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par jean-Pierre Tertrais • le 11 mars 2019
Progrès et barbarie
Lien permanent : https://monde-libertaire.net/index.php?articlen=3913
article extrait du Monde libertaire n°1803 de février 2019
Un peu de lucidité
« Je crains le jour où la technologie dépassera l’homme. Le monde aura une génération d’idiots »
— Albert Einstein
Il y a un demi-siècle, J. Ellul écrivait : « Ce n’est pas la technique qui nous asservit mais le sacré transféré à la technique ». Depuis, masquant les rapports de pouvoir sous une apparence d’objectivité, la machine a massivement envahi la vie quotidienne. Provoquant, avec sa soif inextinguible de capitaux, une dévastation de la planète, des peuples et des cultures : épuisement des ressources, perturbation des écosystèmes, nombreuses pathologies de la « modernité », perte considérable de sensibilité, de singularité, d’intimité, de capacités créatives et autonomes… Non seulement affaiblissement du contact direct, du lien social, mais développement de la malveillance (voir, entre autres, l’explosion des fraudes informatiques). Et peut-être surtout dilution de la responsabilité par la difficulté à appréhender les conséquences de nos actes. Ce qui fait qu’aujourd’hui le pseudo-confort d’une minorité s’établit sur la souffrance réelle d’une majorité… et même de la minorité elle-même !
L’acceptation docile de la technoscience
« L’outil est neutre, c’est l’usage que nous en faisons qui est déterminant ». Voilà l’illusion mortelle de ceux qui n’ont toujours perçu dans les perfectionnements techniques qu’un allègement des tâches quotidiennes. Eh bien non, l’outil n’est pas neutre, il est ambivalent. Ses « bons » usages sont indissociables des effets négatifs qu’il génère. Dans Ellul par lui-même – La Table ronde 2008 – J. Ellul écrivait : « Chaque technique qui apparaît apporte avec elle des effets positifs et des effets négatifs, mêlés les uns aux autres. C’est une vue tout à fait simpliste de penser que l’on peut les séparer, éliminer les effets négatifs et retenir les effets positifs. A chaque progrès technique, il y a accroissement d’effets positifs et accroissement d’effets négatifs dont nous ne savons généralement rien ».
Or depuis la naissance de la révolution industrielle, une coalition permanente entre tous les pouvoirs – politique, scientifique, financier, industriel – a éliminé, par la force ou par la persuasion, tous les refus, toutes les contestations qui jalonnent l’Histoire. A l’image des révoltes luddites du début du 19e siècle, et de leurs prolongements sauvagement réprimés. Au nom de la science, le « progrès » s’est imposé sans aucune concertation, sans aucun questionnement sur sa pertinence, son utilité sociale ou sa soutenabilité écologique. La déqualification du travail et la disparition progressive des savoir-faire correspondaient à l’émergence d’un prolétariat où chaque employé était interchangeable. Aujourd’hui Internet et la société du numérique constituent l’aboutissement et l’accélération d’un long processus de dépossession de l’homme, c’est-à-dire l’utilisation intensive des machines pour permettre la production en masse de marchandises de moindre qualité, à bas coût par le biais de la rationalisation et de la mécanisation des tâches, avec pour seuls mots d’ordre productivité-rentabilité. Le paradoxe est que cet outil est désormais perçu de manière favorable à la fois par les industriels et les partisans de l’ordre néolibéral qui y voient le plus sûr moyen d’asservir les populations, et par les opposants au capitalisme qui, eux, y distinguent une révolution inédite apte à favoriser l’émancipation collective à grand renfort de « logiciels libres » !
Un naufrage anthropologique
Pour renforcer notre fascination à l’égard de l’innovation technologique, le capitalisme a dissimulé toutes les conditions nécessaires à leur réalisation (à commencer par les délocalisations et le pillage lointain des pays pauvres), et a même réussi à nous faire accepter tous les renoncements, les sacrifices pour l’acquisition de ces « merveilles ». Or la diffusion massive d’Internet représente une organisation gigantesque financée par le secteur public mais exploitée par les compagnies privées, une concentration très élevée du pouvoir, c’est-à-dire une perte considérable d’autonomie… dont les luddites se montraient si exigeants, des quantités de machines très sophistiquées, et donc des investissements colossaux qui manquent cruellement dans d’autres domaines (santé, éducation, culture…). Elle requiert également une énergie considérable et contribue largement à la production de gaz à effet de serre. Internet ne préfigure donc en rien un monde dématérialisé ou virtuel et, comme l’écrit Hervé Krief dans Internet ou le retour à la bougie - Quartz 2018 : « C’est une pure illusion que de penser le monde numérique à la mesure des humains et s’inscrivant dans la plénitude et l’épanouissement de la condition humaine ».
Au nom de la gratuité et du partage, Internet concentre et amplifie toutes les tares qu’accumule la montée en puissance de la société industrielle : destruction des métiers, dégradation des relations humaines et remplacement par des automates, accentuation du chômage, contrôle et surveillance accrus des individus… Et même perte de relation avec la terre ou avec l’animal (puçage du « bétail » dans l’agriculture). Le smartphone a efficacement relégué le téléviseur pour développer l’addiction précoce, la perte de la capacité d’écoute, les troubles de l’attention et la détérioration de la mémoire. La surexposition aux écrans organise le saccage de l’enfance. La vitesse du monde-machine et sa démesure rendent de moins en moins supportable la déshumanisation en cours. Par ailleurs, la quasi-obligation faite aux citoyens par l’administration de recourir au numérique et l’empreinte culturelle énorme des Google-Apple-Facebook et autres autorisent à qualifier de « totalitaire » cet univers de la connexion. Non seulement la société du numérique ne procure aucun bien-être réel aux utilisateurs, mais elle impose aux régions les plus pauvres du monde (comme d’ailleurs les énergies renouvelables) des conditions de vie proches de l’esclavage dans un contexte de désastre écologique.
« La face cachée de l’économie verte est terrifiante »
« C’est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe », c’est par ces propos que, dans Candide, Voltaire veut faire prendre conscience que, si les commerçants, les pouvoirs politiques et l’Église sont totalement inexcusables, le consommateur européen est aussi complice de l’esclavage, des traitements inhumains, des châtiments, des punitions, que le plaisir des uns n’est souvent dû qu’à la souffrance des autres. Près de trois siècles plus tard, connaissant l’exploitation de la force de travail, notamment dans l’extraction et la transformation des terres rares, on peut témoigner de la même indignation : « C’est à ce prix que la moitié de l’humanité s’adonne aux joies des écrans tactiles ». L’Histoire serait-elle vouée à se répéter ?
Dans un contexte de raréfaction des énergies fossiles, de dérèglements climatiques et de « crise » économique, la dynamique capitaliste s’emballe : une compétition féroce autour d’enjeux financiers énormes. Véritable fuite en avant, les « solutions » avancées, prétendument porteuses d’avenir, se résument aux technologies de l’information et de la communication (TIC) ainsi qu’aux instruments de l’énergie renouvelable, avec des domaines plus discrètement évoqués tels que l’aviation civile et militaire ou l’aérospatial. Or il se trouve que ces « technologies vertes » nécessitent, à l’échelle planétaire, l’utilisation de « terres rares », et de quelques autres éléments associés (cobalt, lithium, graphite, manganèse, molybdène, vanadium, silice…). Et que leur mise en œuvre implique à la fois une surexploitation de la main-d’œuvre de type esclavagiste et une pollution environnementale extrême. Une production entachée de sueur, de larmes, de sang et de cadavres.
Le sacrifice de millions de vies
Dans diverses régions du monde, le simple fait de vivre (manger, respirer, se déplacer), expose aujourd’hui la santé à de nombreuses atteintes. Mais pour ceux qui travaillent dans les industries, et plus encore pour ceux qui sont contraints de résider dans l’environnement de leur lieu de travail, la peine se trouve largement aggravée. L’OMS estime que la seule pollution de l’air occasionnerait sept millions de morts par an ; dans certains villages en Chine (où ne pénètre à peu près aucun journaliste), la mortalité par cancer avoisine les 70 %. Pour parfois à peine un euro par jour, des esclaves modernes – parfois des enfants de 4 ou 5 ans – travaillent dans des conditions d’insécurité totale (métaux lourds, acide sulfurique, éléments radioactifs…) ; certains meurent dans l’effondrement de tunnels… ou sur des embarcations précaires en voulant fuir l’enfer.
Dans la surexploitation de la force de travail, la palme revient sans doute à la société chinoise Foxconn, le plus grand fabricant d’appareils électroniques : journées de travail de plus de quinze heures dans des conditions militaires, exposition sans protection à des substances toxiques (cuivre, nickel, vapeurs de cyanure…), cadences infernales, vol de papiers et documents d’identité d’employés afin de les faire disparaître des recensements, humiliations publiques, brimades, centaines de suicides. Ces « camps de travail forcé » étant rebaptisés « entreprise révolutionnaire, symbole des progrès futurs, exemple de productivité » par les autorités politiques qui en assurent la haute protection.
Un désastre écologique
La multiplication spectaculaire des produits « high tech » (chaque année sortent des usines un milliard de portables et 300 millions d’ordinateurs) engendre – extraction, transformation, assemblage, transport, commercialisation et utilisation – des pollutions (eau, air, sols) à des niveaux hallucinants et porte à son paroxysme l’obsolescence programmée. En sachant que, pour l’instant, nous ne sommes capables de recycler qu’une infime partie de ces produits (et que ce recyclage se montre gourmand en énergie et lui-même polluant). Quelques chiffres significatifs.
Une simple puce de 2g nécessite 1600g d’énergie fossile secondaire, 72g de produits chimiques, 32 000g d’eau et 700g de gaz élémentaires. Une éolienne de 3MW exige 2700 kilos de terres rares. Pour extraire un kilo de vanadium, il faut traiter 8,5 tonnes de roche. La fabrication des batteries est tellement émettrice de CO2 qu’il faut avoir parcouru de 50 000 à 100 000 km en voiture électrique pour commencer à être moins producteur de CO2 qu’une voiture thermique ! Officiellement en Chine, les bénéfices financiers liés à l’exploitation des terres rares ne couvrent pas le coût du désastre écologique ! La majeure partie de ces informations est extraite de la brochure Progrès et barbarie – Échanges et mouvement septembre 2018.
Qu’il s’agisse d’intelligence artificielle, de nanotechnologies, de génie génétique, de neurotechnologies, qu’il s’agisse de reproduction artificielle du vivant ou de vie sous assistance numérique, les mêmes processus sont à l’œuvre : marchandiser le vivant pour optimiser les profits, éliminer l’humain pour supprimer l’erreur. Lutter contre le techno-totalitarisme issu des laboratoires, des usines et des conseils d’administration exigera beaucoup de lucidité, de courage, d’imagination et de solidarité. Et les délais sont courts !
Jean-Pierre TERTRAIS
« Je crains le jour où la technologie dépassera l’homme. Le monde aura une génération d’idiots »
— Albert Einstein
Il y a un demi-siècle, J. Ellul écrivait : « Ce n’est pas la technique qui nous asservit mais le sacré transféré à la technique ». Depuis, masquant les rapports de pouvoir sous une apparence d’objectivité, la machine a massivement envahi la vie quotidienne. Provoquant, avec sa soif inextinguible de capitaux, une dévastation de la planète, des peuples et des cultures : épuisement des ressources, perturbation des écosystèmes, nombreuses pathologies de la « modernité », perte considérable de sensibilité, de singularité, d’intimité, de capacités créatives et autonomes… Non seulement affaiblissement du contact direct, du lien social, mais développement de la malveillance (voir, entre autres, l’explosion des fraudes informatiques). Et peut-être surtout dilution de la responsabilité par la difficulté à appréhender les conséquences de nos actes. Ce qui fait qu’aujourd’hui le pseudo-confort d’une minorité s’établit sur la souffrance réelle d’une majorité… et même de la minorité elle-même !
L’acceptation docile de la technoscience
« L’outil est neutre, c’est l’usage que nous en faisons qui est déterminant ». Voilà l’illusion mortelle de ceux qui n’ont toujours perçu dans les perfectionnements techniques qu’un allègement des tâches quotidiennes. Eh bien non, l’outil n’est pas neutre, il est ambivalent. Ses « bons » usages sont indissociables des effets négatifs qu’il génère. Dans Ellul par lui-même – La Table ronde 2008 – J. Ellul écrivait : « Chaque technique qui apparaît apporte avec elle des effets positifs et des effets négatifs, mêlés les uns aux autres. C’est une vue tout à fait simpliste de penser que l’on peut les séparer, éliminer les effets négatifs et retenir les effets positifs. A chaque progrès technique, il y a accroissement d’effets positifs et accroissement d’effets négatifs dont nous ne savons généralement rien ».
Or depuis la naissance de la révolution industrielle, une coalition permanente entre tous les pouvoirs – politique, scientifique, financier, industriel – a éliminé, par la force ou par la persuasion, tous les refus, toutes les contestations qui jalonnent l’Histoire. A l’image des révoltes luddites du début du 19e siècle, et de leurs prolongements sauvagement réprimés. Au nom de la science, le « progrès » s’est imposé sans aucune concertation, sans aucun questionnement sur sa pertinence, son utilité sociale ou sa soutenabilité écologique. La déqualification du travail et la disparition progressive des savoir-faire correspondaient à l’émergence d’un prolétariat où chaque employé était interchangeable. Aujourd’hui Internet et la société du numérique constituent l’aboutissement et l’accélération d’un long processus de dépossession de l’homme, c’est-à-dire l’utilisation intensive des machines pour permettre la production en masse de marchandises de moindre qualité, à bas coût par le biais de la rationalisation et de la mécanisation des tâches, avec pour seuls mots d’ordre productivité-rentabilité. Le paradoxe est que cet outil est désormais perçu de manière favorable à la fois par les industriels et les partisans de l’ordre néolibéral qui y voient le plus sûr moyen d’asservir les populations, et par les opposants au capitalisme qui, eux, y distinguent une révolution inédite apte à favoriser l’émancipation collective à grand renfort de « logiciels libres » !
Un naufrage anthropologique
Pour renforcer notre fascination à l’égard de l’innovation technologique, le capitalisme a dissimulé toutes les conditions nécessaires à leur réalisation (à commencer par les délocalisations et le pillage lointain des pays pauvres), et a même réussi à nous faire accepter tous les renoncements, les sacrifices pour l’acquisition de ces « merveilles ». Or la diffusion massive d’Internet représente une organisation gigantesque financée par le secteur public mais exploitée par les compagnies privées, une concentration très élevée du pouvoir, c’est-à-dire une perte considérable d’autonomie… dont les luddites se montraient si exigeants, des quantités de machines très sophistiquées, et donc des investissements colossaux qui manquent cruellement dans d’autres domaines (santé, éducation, culture…). Elle requiert également une énergie considérable et contribue largement à la production de gaz à effet de serre. Internet ne préfigure donc en rien un monde dématérialisé ou virtuel et, comme l’écrit Hervé Krief dans Internet ou le retour à la bougie - Quartz 2018 : « C’est une pure illusion que de penser le monde numérique à la mesure des humains et s’inscrivant dans la plénitude et l’épanouissement de la condition humaine ».
Au nom de la gratuité et du partage, Internet concentre et amplifie toutes les tares qu’accumule la montée en puissance de la société industrielle : destruction des métiers, dégradation des relations humaines et remplacement par des automates, accentuation du chômage, contrôle et surveillance accrus des individus… Et même perte de relation avec la terre ou avec l’animal (puçage du « bétail » dans l’agriculture). Le smartphone a efficacement relégué le téléviseur pour développer l’addiction précoce, la perte de la capacité d’écoute, les troubles de l’attention et la détérioration de la mémoire. La surexposition aux écrans organise le saccage de l’enfance. La vitesse du monde-machine et sa démesure rendent de moins en moins supportable la déshumanisation en cours. Par ailleurs, la quasi-obligation faite aux citoyens par l’administration de recourir au numérique et l’empreinte culturelle énorme des Google-Apple-Facebook et autres autorisent à qualifier de « totalitaire » cet univers de la connexion. Non seulement la société du numérique ne procure aucun bien-être réel aux utilisateurs, mais elle impose aux régions les plus pauvres du monde (comme d’ailleurs les énergies renouvelables) des conditions de vie proches de l’esclavage dans un contexte de désastre écologique.
« La face cachée de l’économie verte est terrifiante »
« C’est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe », c’est par ces propos que, dans Candide, Voltaire veut faire prendre conscience que, si les commerçants, les pouvoirs politiques et l’Église sont totalement inexcusables, le consommateur européen est aussi complice de l’esclavage, des traitements inhumains, des châtiments, des punitions, que le plaisir des uns n’est souvent dû qu’à la souffrance des autres. Près de trois siècles plus tard, connaissant l’exploitation de la force de travail, notamment dans l’extraction et la transformation des terres rares, on peut témoigner de la même indignation : « C’est à ce prix que la moitié de l’humanité s’adonne aux joies des écrans tactiles ». L’Histoire serait-elle vouée à se répéter ?
Dans un contexte de raréfaction des énergies fossiles, de dérèglements climatiques et de « crise » économique, la dynamique capitaliste s’emballe : une compétition féroce autour d’enjeux financiers énormes. Véritable fuite en avant, les « solutions » avancées, prétendument porteuses d’avenir, se résument aux technologies de l’information et de la communication (TIC) ainsi qu’aux instruments de l’énergie renouvelable, avec des domaines plus discrètement évoqués tels que l’aviation civile et militaire ou l’aérospatial. Or il se trouve que ces « technologies vertes » nécessitent, à l’échelle planétaire, l’utilisation de « terres rares », et de quelques autres éléments associés (cobalt, lithium, graphite, manganèse, molybdène, vanadium, silice…). Et que leur mise en œuvre implique à la fois une surexploitation de la main-d’œuvre de type esclavagiste et une pollution environnementale extrême. Une production entachée de sueur, de larmes, de sang et de cadavres.
Le sacrifice de millions de vies
Dans diverses régions du monde, le simple fait de vivre (manger, respirer, se déplacer), expose aujourd’hui la santé à de nombreuses atteintes. Mais pour ceux qui travaillent dans les industries, et plus encore pour ceux qui sont contraints de résider dans l’environnement de leur lieu de travail, la peine se trouve largement aggravée. L’OMS estime que la seule pollution de l’air occasionnerait sept millions de morts par an ; dans certains villages en Chine (où ne pénètre à peu près aucun journaliste), la mortalité par cancer avoisine les 70 %. Pour parfois à peine un euro par jour, des esclaves modernes – parfois des enfants de 4 ou 5 ans – travaillent dans des conditions d’insécurité totale (métaux lourds, acide sulfurique, éléments radioactifs…) ; certains meurent dans l’effondrement de tunnels… ou sur des embarcations précaires en voulant fuir l’enfer.
Dans la surexploitation de la force de travail, la palme revient sans doute à la société chinoise Foxconn, le plus grand fabricant d’appareils électroniques : journées de travail de plus de quinze heures dans des conditions militaires, exposition sans protection à des substances toxiques (cuivre, nickel, vapeurs de cyanure…), cadences infernales, vol de papiers et documents d’identité d’employés afin de les faire disparaître des recensements, humiliations publiques, brimades, centaines de suicides. Ces « camps de travail forcé » étant rebaptisés « entreprise révolutionnaire, symbole des progrès futurs, exemple de productivité » par les autorités politiques qui en assurent la haute protection.
Un désastre écologique
La multiplication spectaculaire des produits « high tech » (chaque année sortent des usines un milliard de portables et 300 millions d’ordinateurs) engendre – extraction, transformation, assemblage, transport, commercialisation et utilisation – des pollutions (eau, air, sols) à des niveaux hallucinants et porte à son paroxysme l’obsolescence programmée. En sachant que, pour l’instant, nous ne sommes capables de recycler qu’une infime partie de ces produits (et que ce recyclage se montre gourmand en énergie et lui-même polluant). Quelques chiffres significatifs.
Une simple puce de 2g nécessite 1600g d’énergie fossile secondaire, 72g de produits chimiques, 32 000g d’eau et 700g de gaz élémentaires. Une éolienne de 3MW exige 2700 kilos de terres rares. Pour extraire un kilo de vanadium, il faut traiter 8,5 tonnes de roche. La fabrication des batteries est tellement émettrice de CO2 qu’il faut avoir parcouru de 50 000 à 100 000 km en voiture électrique pour commencer à être moins producteur de CO2 qu’une voiture thermique ! Officiellement en Chine, les bénéfices financiers liés à l’exploitation des terres rares ne couvrent pas le coût du désastre écologique ! La majeure partie de ces informations est extraite de la brochure Progrès et barbarie – Échanges et mouvement septembre 2018.
Qu’il s’agisse d’intelligence artificielle, de nanotechnologies, de génie génétique, de neurotechnologies, qu’il s’agisse de reproduction artificielle du vivant ou de vie sous assistance numérique, les mêmes processus sont à l’œuvre : marchandiser le vivant pour optimiser les profits, éliminer l’humain pour supprimer l’erreur. Lutter contre le techno-totalitarisme issu des laboratoires, des usines et des conseils d’administration exigera beaucoup de lucidité, de courage, d’imagination et de solidarité. Et les délais sont courts !
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