REVENDICATIONS ATHÉES


Nous revendiquons
Diagoras de Mélos,
condamné à mort pour athéisme
par les démocratiques Athéniens,
au cinquième siècle avant
une nouvelle tyrannie religieuse,
le christianisme. C’est l’ignorance,
fondement de toutes les religions,
et leur imposture qu’il raillait,
lorsqu’il expliqua rationnellement
les mystères d’Éleusis. Sa tête
mise à prix -un talent, mort, deux, vivant-,
il a pu fuir et il court encore,
portant, sous le bras, ses écrits athées
jusqu’au Vatican : dans "L’école d’Athènes",
Raphaël lui offre son propre talent,
en plein jour, dans une salle publique,
chez l’ennemi de la libre pensée.

Nous revendiquons
Etienne Dolet,
pionnier de la liberté de publier,
et en français, contre les Églises
et leurs cuisines élitistes en latin,
imprimeur solidaire des ouvriers
en grève. Au seizième siècle !
Lui qui avait écrit Vivre libre c’est vivre,
lui qui ne croyait qu’à l’immortalité
que confère sur terre la postérité,
fut torturé et brûlé vif avec ses livres,
"pour enseigner ses compagnons"
et compagnes que fièrement nous sommes.
La faculté de théologie de la Sorbonne
maître des basses œuvres inquisitoriales,
avait trouvé la preuve de son athéisme
en sa traduction : "Quand tu seras mort, tu ne seras plus...
rien du tout". Quel courage dans ces trois mots.

Nous revendiquons
Jean Meslier,
pauvre curé de campagne,
qui a couché l’athéisme sur son testament.
Il a dû le cacher, le déguiser ou le taire
de son vivant pour nous léguer sa libre pensée.
Le premier, il dénonce la collusion des grands :
damnation à qui n’obéit pas
aux ordres des gouvernants,
condamnation pour qui n’obéit pas
aux commandements des églises.
L’ordre social est à l’envers, il appelle à le renverser :
seul le rejet des religions et l’union des opprimés
pour l’égalité, contre princes et prêtres, libèrera l’humanité.
Ni dieu ni maître : "Ils ne peuvent pas se passer de vous,
vous pouvez vous passer d’eux". Esclavage, ravages et carnages,
l’injustice, l’erreur et la méchanceté, sévissent de tous côtés
"et, par conséquent, il n’y a pas de Dieu".

Nous revendiquons
le Chevalier de la Barre,
son esprit rebelle et iconoclaste,
l’irrévérence facétieuse de ses vingt ans.
Ce droit à l’impiété, au blasphème et au sacrilège
qui l’ont fait condamner, osons le défendre !
Jusqu’où va, nom de nom, la démence des puissants
qui l’ont torturé, décapité et brûlé, pour l’exemple !
Ce sont eux, roi, prêtres et notables et leur sentence
que nous jugeons "exécrables et abominables".
Il aurait commis des entailles sur un crucifix en bois,
déversé des ordures sur quelque autre fétiche...
Mon frère, tu chantais des chansons anticléricales,
tu riais de ne pas avoir salué une procession.
Nous nous en moquons avec toi et, le croiras-tu,
souvent au péril de notre vie, rarement sans en payer le prix.
On ne peut toujours pas exercer librement la caricature,
la satire, le pamphlet, contre la dictature des religions.

Monica Jornet
Libres pensées sous licence poétique (2)
Les Editions libertaires