît plus à une vie après la mort, sa Promesse s’est renouvelée : c’est cette vie même qui sera éternelle. La mort est devenue un problème à résoudre et la vieillesse une maladie dont la technoscience trouvera le remède.
Amen.
Toujours plus et plus vite
Mais toute technique produit des « effets de bord », des conséquences indésirées, des nuisances – la pollution en est une catégorie maintenant bien connue. En modifiant l’équilibre existant, chaque nouveau dispositif technique apporte son lot de problèmes : harcèlement et faux amis sur les réseaux sociaux ; désespoir dans les EPHAD. Mais lorsqu’un problème devient trop pressant les ingénieurs trouvent une solution, c’est leur job. L’électronucléaire répare l’abus d’énergie fossile, le Prozak l’état dépressif… L’essence de la société technique est de mobiliser en priorité sa puissance toujours croissante, de développer toujours de nouvelles techniques pour pallier les effets négatifs des précédentes. Banquiers, chercheurs et ingénieurs se réjouissent : ceux-ci car de nouveaux profits se profilent à l’horizon et ceux- là car ils seront mobilisés pour travailler sur de nouveaux et passionnants problèmes. Quant aux chefs, petits et grands, ils déploieront les « solutions » : nouvelles normes, nouveaux budgets, nouvelles lois. Premiers bénéficiaires de la société technique, ces catégories travaillent à son intensification.
Mais cette course en tous sens est sans fin ni frein. En effet, facile à capturer par les puissants – ainsi les robots policiers ou militaires – elle augmente leur capacité à museler le peuple. Les seuls freins sont des comités d’éthique ligotés par les conflits d’intérêt et de surcroît consultatifs… Les seuls freins n’en sont pas.
Dissoudre le politique
Mais le piège est plus pervers encore car le solutionnisme décourage l’étude des problèmes à leur racine, selon leurs dimensions intrinsèques : biologiques, politiques ou personnelles. En rendant supportables les effets indésirables – et elle peut être très efficace – la technique réparatrice rend praticable une société purulente, minée par l’accumulation des problèmes non résolus.
Or, il est une autre approche infiniment plus vertueuse, car politique, qui veut dissoudre plutôt que résoudre. Pour dissoudre, on est contraint de remonter jusqu’aux causes premières, puis lorsqu’on les a identifiées et comprises, les traiter là où elles agissent. La dissolution du problème – totale ou partielle – découlera alors d’un choix politique, d’une réorganisation de la société ou de sa propre existence. Alors que l’éloignement des lieux de travail et de vie crée la plaie des transports quotidiens, consommer moins de viande dissout l’élevage intensif ; vivre intensément l’endroit où l’on habite dissout les avions ; une juste allocation des tâches pénibles les adoucit.
Par sa nature et ses propriétés, la technique ouvre donc un double piège car d’une part son usage est facile et consolide les puissants, économiques, intellectuels ou charismatiques, et d’autre part en laissant accroire à la résolution de problèmes dont elle n’a fait qu’atténuer les effets, elle tend à dissoudre le politique, à substituer à l’autogouvernement des hommes, « l’administration des choses » ; jusqu’à une possible catastrophe.
Hépha Istos
PAR : Hépha Istos
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