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par Nuage fou • le 20 mai 2019
Pour le gala annuel de l’association « Paix et Amour »
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Article extrait du Monde libertaire n°1805
« Venez encourager des combattant.e.s venu.e.s de partout : de Lille à Rome en passant par Amiens et Madrid, en faisant un détour par Saint-Denis puis un crochet par Rennes, Toulouse, Ivry, Gent et Gotham city. »
Ainsi s’est propagée dans les milieux parisiens et au-delà, l’annonce du Grand Gala annuel de l’ASPA – l’Association Sportive Paix et Amour – qui se déroulait les samedi 9 et dimanche 10 mars à la Parole Errante de Montreuil. Ce fut l’occasion d’assister à de nombreux combats-démonstration illustrant diverses disciplines martiales allant de la boxe au grappling (les luttes sans « percussion »), et dont les vainqueurs étaient désignés par un jury tournant formé de jeunes volontaires du public. Un plaisir des yeux – la chorégraphie des corps combattants – et des oreilles – les « encouhurlements » du public – et qui se mêlait à celui des papilles, puisqu’un bar et une cantine à prix libre étaient à notre disposition, le tout dans une ambiance festive et dont d’humour et l’auto-dérision n’étaient pas absents. « Mais... nous demandent avec insistance nos amis du comité de rédaction du Monde Libertaire, soucieux du respect de leur mandat ainsi que de l’intérêt et de la moralité de leurs lecteurs, pourquoi commenter un Gala de boxe dans un journal anarchiste, au risque d’être aussitôt critiqués pour toutes formes de manquement aux innombrables causes dont les anarchistes se sentent investis. »
« Et si l’on commence maintenant, continuent-ils, légitimement inquiet, à quand la rubrique sportive, le tiercé et les paris, les promotions croisées avec l’Équipe ? »
Il nous aura fallu proposer quelques bribes de réponses... détaillées ci-dessous. Premier élément, le contexte de ce Gala :
« Notre espace se veut accueillant bienveillant et vigilant afin d’éviter de reproduire des comportements virilistes, compétitifs et sexistes trop souvent présents dans les clubs et dans le sport plus généralement (et tout autres domaines de la vie bien sûr).Vous pourrez aussi manger, boire, vous faire tatouer, acheter des livres ou des t-shirts. »
« Sport » est bien, en effet, un mot difficile, un peu suspect, un peu louche, et derrière lequel pourrait se cacher des hordes de « beaufs », télé-addicts et videurs de canettes du fond de leur canapé. Il nous a donc semblé intéressant de le questionner dans ces colonnes... car il faut aussi constater que le sport possède certaines vertus, il nous fournit l’occasion de prendre plaisir à cultiver un corps malmené par la sédentarité, de jouir de notre puissance d’agir sans nuire à autrui, et d’expérimenter le difficile mélange de coopération et de compétition qui est au cœur des sociétés humaines. Nous proposons donc, à titre exploratoire trois raisons de traiter du sport dans un journal anarchiste: physique, sociale et politique. Et s’il est besoin d’une quatrième... elle sera... pragmatique, puisqu’il s’agit ici de sports de combats.
La culture que l’on évoque par ces lignes est donc physique, de l’ordre du corps, de l’ordre ce que l’on est. Et contrairement aux chrétiens, dont l’Esprit Saint se passe très bien de corps – la troisième personne du monothéisme est en effet bien éthérée –, les anarchistes peuvent penser qu’un corps sain est le terreau, peut-être non nécessaire, mais en tout cas très favorable au développement d’un esprit sain. La société libertaire doit encourager, la pleine et libre jouissance de son corps, l’exploration de ses possibilités, et le jeu avec ses limites ; l’étonnante continuité temporelle des milieux libres anarchistes, qui s’étendent du milieu du 19ième siècle à nos jours, en sont un vibrant et très concret exemple. Dès leurs origines, ces communautés ont exploré le large éventail des modalités de l’entretien d’un corps-esprit en bonne santé : travail manuel, frugalisme voire ascétisme, végétarisme, sobriété, naturisme, gymnastique, amour libre, etc.
En second, et à l’opposé de l’éthique du calcul utilitariste au fondement des sociétés capitalistes, le sport nous incite à goûter le plaisir d’un effort gratuit, sans autre projet que son immédiateté. Sentir la fluidité d’un corps (assez) bien huilé, d’un geste (presque) parfait, est un plaisir tout à la fois trivial et bouleversant, à la porté de chacun, quelques soient ses capacités. Se faire violence pour repousser une limite, pour plonger plus profond, sauter plus haut, ou « tenir » (juste un peu) plus longtemps, apprendre aussi à ne pas aller trop loin et « casser », ce sont des occasions d’un magnifique jeu avec soi-même, indépendamment de toute course à la performance. En pratiquant un sport, on déploie le simple plaisir d’être une bête, d’être au monde et en accord avec lui. Cette innocence et cette gratuité sont foncièrement anti-utilitaristes et anticapitalistes ; la pratique d’un effort pur, sans autre objet que lui-même est la négation de leurs postulats. Elle dissout dans l’acide de sa transpiration cette pensée qui nous martèle chaque jour que « toute peine mérite salaire », que « le temps c’est de l’argent ». Ici le temps est perdu, ne rapporte pas d’argent, et la peine, parfois infiniment grande, n’engendre aucun salaire – au mieux quelques vigoureuses giclées de dopamine et au pire l’hypertrophie bien temporaire d’un ego en mal d’amour – on est dans l’ordre de la vie dans ce qu’elle a de plus simple, de plus évident. Un corps se meut pour son plaisir immédiat, parfois pour le désir de franchir une limite, d’augmenter ses possibles.
Nous n’avons pas la place ici de questionner la pensée et les pratiques anarchistes sur la relation à « l’entraîneur », sur cette délégation volontaire d’une d’autorité forte, sur ce paradoxal mandat « d’autorité ». Il nous faudrait bien sûr également célébrer les extraordinaires joies, les nombreuses modalités, et l’extraordinaire efficacité de la coopération issue de l’intimité d’une équipe qui fonctionne. Mais, nous préférerons dans ce premier article commencer l’exploration dudélicat sujet de la compétition.
Il n’existe peut-être pas de sport sans compétition, les deux semblent intimement liés. Nous l’évoquions plus haut, les sociétés humaines doivent articuler coopération et compétition, et comme c’est en jouant que l’on apprend le mieux, l’humanité a inventé ces sports qui nous offrent les occasions d’apprendre en s’amusant cette danse complexe. Les anarchistes, on le sait ont une pensée de la coopération, inutile de citer ici les grands anciens : une société anarchiste valorise, encourage et crée les conditions de possibilité de la coopération, c’est une de ses forces majeures. Mais toutes choses vont par deux, et il nous paraît important pour la pensée et les pratiques anarchistes de penser aussi la compétition, de la comprendre afin de mieux l’apprivoiser, d’en maîtriser le fiel pour mieux goûter son miel. Car, de fait, on ne peut l’ignorer. Chacun d’entre nous la pratique dans de nombreux contextes, tant publics que privés ; elle est inhérente à la vie des animaux sociaux que nous sommes, tout comme, à l’ordre supérieur, elle est – ici encore en compagnie de la coopération – un des régulateurs des relations inter-espèces au sein des écosystèmes. En limitant son enjeu à un gain symbolique, le sport fait de la compétition un terrain de jeu qui peut nourrir notre pensée et nos pratiques, être propice à l’exploration de nos propositions relatives à l’être en société.
Plus immédiatement, nous pouvons également retenir l’importance de ne pas laisser le champ libre à l’entreprise de destruction capitaliste qui en le professionnalisant, en le « marchandisant », a contaminé le sport, pour progressivement le réduire au triste statut de support d’une course au profit. Argent sale et massif, « paradis » fiscaux, drogues, petits mensonges et grosses corruptions ; c’est avec ces ingrédients que le capital pourrit le sport. De leur coté, Panem et circenses – Du pain et des jeux –, les puissants le détournent afin de promouvoir leurs couleurs, nourrir leur ego, occuper le peuple et créer à bas coût l’illusion d’une cohésion nationale. Le sport est un des leviers du soft-power et pour ce faire, tels les bestiaux des concours agricole, les jeunes sportifs amateurs sont filtrés, sélectionnés et décérébrés pour en faire des bêtes à médaille. Notre propre passé de champion de France d’aviron, en junior, nous en a donné l’avant-goût, bientôt suivi de l’amertume du dégoût ; à un moment donné le jeune sportif ne s’appartient plus, il doit rentrer dans le moule ou sortir du jeu. A une extrémité, on trouve des amateurs qui n’en sont plus, sont transformés en chair à médaille et en porte-drapeaux, tandis qu’à l’autre, ce sont des professionnels ultra-riches qui sont mobilisés à grands frais à seule fin de vendre de la publicité et remplir les poches de leurs commanditaires.
Assumons donc, et embrassons la compétition, car – le moteur du « marché » – elle est au cœur du monde contemporain. Ce monde capitaliste et libéral veut nous l’imposer comme première force des relations humaines, et pour la maîtriser, il nous faut en comprendre les enjeux, les attraits, les atouts, les mécanismes et les pièges. Sous couvert de nous protéger de « la guerre de tous contre tous » on nous convoque en effet au sein d’une compétition de tous contre tous, à chaque instant. Elle est toujours plus féroce, toujours plus précoce et se déploie dans des pans de nos existences toujours plus nombreux. Se saisissant de nous dès le plus jeune âge, elle attaque sournoisement nos capacités de coopération et de compassion, nous conduit à l’inquiétude, à l’insatisfaction, à l’épuisement et in fine, au burn-out. Nous, anarchistes, ne pouvons nous satisfaire de glorifier la coopération et faire l’économie d’une compréhension de la compétition et de son rôle en anarchie ; le sport amateur et ses dépravations nationalistes et professionnelles sont peut-être un des lieux où nous pouvons le mieux explorer ce sujet.
L’ASPA, donc, et pour tenter de conclure, est un des acteurs de cette réflexion et de cette pratique, elle est un lieu associatif où l’on apprend à se battre, très concrètement, à frapper l’autre avec ses poings et ses pieds, ou à l’immobiliser, amicalement mais fermement. Le sport est ici l’occasion d’apprendre à attaquer ou à résister à un adversaire sans en faire un ennemi, à se maîtriser et à le respecter, et le nom du club tout comme les joyeuses embrassades qui concluaient chaque combat étaient là pour nous rappeler l’impérieuse nécessité d’articuler force et bienveillance. Si nous évoquons le gala de l’ASPA dans ces colonnes c’est parce ce club « Paix et Amour » porte certaines valeurs, et que lorsque lassé d’assister aux combats on prend un peu l’air, on peut y consulter ou acheter nombre de livres et brochures anarchistes présentés sur les tréteaux qui jouxtent la buvette et la cantine. Des anarchistes sont dans la place pour d’une même geste, y cultiver le corps et l’esprit. Car pour certains, il s’agit parfois d’y aller, au charbon, de vivre la violence. On peut bien sûr être adepte de la non-violence et accepter de la subir, voire pour les plus courageux des non-violents, se prendre soi-même en otage, aller au devant d’elle et la recevoir devant témoins afin de la mettre sous la lumière. On peut aussi décider de préserver soi-même son intégrité physique et s’en donner les moyens. Pour ne prendre qu’un exemple – et la proximité avec le 8 mars n’était pas un hasard ! – durant ces deux jours, nombre de femmes ont démontré leur capacité à résister à une agression physique, à la retourner à leur avantage.
Et pour conclure, au delà de la maîtrise de leur propre intégrité physique au quotidien, certains dans la salle et sur le ring savent que leur action politique peut les faire pénétrer parfois dans des zones dangereuses.
– Nuage Fou
Ainsi s’est propagée dans les milieux parisiens et au-delà, l’annonce du Grand Gala annuel de l’ASPA – l’Association Sportive Paix et Amour – qui se déroulait les samedi 9 et dimanche 10 mars à la Parole Errante de Montreuil. Ce fut l’occasion d’assister à de nombreux combats-démonstration illustrant diverses disciplines martiales allant de la boxe au grappling (les luttes sans « percussion »), et dont les vainqueurs étaient désignés par un jury tournant formé de jeunes volontaires du public. Un plaisir des yeux – la chorégraphie des corps combattants – et des oreilles – les « encouhurlements » du public – et qui se mêlait à celui des papilles, puisqu’un bar et une cantine à prix libre étaient à notre disposition, le tout dans une ambiance festive et dont d’humour et l’auto-dérision n’étaient pas absents. « Mais... nous demandent avec insistance nos amis du comité de rédaction du Monde Libertaire, soucieux du respect de leur mandat ainsi que de l’intérêt et de la moralité de leurs lecteurs, pourquoi commenter un Gala de boxe dans un journal anarchiste, au risque d’être aussitôt critiqués pour toutes formes de manquement aux innombrables causes dont les anarchistes se sentent investis. »
« Et si l’on commence maintenant, continuent-ils, légitimement inquiet, à quand la rubrique sportive, le tiercé et les paris, les promotions croisées avec l’Équipe ? »
Il nous aura fallu proposer quelques bribes de réponses... détaillées ci-dessous. Premier élément, le contexte de ce Gala :
« Notre espace se veut accueillant bienveillant et vigilant afin d’éviter de reproduire des comportements virilistes, compétitifs et sexistes trop souvent présents dans les clubs et dans le sport plus généralement (et tout autres domaines de la vie bien sûr).Vous pourrez aussi manger, boire, vous faire tatouer, acheter des livres ou des t-shirts. »
« Sport » est bien, en effet, un mot difficile, un peu suspect, un peu louche, et derrière lequel pourrait se cacher des hordes de « beaufs », télé-addicts et videurs de canettes du fond de leur canapé. Il nous a donc semblé intéressant de le questionner dans ces colonnes... car il faut aussi constater que le sport possède certaines vertus, il nous fournit l’occasion de prendre plaisir à cultiver un corps malmené par la sédentarité, de jouir de notre puissance d’agir sans nuire à autrui, et d’expérimenter le difficile mélange de coopération et de compétition qui est au cœur des sociétés humaines. Nous proposons donc, à titre exploratoire trois raisons de traiter du sport dans un journal anarchiste: physique, sociale et politique. Et s’il est besoin d’une quatrième... elle sera... pragmatique, puisqu’il s’agit ici de sports de combats.
La culture que l’on évoque par ces lignes est donc physique, de l’ordre du corps, de l’ordre ce que l’on est. Et contrairement aux chrétiens, dont l’Esprit Saint se passe très bien de corps – la troisième personne du monothéisme est en effet bien éthérée –, les anarchistes peuvent penser qu’un corps sain est le terreau, peut-être non nécessaire, mais en tout cas très favorable au développement d’un esprit sain. La société libertaire doit encourager, la pleine et libre jouissance de son corps, l’exploration de ses possibilités, et le jeu avec ses limites ; l’étonnante continuité temporelle des milieux libres anarchistes, qui s’étendent du milieu du 19ième siècle à nos jours, en sont un vibrant et très concret exemple. Dès leurs origines, ces communautés ont exploré le large éventail des modalités de l’entretien d’un corps-esprit en bonne santé : travail manuel, frugalisme voire ascétisme, végétarisme, sobriété, naturisme, gymnastique, amour libre, etc.
En second, et à l’opposé de l’éthique du calcul utilitariste au fondement des sociétés capitalistes, le sport nous incite à goûter le plaisir d’un effort gratuit, sans autre projet que son immédiateté. Sentir la fluidité d’un corps (assez) bien huilé, d’un geste (presque) parfait, est un plaisir tout à la fois trivial et bouleversant, à la porté de chacun, quelques soient ses capacités. Se faire violence pour repousser une limite, pour plonger plus profond, sauter plus haut, ou « tenir » (juste un peu) plus longtemps, apprendre aussi à ne pas aller trop loin et « casser », ce sont des occasions d’un magnifique jeu avec soi-même, indépendamment de toute course à la performance. En pratiquant un sport, on déploie le simple plaisir d’être une bête, d’être au monde et en accord avec lui. Cette innocence et cette gratuité sont foncièrement anti-utilitaristes et anticapitalistes ; la pratique d’un effort pur, sans autre objet que lui-même est la négation de leurs postulats. Elle dissout dans l’acide de sa transpiration cette pensée qui nous martèle chaque jour que « toute peine mérite salaire », que « le temps c’est de l’argent ». Ici le temps est perdu, ne rapporte pas d’argent, et la peine, parfois infiniment grande, n’engendre aucun salaire – au mieux quelques vigoureuses giclées de dopamine et au pire l’hypertrophie bien temporaire d’un ego en mal d’amour – on est dans l’ordre de la vie dans ce qu’elle a de plus simple, de plus évident. Un corps se meut pour son plaisir immédiat, parfois pour le désir de franchir une limite, d’augmenter ses possibles.
Nous n’avons pas la place ici de questionner la pensée et les pratiques anarchistes sur la relation à « l’entraîneur », sur cette délégation volontaire d’une d’autorité forte, sur ce paradoxal mandat « d’autorité ». Il nous faudrait bien sûr également célébrer les extraordinaires joies, les nombreuses modalités, et l’extraordinaire efficacité de la coopération issue de l’intimité d’une équipe qui fonctionne. Mais, nous préférerons dans ce premier article commencer l’exploration dudélicat sujet de la compétition.
Il n’existe peut-être pas de sport sans compétition, les deux semblent intimement liés. Nous l’évoquions plus haut, les sociétés humaines doivent articuler coopération et compétition, et comme c’est en jouant que l’on apprend le mieux, l’humanité a inventé ces sports qui nous offrent les occasions d’apprendre en s’amusant cette danse complexe. Les anarchistes, on le sait ont une pensée de la coopération, inutile de citer ici les grands anciens : une société anarchiste valorise, encourage et crée les conditions de possibilité de la coopération, c’est une de ses forces majeures. Mais toutes choses vont par deux, et il nous paraît important pour la pensée et les pratiques anarchistes de penser aussi la compétition, de la comprendre afin de mieux l’apprivoiser, d’en maîtriser le fiel pour mieux goûter son miel. Car, de fait, on ne peut l’ignorer. Chacun d’entre nous la pratique dans de nombreux contextes, tant publics que privés ; elle est inhérente à la vie des animaux sociaux que nous sommes, tout comme, à l’ordre supérieur, elle est – ici encore en compagnie de la coopération – un des régulateurs des relations inter-espèces au sein des écosystèmes. En limitant son enjeu à un gain symbolique, le sport fait de la compétition un terrain de jeu qui peut nourrir notre pensée et nos pratiques, être propice à l’exploration de nos propositions relatives à l’être en société.
Plus immédiatement, nous pouvons également retenir l’importance de ne pas laisser le champ libre à l’entreprise de destruction capitaliste qui en le professionnalisant, en le « marchandisant », a contaminé le sport, pour progressivement le réduire au triste statut de support d’une course au profit. Argent sale et massif, « paradis » fiscaux, drogues, petits mensonges et grosses corruptions ; c’est avec ces ingrédients que le capital pourrit le sport. De leur coté, Panem et circenses – Du pain et des jeux –, les puissants le détournent afin de promouvoir leurs couleurs, nourrir leur ego, occuper le peuple et créer à bas coût l’illusion d’une cohésion nationale. Le sport est un des leviers du soft-power et pour ce faire, tels les bestiaux des concours agricole, les jeunes sportifs amateurs sont filtrés, sélectionnés et décérébrés pour en faire des bêtes à médaille. Notre propre passé de champion de France d’aviron, en junior, nous en a donné l’avant-goût, bientôt suivi de l’amertume du dégoût ; à un moment donné le jeune sportif ne s’appartient plus, il doit rentrer dans le moule ou sortir du jeu. A une extrémité, on trouve des amateurs qui n’en sont plus, sont transformés en chair à médaille et en porte-drapeaux, tandis qu’à l’autre, ce sont des professionnels ultra-riches qui sont mobilisés à grands frais à seule fin de vendre de la publicité et remplir les poches de leurs commanditaires.
Assumons donc, et embrassons la compétition, car – le moteur du « marché » – elle est au cœur du monde contemporain. Ce monde capitaliste et libéral veut nous l’imposer comme première force des relations humaines, et pour la maîtriser, il nous faut en comprendre les enjeux, les attraits, les atouts, les mécanismes et les pièges. Sous couvert de nous protéger de « la guerre de tous contre tous » on nous convoque en effet au sein d’une compétition de tous contre tous, à chaque instant. Elle est toujours plus féroce, toujours plus précoce et se déploie dans des pans de nos existences toujours plus nombreux. Se saisissant de nous dès le plus jeune âge, elle attaque sournoisement nos capacités de coopération et de compassion, nous conduit à l’inquiétude, à l’insatisfaction, à l’épuisement et in fine, au burn-out. Nous, anarchistes, ne pouvons nous satisfaire de glorifier la coopération et faire l’économie d’une compréhension de la compétition et de son rôle en anarchie ; le sport amateur et ses dépravations nationalistes et professionnelles sont peut-être un des lieux où nous pouvons le mieux explorer ce sujet.
L’ASPA, donc, et pour tenter de conclure, est un des acteurs de cette réflexion et de cette pratique, elle est un lieu associatif où l’on apprend à se battre, très concrètement, à frapper l’autre avec ses poings et ses pieds, ou à l’immobiliser, amicalement mais fermement. Le sport est ici l’occasion d’apprendre à attaquer ou à résister à un adversaire sans en faire un ennemi, à se maîtriser et à le respecter, et le nom du club tout comme les joyeuses embrassades qui concluaient chaque combat étaient là pour nous rappeler l’impérieuse nécessité d’articuler force et bienveillance. Si nous évoquons le gala de l’ASPA dans ces colonnes c’est parce ce club « Paix et Amour » porte certaines valeurs, et que lorsque lassé d’assister aux combats on prend un peu l’air, on peut y consulter ou acheter nombre de livres et brochures anarchistes présentés sur les tréteaux qui jouxtent la buvette et la cantine. Des anarchistes sont dans la place pour d’une même geste, y cultiver le corps et l’esprit. Car pour certains, il s’agit parfois d’y aller, au charbon, de vivre la violence. On peut bien sûr être adepte de la non-violence et accepter de la subir, voire pour les plus courageux des non-violents, se prendre soi-même en otage, aller au devant d’elle et la recevoir devant témoins afin de la mettre sous la lumière. On peut aussi décider de préserver soi-même son intégrité physique et s’en donner les moyens. Pour ne prendre qu’un exemple – et la proximité avec le 8 mars n’était pas un hasard ! – durant ces deux jours, nombre de femmes ont démontré leur capacité à résister à une agression physique, à la retourner à leur avantage.
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PAR : Nuage fou
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