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par Vera Ščukina • le 3 février 2020
On se crève au travail, que crève le travail !
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Article extrait du Monde libertaire n°1813
Pourquoi lutter à nouveau ?
Si nous continuons le mouvement social, ce n’est pas par plaisir de taquiner le pavé, par goût des promenades de santé sous la flotte de décembre, par amour du folklore militant ou par pulsion de sacrifier une journée de salaire.
Pourquoi donc lutter, encore et toujours ? Parce que ce vieux monde est puant et va l’être encore davantage. Parce que nous refusons déjà cette piteuse retraite à 62 ans et que leurs 64 ans sont toujours le plafond de l’espérance de vie en bonne santé. Parce que cette réforme permettrait à nos chefaillons à venir de trafiquer les points au gré de leurs lubies budgétaires. Parce que cette réforme flinguera les carrières hachurées, les temps partiels, les salaires de rien du tout – et, bien sûr, ce sont encore les femmes qui trinqueront les premières. Parce que les bouffeurs de homard pourront toujours placer leur épargne-retraite, invités par d’appétissants avantages fiscaux – comme s’ils n’y avaient pas déjà pensé comme des grands. Parce qu’une triste raison comptable d’État nous condamne à baigner dans le régime du moins-disant social au nom d’une « crise » qui n’est pas la nôtre mais celle des possédants, de leur sale besogne de privatisation des profits et de mutualisation des risques et des pertes. Enfin, parce que cette réforme révèle dans sa naïve splendeur la vanité et l’hypocrisie de cette clique de lambins, aussi prompts à se gargariser du nom de « République » qu’à piétiner à coups de grosses Rangers et de mocassins à glands les principes mêmes dont ils se prétendent les héritiers, ceux qui inspirèrent en 1944 à quelques résistants un système de « retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours ».
La grande abdication
Toute une clique de clowns éditocrates pour laquelle l’idée de « pénibilité » se réduit à faire chaque matin en SUV le trajet du XVIème arrondissement de Paris à un studio du XVème et passer la journée sur une chaise à lire des notes préparées par d’autres, nous placera du mauvais côté de l’histoire. On dégobille déjà sur ces plateaux criards contre le conservatisme des gens (les gens, ça veut toujours dire les autres) qui vivent dans le passé, refusent de s’adapter, d’adouber sans jacter les réformes aussi nécessaires qu’urgentes. Interdisons-leur l’emploi de ces mots creux : il ne leur restera plus grand-chose à bavasser.
Comme d’habitude, ils y entravent walou. Nous ne vivons pas dans le fantasme d’années passées et dépassées. Si nous ne voulons pas du 2020 qu’ils veulent nous refourguer, ce n’est pas que nous nous idolâtrons 2019, 1944 ou 1936. Contrairement aux grosses machines syndicales et électoralistes, qui échouent à sauvegarder l’existant et meurent au crédit de leurs renoncements, nous exigeons de vivre mieux. Contrairement à ceux qui ont déjà perdu, parce qu’ils partent toujours perdants, et alignent mollement les défilés avec option ballons et mots d’ordre sans gouaille, comme pour dire au pouvoir qu’on ne fait que passer et qu’on ne veut surtout pas déranger, il ne s’agit pas pour nous de vivre « comme avant ». Nous voulons vivre toujours mieux, vivre d’une vie pleine.
Valeur du travail
Enfumés par l’illusion de travailler pour notre salaire, c’est bel et bien pour eux que nous produisons de la valeur. Pas besoin du Capital pour savoir que c’est notre sueur qui paye leurs yachts, leurs vacances, l’école privée de leurs chiards et la clinique de leurs croulants. Que ce sont nos troubles musculosquelettiques, nos angoisses et notre impuissance qui permettent aux banques de se faire chaque année 7 milliards d’euros sur nos seuls incidents bancaires – les sans-dents, ça rapporte – et aux groupes du CAC 40 de redistribuer les deux tiers de leurs bénéfices aux actionnaires contre 5% à nos gueules. Que ce sont les efforts de « ceux qui ne sont rien » qui autorisent les capitalistes à penser qu’ils sont tout. Qu’on claque un « pognon de dingue » pour traquer 60 millions de fraude au RSA et qu’on colle de la ferme aux affamés pour un vol de sandwich, sans se remuer pour les 3 milliards de fraude fiscale de ceux qui ont eu la bonne idée de « traverser la rue » pour se payer un costard.
Mais c’est aussi notre travail qui engraisse l’État, les policiers qui nous tabassent, les huissiers qui viennent nous soutirer notre télé ou notre baraque, les juges qui nous collent en zonzon, les profs qui nous hiérarchisent, les députés qui chouinent de devoir manger des pâtes parce qu’ils ne touchent que 5 000 euros par mois, les militaires qui vont bombarder des inconnus – jusqu’au jour où on les retournera contre nous. Tous ceux-là vivent de nos misères, et pourtant ils sont nos maîtres. Encore et toujours, tout est à nous, rien n’est à eux.
La valeur-travail
Mais le fond de l’arnaque, le truc par excellence, c’est qu’ils veulent nous faire travailler. Il y a bien longtemps que nous n’avons plus besoin de trimer autant pour produire à la hauteur de nos « besoins », même délirants. Si nous continuons à nous éreinter, c’est que le travail a été érigé en vertu, en obligation morale. Parce que le travail est la meilleure école de discipline et d’obéissance, d’ordre et de hiérarchie. Le labeur salarié est un labeur de serf ; un homme qui travaille est un homme dompté ; une femme au turbin est une femme acquise. Leur monde rafistolé ne tiendrait pas une seconde si chacun ne travaillait plus que trois ou quatre heures par jour et occupait le reste de son temps libre à l’être réellement – et les mots ont un sens : c’est que le temps de travail est un temps d’esclave. Voilà pourquoi ils nous ont imposé le travail comme unique modalité de réalisation de soi. Mais si on doit se réaliser par le turbin, c’est aussi par lui et en lui (amen) qu’on doit se définir : que l’on essaye donc de répondre par autre chose que par son travail à la question : « Qu’est-ce que tu fais dans la vie ? ». Profession, piège à cons.
Tout cela n’est que magouille et pitrerie, puisqu’ils n’ont plus rien à proposer que des boulots de merde qui ne servent jamais à produire des choses vraies, qui nous aliènent même la fierté du beau geste ouvrier. Même ce qui fabrique du palpable perd son sens, dès lors qu’on fait pousser des tomates qui finiront dans une poubelle de supermarché (avec de la javel, lois du marché obligent), qu’on produit l’acier ou le plastique d’une trottinette électrique destinée à sombrer dans la Seine avec son lithium pourri après avoir trimballé la crème des imbéciles pour 20 centimes la minute. Mais tout ça, il paraît que ce ne sont plus des vrais métiers : faut s’imaginer aussi, les types ils marchent dans la terre (alors que la terre c’est sale), ils bossent dans des usines (alors que les usines c’est sale), sans se rendre compte qu’ils pourraient comme tout le monde glander en chaussettes dans un open space avec du gazon artificiel et un patron-super-copain. Tout ça, c’est déjà un peu du passé, parce qu’on nous condamne à bosser au service d’entreprises elles-mêmes au service d’entreprises au service d’entreprises. Et ce néant n’est même pas le monopole du populo : on se demande toujours à quoi ça peut bien servir, un chief executive, un community manager ou un consultant en productique – et on espère qu’ils se le demandent aussi.
Mais au fond, le sens du travail est surtout un jeu truqué parce que nous n’avons qu’un seul travail, parce que tout est divisé, atomisé, spécialisé, et qu’il ne nous est pas donné de cultiver le matin, de fraiser l’après-midi et de chanter le soir sans jamais devenir cultivateur, fraiseur ou chanteur. C’est aussi un jeu truqué parce que nous avons le choix entre un sur-travail débile qui nous arrache la vie, et un sous-travail stérilisant. Va donc te « réaliser au travail » en dormant quatre heures par nuit ou en jouant au Free Cell sept heures par jour, avec sur le dos une clique de contremaîtres en costume qui viennent avec leurs déconnades en franglish t’apprendre comment faire ton boulot.
Que crève le vieux monde !
On ne luttera donc pas pour la retraite « tout pareil qu’hier », parce qu’on ne marche pas dans la combine. On ne veut pas d’un « progrès » qui signifierait bûcher « un peu moins » comme un dératé, décaniller en faisant un cadavre « un peu moins » amoché, balancé entre quatre planches « un peu moins » cheap. On ne veut pas mal vivre aujourd’hui pour survivre à peine demain. On ne veut pas se sacrifier pour que nos enfants aient le droit de se sacrifier. À la lanterne donc, leur travail d’esclave qui n’est et ne peut être qu’une violence, un ennui, une dépendance, un sacrifice, à 64, à 44 et déjà à 24 ans. Nous voulons du travail qui ait du sens, qui ne sente ni la dèche ni la charogne, du travail par volonté et pas pour l’artiche, du travail qui ne soit plus la face visible de la lune alors que notre vraie vie végète dans l’ombre, du travail riche et pas du travail de riches, du travail qui nous fasse respirer, imaginer, labourer, gamberger, usiner, discuter, clouer, aimer, et tout ça dans la même journée : vingt-quatre heures, c’est long si on ne les use pas à larbiner. Ivres de rage et d’indignation, nos rangs seront serrés tant que n’aura pas crevé le vieux monde, tant qu’il y aura besoin de clamer les beaux mots qu’Albert Libertad jetait déjà à la gueule des résignés de 1905 :
« Ô je hais la résignation !
J’aime la vie.
Je ne veux pas troquer une part de maintenant pour une part fictive de demain, je ne veux rien céder du présent pour le vent de l’avenir.
Je me moque des retraites, des paradis, sous l’espoir desquels tiennent résignés, religions et capital.
Je ris, de ceux qui accumulant pour leur vieillesse se privent en leur jeunesse ; de ceux qui pour manger à soixante jeûnent à vingt ans.
Je veux la joie pour moi, pour la compagne choisie, pour les enfants, pour les amis. Je veux un home où se puissent reposer agréablement mes yeux après le labeur fini.
Je veux être utile, je veux que nous soyons utiles. Je veux être utile à mon voisin, et je veux que mon voisin me soit utile. Je désire que nous œuvrions beaucoup car je suis insatiable de jouissance. Et c’est parce que je veux jouir que je ne suis pas résigné.
Il n’y a pas de Paradis futur, il n’y a pas d’avenir, il n’y a que le présent.
Vivons-nous !
Vivons ! La Résignation, c’est la mort.
La Révolte, c’est la vie ».
Vera Ščukina, groupe La Révolte (Paris).
Si nous continuons le mouvement social, ce n’est pas par plaisir de taquiner le pavé, par goût des promenades de santé sous la flotte de décembre, par amour du folklore militant ou par pulsion de sacrifier une journée de salaire.
Pourquoi donc lutter, encore et toujours ? Parce que ce vieux monde est puant et va l’être encore davantage. Parce que nous refusons déjà cette piteuse retraite à 62 ans et que leurs 64 ans sont toujours le plafond de l’espérance de vie en bonne santé. Parce que cette réforme permettrait à nos chefaillons à venir de trafiquer les points au gré de leurs lubies budgétaires. Parce que cette réforme flinguera les carrières hachurées, les temps partiels, les salaires de rien du tout – et, bien sûr, ce sont encore les femmes qui trinqueront les premières. Parce que les bouffeurs de homard pourront toujours placer leur épargne-retraite, invités par d’appétissants avantages fiscaux – comme s’ils n’y avaient pas déjà pensé comme des grands. Parce qu’une triste raison comptable d’État nous condamne à baigner dans le régime du moins-disant social au nom d’une « crise » qui n’est pas la nôtre mais celle des possédants, de leur sale besogne de privatisation des profits et de mutualisation des risques et des pertes. Enfin, parce que cette réforme révèle dans sa naïve splendeur la vanité et l’hypocrisie de cette clique de lambins, aussi prompts à se gargariser du nom de « République » qu’à piétiner à coups de grosses Rangers et de mocassins à glands les principes mêmes dont ils se prétendent les héritiers, ceux qui inspirèrent en 1944 à quelques résistants un système de « retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours ».
La grande abdication
Toute une clique de clowns éditocrates pour laquelle l’idée de « pénibilité » se réduit à faire chaque matin en SUV le trajet du XVIème arrondissement de Paris à un studio du XVème et passer la journée sur une chaise à lire des notes préparées par d’autres, nous placera du mauvais côté de l’histoire. On dégobille déjà sur ces plateaux criards contre le conservatisme des gens (les gens, ça veut toujours dire les autres) qui vivent dans le passé, refusent de s’adapter, d’adouber sans jacter les réformes aussi nécessaires qu’urgentes. Interdisons-leur l’emploi de ces mots creux : il ne leur restera plus grand-chose à bavasser.
Comme d’habitude, ils y entravent walou. Nous ne vivons pas dans le fantasme d’années passées et dépassées. Si nous ne voulons pas du 2020 qu’ils veulent nous refourguer, ce n’est pas que nous nous idolâtrons 2019, 1944 ou 1936. Contrairement aux grosses machines syndicales et électoralistes, qui échouent à sauvegarder l’existant et meurent au crédit de leurs renoncements, nous exigeons de vivre mieux. Contrairement à ceux qui ont déjà perdu, parce qu’ils partent toujours perdants, et alignent mollement les défilés avec option ballons et mots d’ordre sans gouaille, comme pour dire au pouvoir qu’on ne fait que passer et qu’on ne veut surtout pas déranger, il ne s’agit pas pour nous de vivre « comme avant ». Nous voulons vivre toujours mieux, vivre d’une vie pleine.
Valeur du travail
Enfumés par l’illusion de travailler pour notre salaire, c’est bel et bien pour eux que nous produisons de la valeur. Pas besoin du Capital pour savoir que c’est notre sueur qui paye leurs yachts, leurs vacances, l’école privée de leurs chiards et la clinique de leurs croulants. Que ce sont nos troubles musculosquelettiques, nos angoisses et notre impuissance qui permettent aux banques de se faire chaque année 7 milliards d’euros sur nos seuls incidents bancaires – les sans-dents, ça rapporte – et aux groupes du CAC 40 de redistribuer les deux tiers de leurs bénéfices aux actionnaires contre 5% à nos gueules. Que ce sont les efforts de « ceux qui ne sont rien » qui autorisent les capitalistes à penser qu’ils sont tout. Qu’on claque un « pognon de dingue » pour traquer 60 millions de fraude au RSA et qu’on colle de la ferme aux affamés pour un vol de sandwich, sans se remuer pour les 3 milliards de fraude fiscale de ceux qui ont eu la bonne idée de « traverser la rue » pour se payer un costard.
Mais c’est aussi notre travail qui engraisse l’État, les policiers qui nous tabassent, les huissiers qui viennent nous soutirer notre télé ou notre baraque, les juges qui nous collent en zonzon, les profs qui nous hiérarchisent, les députés qui chouinent de devoir manger des pâtes parce qu’ils ne touchent que 5 000 euros par mois, les militaires qui vont bombarder des inconnus – jusqu’au jour où on les retournera contre nous. Tous ceux-là vivent de nos misères, et pourtant ils sont nos maîtres. Encore et toujours, tout est à nous, rien n’est à eux.
La valeur-travail
Mais le fond de l’arnaque, le truc par excellence, c’est qu’ils veulent nous faire travailler. Il y a bien longtemps que nous n’avons plus besoin de trimer autant pour produire à la hauteur de nos « besoins », même délirants. Si nous continuons à nous éreinter, c’est que le travail a été érigé en vertu, en obligation morale. Parce que le travail est la meilleure école de discipline et d’obéissance, d’ordre et de hiérarchie. Le labeur salarié est un labeur de serf ; un homme qui travaille est un homme dompté ; une femme au turbin est une femme acquise. Leur monde rafistolé ne tiendrait pas une seconde si chacun ne travaillait plus que trois ou quatre heures par jour et occupait le reste de son temps libre à l’être réellement – et les mots ont un sens : c’est que le temps de travail est un temps d’esclave. Voilà pourquoi ils nous ont imposé le travail comme unique modalité de réalisation de soi. Mais si on doit se réaliser par le turbin, c’est aussi par lui et en lui (amen) qu’on doit se définir : que l’on essaye donc de répondre par autre chose que par son travail à la question : « Qu’est-ce que tu fais dans la vie ? ». Profession, piège à cons.
Tout cela n’est que magouille et pitrerie, puisqu’ils n’ont plus rien à proposer que des boulots de merde qui ne servent jamais à produire des choses vraies, qui nous aliènent même la fierté du beau geste ouvrier. Même ce qui fabrique du palpable perd son sens, dès lors qu’on fait pousser des tomates qui finiront dans une poubelle de supermarché (avec de la javel, lois du marché obligent), qu’on produit l’acier ou le plastique d’une trottinette électrique destinée à sombrer dans la Seine avec son lithium pourri après avoir trimballé la crème des imbéciles pour 20 centimes la minute. Mais tout ça, il paraît que ce ne sont plus des vrais métiers : faut s’imaginer aussi, les types ils marchent dans la terre (alors que la terre c’est sale), ils bossent dans des usines (alors que les usines c’est sale), sans se rendre compte qu’ils pourraient comme tout le monde glander en chaussettes dans un open space avec du gazon artificiel et un patron-super-copain. Tout ça, c’est déjà un peu du passé, parce qu’on nous condamne à bosser au service d’entreprises elles-mêmes au service d’entreprises au service d’entreprises. Et ce néant n’est même pas le monopole du populo : on se demande toujours à quoi ça peut bien servir, un chief executive, un community manager ou un consultant en productique – et on espère qu’ils se le demandent aussi.
Mais au fond, le sens du travail est surtout un jeu truqué parce que nous n’avons qu’un seul travail, parce que tout est divisé, atomisé, spécialisé, et qu’il ne nous est pas donné de cultiver le matin, de fraiser l’après-midi et de chanter le soir sans jamais devenir cultivateur, fraiseur ou chanteur. C’est aussi un jeu truqué parce que nous avons le choix entre un sur-travail débile qui nous arrache la vie, et un sous-travail stérilisant. Va donc te « réaliser au travail » en dormant quatre heures par nuit ou en jouant au Free Cell sept heures par jour, avec sur le dos une clique de contremaîtres en costume qui viennent avec leurs déconnades en franglish t’apprendre comment faire ton boulot.
Que crève le vieux monde !
On ne luttera donc pas pour la retraite « tout pareil qu’hier », parce qu’on ne marche pas dans la combine. On ne veut pas d’un « progrès » qui signifierait bûcher « un peu moins » comme un dératé, décaniller en faisant un cadavre « un peu moins » amoché, balancé entre quatre planches « un peu moins » cheap. On ne veut pas mal vivre aujourd’hui pour survivre à peine demain. On ne veut pas se sacrifier pour que nos enfants aient le droit de se sacrifier. À la lanterne donc, leur travail d’esclave qui n’est et ne peut être qu’une violence, un ennui, une dépendance, un sacrifice, à 64, à 44 et déjà à 24 ans. Nous voulons du travail qui ait du sens, qui ne sente ni la dèche ni la charogne, du travail par volonté et pas pour l’artiche, du travail qui ne soit plus la face visible de la lune alors que notre vraie vie végète dans l’ombre, du travail riche et pas du travail de riches, du travail qui nous fasse respirer, imaginer, labourer, gamberger, usiner, discuter, clouer, aimer, et tout ça dans la même journée : vingt-quatre heures, c’est long si on ne les use pas à larbiner. Ivres de rage et d’indignation, nos rangs seront serrés tant que n’aura pas crevé le vieux monde, tant qu’il y aura besoin de clamer les beaux mots qu’Albert Libertad jetait déjà à la gueule des résignés de 1905 :
« Ô je hais la résignation !
J’aime la vie.
Je ne veux pas troquer une part de maintenant pour une part fictive de demain, je ne veux rien céder du présent pour le vent de l’avenir.
Je me moque des retraites, des paradis, sous l’espoir desquels tiennent résignés, religions et capital.
Je ris, de ceux qui accumulant pour leur vieillesse se privent en leur jeunesse ; de ceux qui pour manger à soixante jeûnent à vingt ans.
Je veux la joie pour moi, pour la compagne choisie, pour les enfants, pour les amis. Je veux un home où se puissent reposer agréablement mes yeux après le labeur fini.
Je veux être utile, je veux que nous soyons utiles. Je veux être utile à mon voisin, et je veux que mon voisin me soit utile. Je désire que nous œuvrions beaucoup car je suis insatiable de jouissance. Et c’est parce que je veux jouir que je ne suis pas résigné.
Il n’y a pas de Paradis futur, il n’y a pas d’avenir, il n’y a que le présent.
Vivons-nous !
Vivons ! La Résignation, c’est la mort.
La Révolte, c’est la vie ».
Vera Ščukina, groupe La Révolte (Paris).
PAR : Vera Ščukina
Groupe La révolte
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1 |
le 3 février 2020 20:18:34 par Loran |
Excellent !!
2 |
le 10 février 2020 11:27:08 par Béguin |
Rien de plus a dire , consternant de vérité !
3 |
le 7 mars 2020 02:27:11 par Eich Alain |
Article que j’apprécie évidemment avec le suivant de mars 2020 sur ce "49.3" infâme est ce qu’ il est reproductible sur Facebook où hélas la parole anarchiste libertaire est peu ou pas représentée ?Merci les Aminches!