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Les articles du ML papier
par Hélène Hernandez • le 25 juillet 2022
L’extrême-droite et les femmes, à droite toute !
Lien permanent : https://monde-libertaire.net/index.php?articlen=6641
Article extrait du Monde libertaire n° ,1840 de juin 2022
Récemment, nous avons vu plusieurs articles posant la question du féminisme chez Marine Le Pen, et ce, à l’occasion du programme électoral du Rassemblement national pour les élections présidentielles. Incroyable ! Aurait-elle rompu avec les idées traditionnelles, parfois les pires idées réactionnaires qui soient, telles que son père les présentait ? Voilà plus de dix ans que Marine Le Pen essaie de dédiaboliser l’image de son parti. Et elle n’est pas seule sur le plan mondial : la nouvelle génération de femmes qui s’imposent dans les partis d’extrême-droite développent toutes une stratégie, celle d’utiliser la féminité pour mieux faire passer les idées nauséabondes, les mêmes idées que leurs homologues masculins.
Sous un discours moderniste, toujours des idées réactionnaires
Lors des manifestations pour le mariage pour tous, des marches pour la vie, des débats sur la charte de l’Égalité Femmes-Hommes, ou sur la pénalisation de la prostitution, mais aussi sur la restriction du recours à l’IVG, l’extrême-droite est très présente. Au sein du Front national, l’arrivée de l’héritière à la tête du FN, en 2011, a modifié la donne. Marine Le Pen apparaît comme une femme active, avocate, mère de famille, divorcée, qui se donne à fond dans la politique. Et elle met en avant qu’elle est une femme de son temps, confrontée aux difficultés ordinaires de la vie. Sa nièce, Marion Maréchal Le Pen, fait de même. Elles sont invitées, alors, sans arrêt dans les radios et les télévisions. Quant à la parité, c’est le respect absolu, donc avec une image égalitaire, qu’on ne saurait reprocher.
Le discours à destination des femmes se construit au regard d’un grand nombre de sujets d’actualité, que ce soit sur Internet ou dans les médias. Et les mouvements d’extrême-droite savent y faire depuis les années 1980 quand ils investissaient les commandos anti-IVG et bloquaient l’accès des femmes aux hôpitaux et cliniques : ils ne s’affichaient pas contre l’avortement, non pas contre, mais pour le droit à la vie, les Pro-vie s’appelaient-ils ! La Manif pour tous : pour le droit des enfants et pour le droit de la famille et surtout pas contre le mariage homosexuel ! Les Marches pour la vie : pour le droit des femmes à garder leur enfant, et donc surtout pas contre l’avortement ! Pourtant, le FN a des liens très étroits avec les associations anti-IVG, souvent cachés, mais il est très proche de SOS-Tout-Petits, l’association que dirigeait Xavier Dor, lui-même membre du FN, plusieurs fois condamné pour les « opérations sauvetage » dans les cliniques, qu’il assimilait aux camps de la mort. De la même veine, il dénonçait le RU 486, qu’il surnommait Xyclon. Rappelons-nous la Une de Présent le 8 septembre 1988 (n°1651) : « Les fours crématoires fonctionnent en France, aujourd’hui, installés dans des hôpitaux et qu’y sont brûlés chaque jour les corps de centaines d’enfants arrachés vivant du sein de leur mère en vertu des lois Veil et Roudy ».
Changement cosmétique
Que ce soit au Front national ou au Rassemblement national, Marine Le Pen change le vocabulaire de son père, elle fait tout pour séduire l’électorat féminin, nouvelle cible de propagande, et elle réussit : au premier tour des élections présidentielles, 29 % des électrices ont voté pour Emmanuel Macron, 24 % pour Marine Le Pen, 20% pour Jean-Luc Mélenchon, des électrices qui se disent : « Allez, cette fois c’est au tour d’une femme d’être élue. » Au meeting d’Avignon, elle évoque « la poussée de l’obscurantisme qui les opprime », elle parle « d’aider une mère célibataire ou une femme victime de violences conjugales ». Et elle mentionne les « mères (qui) tremblent pour leurs enfants » ainsi que « les femmes harcelées dans l’espace public ». À la tribune, elle renchérit « Se préoccuper de la vie concrète de nos compatriotes, c’est aussi cela être président de la République ». Au second tour, les électrices ont voté à 60 % pour Macron et à 40 % pour Le Pen. Ce sont surtout les jeunes femmes qui ont voté le plus pour Marine Le Pen : 52 % chez les 25-37 ans et 49 % chez les 35-49 ans, à l’inverse, celles qui ont retenu leur vote pour l’extrême-droite sont très jeunes, moins de 25 ans (32 %) ou plus âgées plus de 65 ans (30 %).
Dans un podcast, Mathilde Larrère affirme « Marine Le Pen, le RN, l’extrême-droite : un ennemi mortel pour les femmes ». Elle parle du « changement cosmétique » de la dirigeante pour attirer les femmes. Mais la candidate ne leur fait aucune place dans les 22 mesures de son programme de 2022 : aucune mention sur l’obligation de l’égalité salariale par exemple, alors que les députés RN ont voté contre la loi pour l’égalité salariale, et contre les textes qui favorisent l’avancée des droits des femmes. Il en est de même au Parlement européen. Par exemple, Marine Le Pen n’était pas présente au moment de voter l’allongement du délai légal pour l’IVG. En revanche, les six députés d’extrême-droite ayant pris part au scrutin ont voté contre. Une prise de position qui correspond à celle des 23 eurodéputés RN. En janvier 2020, ils ont voté contre une résolution condamnant les inégalités de rémunérations entre femmes et hommes. En novembre de la même année, ils votent de nouveau contre une résolution dénonçant l’interdiction de l’IVG par la Pologne. Dans la foulée, les eurodéputés RN votent là encore contre un texte européen hostile à la multiplication des zones anti-LGBT en Pologne… Au Parlement français, Marine Le Pen a de son côté défendu une loi afin d’interdire l’écriture inclusive « pour toute personne morale publique ou privée bénéficiant d’une subvention publique », ce qui concernerait donc de nombreuses associations.
L’extrême-droite continue aussi sa campagne pour la liberté, pour les femmes, de ne pas travailler comme si en rentrant au foyer, elles libéreraient des emplois pour les hommes et réduiraient le chômage. Raisonnement faux car les métiers occupés par les unes ne sont pas les mêmes que ceux occupés par les hommes. En période de crise, après avoir renvoyé les immigrés, c’est au tour des femmes de dégager. Quant à la politique nataliste, au-delà du refus de l’IVG, ce qui taraude l’extrême-droite, c’est qu’ils s’imaginent que les femmes françaises – blanches – ne font pas assez d’enfants au regard des femmes immigrées. Faites des mômes blancs ! Pourtant, Marine Le Pen revient sur l’IVG dit de confort : l’avortement ne devrait plus être remboursé car c’est à cause du remboursement que les femmes en abuseraient. Il faudrait donc cesser le remboursement au-delà d’un certain nombre d’IVG chez une même femme. Quant au discours sur les mères seules, c’est finalement faire porter la responsabilité de la délinquance et du suicide chez les jeunes, par manque de repère, par absence du père.
Le féminisme « récupéré » par l’extrême-droite
L’extrême-droite joue la carte femmes de différentes façons : en féminisant les troupes, plus attirantes que les vieux identitaires du GUD, en instrumentalisant le discours féministe au profit de l’islamophobie et de leur racisme – les violences pointées ne concernent que les immigrés –, en collant des affiches fémonationalistes comme « 52 % des viols sont commis par des étrangers », ou en affirmant « 63 % des agressions dans les transports parisiens [seraient] le fait d’étrangers », en défendant de porter le voile, symbole de l’oppression arriérée. La fachosphère recèle maintenant plusieurs groupes de femmes, plus ou moins en appui à Marine Le Pen ou Éric Zemmour : Némésis, Caryatides (section féminine de l’Œuvre française puis du Parti nationaliste français), Cercle Fraternité (cercle spécifique pour porter la cause des femmes au sein du parti), Antigone, ou le webzine identitaire Belle et Rebelle. Comment dans cette galaxie viriliste, de suprémacistes blancs, accrocs à la musculation et aux armes à feu, des femmes prennent leur place ? La culture catholique occidentale oppose l’extrême-droite à l’Islam et à l’immigration présentés comme profondément attentatoires aux droits des femmes.
Par exemple, Némésis, collectif composé exclusivement de femmes, est né à l’automne 2019. Il a multiplié les happenings au cours de la campagne présidentielle, que ce soit vis-à-vis de Mélenchon ou de Pécresse à l’occasion de leurs meetings parisiens. Alice Cordier, sa présidente, s’est régulièrement affichée en compagnie de militant.es proches du candidat de Reconquête, Éric Zemmour, tout en affirmant une indépendance politique. Cela n’a pas empêché d’appeler à voter Le Pen au second tour. Némésis proclame « Nous sommes la génération Cologne. L’île où les naufragés du féminisme peuvent se réfugier », faisant ses choux gras des viols commis à la Saint Sylvestre en les attribuant aux seuls hommes d’origine étrangère. Le Collectif Némésis, féministes identitaires comme elles se nomment, a donc décidé de s’emparer du combat concernant l’épanouissement de la femme occidentale. Elles entendent dénoncer toutes les violences faites aux femmes aussi bien dans leur quotidien, que sur leur lieu professionnel ou encore dans la rue, de dénoncer l’impact dangereux de l’immigration de masse sur les femmes occidentales afin que ce sujet devienne un débat public, et de promouvoir la civilisation européenne, non pas comme ayant réduit les femmes au rôle d’objet, mais comme le berceau de leur épanouissement. Cela nous fait penser à la politique de la famille telle qu’elle est envisagée par le RN et qui rime avec la notion d’identité nationale. « Nous sommes un collectif féminin, composé de jeunes femmes de tous horizons et nous invitons toute femme de bonne volonté, amoureuse de notre civilisation et farouchement attachée à ses droits à nous rejoindre. Nous sommes présentes à Paris mais tendons à nous étendre dans toute la France. Nous sommes un collectif féministe, identitaire et anticonformiste. » Elles reprennent donc des éléments de langage des identitaires. Alice Cordier, invitée régulière de Hanouna, affirme l’existence d’une complémentarité́ supposée « naturelle » entre les hommes et les femmes et se place en défense d’une « virilité́ [européenne] » qui serait en déclin.
Némésis fait actuellement l’objet d’une enquête ouverte à la suite d’un signalement auprès du procureur de la République de Paris par l’association SOS Racisme pour «diffamation à caractère racial» et «provocation à la haine raciale» : en effet, une de leurs affiches porte le slogan « Rapefugees not welcome » (les réfugiés violeurs ne sont pas les bienvenus) et met en scène une jeune femme blonde poursuivie par deux hommes, l’un noir, l’autre portant la barbe et des vêtements censés le désigner comme musulman. Une racialisation du sexisme comme le nomme la sociologue Christelle Hamel, dès 2005. Quant à leur audience, Alice Cordier dépasse les vingt mille followers sur Facebook, douze mille sur Twitter. Ces féministes identitaires, sans même être en grand nombre, sont écoutées dans les rangs de Reconquête ou du Rassemblement national, et dans les réseaux catholiques intégristes d’Academia Christiana (mouvement catholique et nationaliste, de type secte, créé en 2013), la fondation Polémia de Jean-Yves Le Gallou (créé en 2002) ou encore le magazine L’Incorrect, en sous-titre « Faites le taire ». Elles peuvent être matériellement soutenues, mises en avant, parfois même embauchées ou propulsées sur le devant de la scène médiatique financée ou influencée par les extrêmes droites. C’est ainsi qu’elles ont piégé le 24 avril dernier, Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale, au soir du second tour. Il s’est retrouvé photographié, entouré des militantes « féminines et féministes », le cliché a été largement diffusé ensuite.
« Les Caryatides par contre, qui ont une activité limitée aujourd’hui, relèvent d’une tradition du nationalisme français avec une tonalité antisémite. Donc Zemmour n’est pas leur candidat, c’est impossible à leurs yeux » selon Magali Della Sudda. Elles ont un projet politique réactionnaire faisant référence au régime de Vichy ou au franquisme.
Investir le mouvement social est une tradition historique de l’extrême-droite française. Mais aujourd’hui, elle cherche à qualifier son fémonationalisme : alter-féminisme, contre-féminisme, féminisme intégral, féminisme de droite, féminisme identitaire, féminisme anticonformiste ou antiféminisme. Dans son dernier ouvrage, Les Nouvelles Femmes de droite, l’historienne et politiste Magali Della Sudda, explique que ce questionnement s’est accéléré depuis le mouvement #MeToo après les mobilisations contre l’égalité d’accès au mariage et à la filiation pour toutes et tous à partir de 2013. Autre information fournie par l’historienne, en 1933, les ligues féminines d’extrême-droite, liées aux organisations catholiques, nationalistes et royalistes, rassemblaient plus d’adhérentes que le Parti communiste français.
Les identitaires, héritières de la Nouvelle droite, ont une conception de la société ethno-différentialiste c’est-à-dire que l’idée essentialiste est revendiquée et s’affirme comme identité politique. L’essentialisme est le corollaire du racisme. En effet, s’il y a une nature féminine différente d’une nature masculine, justifiant discrimination et domination, alors il est possible de prôner l’inégalité des races et d’assigner à chacun et chacune un rôle social défini par son genre ou sa couleur de peau. Ainsi les militants d’extrême-droite fustigent la notion de genre dans une croisade antiféministe. Ils instrumentalisent le combat pour les droits des femmes, combat que les femmes mènent contre le patriarcat, et s’invitent comme le Collectif Némésis dans la manifestation contre les violences faites aux femmes en novembre 2021. C’est évident qu’elles y furent mal reçues. Bien que tous ces mouvements ne soient pas homogènes, leurs points communs résident dans le refus de voir en les féministes les représentantes légitimes de la cause des femmes, dans l’affirmation d’un féminisme blanc, marqueur de la civilisation européenne menacée par l’islam et l’immigration, et dans la place importante accordée à la nature, qui renvoie à une prétendue race biologique. Quant à la religion, elle occupe une place centrale dans la socialisation de la plupart des militantes, notamment en termes de valeurs.
Pour les femmes anarchistes, notre féminisme est résolument internationaliste, pour la liberté et la solidarité, contre tous les pouvoirs du patriarcat, du capitalisme, des religions. Anarchaféministes nous sommes !
Hélène Hernandez
Groupe Pierre Besnard
Sources :
https://lahorde.samizdat.net/
Magali Della Sudda, Les nouvelles femmes de droite, éditions Hors d’atteinte, 2022.
Mathilde Larrère, podcast du 16 avril 2022 de Minuit dans le siècle.
Sous un discours moderniste, toujours des idées réactionnaires
Lors des manifestations pour le mariage pour tous, des marches pour la vie, des débats sur la charte de l’Égalité Femmes-Hommes, ou sur la pénalisation de la prostitution, mais aussi sur la restriction du recours à l’IVG, l’extrême-droite est très présente. Au sein du Front national, l’arrivée de l’héritière à la tête du FN, en 2011, a modifié la donne. Marine Le Pen apparaît comme une femme active, avocate, mère de famille, divorcée, qui se donne à fond dans la politique. Et elle met en avant qu’elle est une femme de son temps, confrontée aux difficultés ordinaires de la vie. Sa nièce, Marion Maréchal Le Pen, fait de même. Elles sont invitées, alors, sans arrêt dans les radios et les télévisions. Quant à la parité, c’est le respect absolu, donc avec une image égalitaire, qu’on ne saurait reprocher.
Le discours à destination des femmes se construit au regard d’un grand nombre de sujets d’actualité, que ce soit sur Internet ou dans les médias. Et les mouvements d’extrême-droite savent y faire depuis les années 1980 quand ils investissaient les commandos anti-IVG et bloquaient l’accès des femmes aux hôpitaux et cliniques : ils ne s’affichaient pas contre l’avortement, non pas contre, mais pour le droit à la vie, les Pro-vie s’appelaient-ils ! La Manif pour tous : pour le droit des enfants et pour le droit de la famille et surtout pas contre le mariage homosexuel ! Les Marches pour la vie : pour le droit des femmes à garder leur enfant, et donc surtout pas contre l’avortement ! Pourtant, le FN a des liens très étroits avec les associations anti-IVG, souvent cachés, mais il est très proche de SOS-Tout-Petits, l’association que dirigeait Xavier Dor, lui-même membre du FN, plusieurs fois condamné pour les « opérations sauvetage » dans les cliniques, qu’il assimilait aux camps de la mort. De la même veine, il dénonçait le RU 486, qu’il surnommait Xyclon. Rappelons-nous la Une de Présent le 8 septembre 1988 (n°1651) : « Les fours crématoires fonctionnent en France, aujourd’hui, installés dans des hôpitaux et qu’y sont brûlés chaque jour les corps de centaines d’enfants arrachés vivant du sein de leur mère en vertu des lois Veil et Roudy ».
Changement cosmétique
Que ce soit au Front national ou au Rassemblement national, Marine Le Pen change le vocabulaire de son père, elle fait tout pour séduire l’électorat féminin, nouvelle cible de propagande, et elle réussit : au premier tour des élections présidentielles, 29 % des électrices ont voté pour Emmanuel Macron, 24 % pour Marine Le Pen, 20% pour Jean-Luc Mélenchon, des électrices qui se disent : « Allez, cette fois c’est au tour d’une femme d’être élue. » Au meeting d’Avignon, elle évoque « la poussée de l’obscurantisme qui les opprime », elle parle « d’aider une mère célibataire ou une femme victime de violences conjugales ». Et elle mentionne les « mères (qui) tremblent pour leurs enfants » ainsi que « les femmes harcelées dans l’espace public ». À la tribune, elle renchérit « Se préoccuper de la vie concrète de nos compatriotes, c’est aussi cela être président de la République ». Au second tour, les électrices ont voté à 60 % pour Macron et à 40 % pour Le Pen. Ce sont surtout les jeunes femmes qui ont voté le plus pour Marine Le Pen : 52 % chez les 25-37 ans et 49 % chez les 35-49 ans, à l’inverse, celles qui ont retenu leur vote pour l’extrême-droite sont très jeunes, moins de 25 ans (32 %) ou plus âgées plus de 65 ans (30 %).
"Les députés RN ont voté contre la loi pour l’égalité salariale, et contre les textes qui favorisent l’avancée des droits des femmes."
Dans un podcast, Mathilde Larrère affirme « Marine Le Pen, le RN, l’extrême-droite : un ennemi mortel pour les femmes ». Elle parle du « changement cosmétique » de la dirigeante pour attirer les femmes. Mais la candidate ne leur fait aucune place dans les 22 mesures de son programme de 2022 : aucune mention sur l’obligation de l’égalité salariale par exemple, alors que les députés RN ont voté contre la loi pour l’égalité salariale, et contre les textes qui favorisent l’avancée des droits des femmes. Il en est de même au Parlement européen. Par exemple, Marine Le Pen n’était pas présente au moment de voter l’allongement du délai légal pour l’IVG. En revanche, les six députés d’extrême-droite ayant pris part au scrutin ont voté contre. Une prise de position qui correspond à celle des 23 eurodéputés RN. En janvier 2020, ils ont voté contre une résolution condamnant les inégalités de rémunérations entre femmes et hommes. En novembre de la même année, ils votent de nouveau contre une résolution dénonçant l’interdiction de l’IVG par la Pologne. Dans la foulée, les eurodéputés RN votent là encore contre un texte européen hostile à la multiplication des zones anti-LGBT en Pologne… Au Parlement français, Marine Le Pen a de son côté défendu une loi afin d’interdire l’écriture inclusive « pour toute personne morale publique ou privée bénéficiant d’une subvention publique », ce qui concernerait donc de nombreuses associations.
L’extrême-droite continue aussi sa campagne pour la liberté, pour les femmes, de ne pas travailler comme si en rentrant au foyer, elles libéreraient des emplois pour les hommes et réduiraient le chômage. Raisonnement faux car les métiers occupés par les unes ne sont pas les mêmes que ceux occupés par les hommes. En période de crise, après avoir renvoyé les immigrés, c’est au tour des femmes de dégager. Quant à la politique nataliste, au-delà du refus de l’IVG, ce qui taraude l’extrême-droite, c’est qu’ils s’imaginent que les femmes françaises – blanches – ne font pas assez d’enfants au regard des femmes immigrées. Faites des mômes blancs ! Pourtant, Marine Le Pen revient sur l’IVG dit de confort : l’avortement ne devrait plus être remboursé car c’est à cause du remboursement que les femmes en abuseraient. Il faudrait donc cesser le remboursement au-delà d’un certain nombre d’IVG chez une même femme. Quant au discours sur les mères seules, c’est finalement faire porter la responsabilité de la délinquance et du suicide chez les jeunes, par manque de repère, par absence du père.
Le féminisme « récupéré » par l’extrême-droite
L’extrême-droite joue la carte femmes de différentes façons : en féminisant les troupes, plus attirantes que les vieux identitaires du GUD, en instrumentalisant le discours féministe au profit de l’islamophobie et de leur racisme – les violences pointées ne concernent que les immigrés –, en collant des affiches fémonationalistes comme « 52 % des viols sont commis par des étrangers », ou en affirmant « 63 % des agressions dans les transports parisiens [seraient] le fait d’étrangers », en défendant de porter le voile, symbole de l’oppression arriérée. La fachosphère recèle maintenant plusieurs groupes de femmes, plus ou moins en appui à Marine Le Pen ou Éric Zemmour : Némésis, Caryatides (section féminine de l’Œuvre française puis du Parti nationaliste français), Cercle Fraternité (cercle spécifique pour porter la cause des femmes au sein du parti), Antigone, ou le webzine identitaire Belle et Rebelle. Comment dans cette galaxie viriliste, de suprémacistes blancs, accrocs à la musculation et aux armes à feu, des femmes prennent leur place ? La culture catholique occidentale oppose l’extrême-droite à l’Islam et à l’immigration présentés comme profondément attentatoires aux droits des femmes.
"Le Collectif Némésis, féministes identitaires comme elles se nomment, a donc décidé de s’emparer du combat concernant l’épanouissement de la femme occidentale."
Par exemple, Némésis, collectif composé exclusivement de femmes, est né à l’automne 2019. Il a multiplié les happenings au cours de la campagne présidentielle, que ce soit vis-à-vis de Mélenchon ou de Pécresse à l’occasion de leurs meetings parisiens. Alice Cordier, sa présidente, s’est régulièrement affichée en compagnie de militant.es proches du candidat de Reconquête, Éric Zemmour, tout en affirmant une indépendance politique. Cela n’a pas empêché d’appeler à voter Le Pen au second tour. Némésis proclame « Nous sommes la génération Cologne. L’île où les naufragés du féminisme peuvent se réfugier », faisant ses choux gras des viols commis à la Saint Sylvestre en les attribuant aux seuls hommes d’origine étrangère. Le Collectif Némésis, féministes identitaires comme elles se nomment, a donc décidé de s’emparer du combat concernant l’épanouissement de la femme occidentale. Elles entendent dénoncer toutes les violences faites aux femmes aussi bien dans leur quotidien, que sur leur lieu professionnel ou encore dans la rue, de dénoncer l’impact dangereux de l’immigration de masse sur les femmes occidentales afin que ce sujet devienne un débat public, et de promouvoir la civilisation européenne, non pas comme ayant réduit les femmes au rôle d’objet, mais comme le berceau de leur épanouissement. Cela nous fait penser à la politique de la famille telle qu’elle est envisagée par le RN et qui rime avec la notion d’identité nationale. « Nous sommes un collectif féminin, composé de jeunes femmes de tous horizons et nous invitons toute femme de bonne volonté, amoureuse de notre civilisation et farouchement attachée à ses droits à nous rejoindre. Nous sommes présentes à Paris mais tendons à nous étendre dans toute la France. Nous sommes un collectif féministe, identitaire et anticonformiste. » Elles reprennent donc des éléments de langage des identitaires. Alice Cordier, invitée régulière de Hanouna, affirme l’existence d’une complémentarité́ supposée « naturelle » entre les hommes et les femmes et se place en défense d’une « virilité́ [européenne] » qui serait en déclin.
Némésis fait actuellement l’objet d’une enquête ouverte à la suite d’un signalement auprès du procureur de la République de Paris par l’association SOS Racisme pour «diffamation à caractère racial» et «provocation à la haine raciale» : en effet, une de leurs affiches porte le slogan « Rapefugees not welcome » (les réfugiés violeurs ne sont pas les bienvenus) et met en scène une jeune femme blonde poursuivie par deux hommes, l’un noir, l’autre portant la barbe et des vêtements censés le désigner comme musulman. Une racialisation du sexisme comme le nomme la sociologue Christelle Hamel, dès 2005. Quant à leur audience, Alice Cordier dépasse les vingt mille followers sur Facebook, douze mille sur Twitter. Ces féministes identitaires, sans même être en grand nombre, sont écoutées dans les rangs de Reconquête ou du Rassemblement national, et dans les réseaux catholiques intégristes d’Academia Christiana (mouvement catholique et nationaliste, de type secte, créé en 2013), la fondation Polémia de Jean-Yves Le Gallou (créé en 2002) ou encore le magazine L’Incorrect, en sous-titre « Faites le taire ». Elles peuvent être matériellement soutenues, mises en avant, parfois même embauchées ou propulsées sur le devant de la scène médiatique financée ou influencée par les extrêmes droites. C’est ainsi qu’elles ont piégé le 24 avril dernier, Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale, au soir du second tour. Il s’est retrouvé photographié, entouré des militantes « féminines et féministes », le cliché a été largement diffusé ensuite.
« Les Caryatides par contre, qui ont une activité limitée aujourd’hui, relèvent d’une tradition du nationalisme français avec une tonalité antisémite. Donc Zemmour n’est pas leur candidat, c’est impossible à leurs yeux » selon Magali Della Sudda. Elles ont un projet politique réactionnaire faisant référence au régime de Vichy ou au franquisme.
"les militants d’extrême-droite fustigent la notion de genre dans une croisade antiféministe."
Investir le mouvement social est une tradition historique de l’extrême-droite française. Mais aujourd’hui, elle cherche à qualifier son fémonationalisme : alter-féminisme, contre-féminisme, féminisme intégral, féminisme de droite, féminisme identitaire, féminisme anticonformiste ou antiféminisme. Dans son dernier ouvrage, Les Nouvelles Femmes de droite, l’historienne et politiste Magali Della Sudda, explique que ce questionnement s’est accéléré depuis le mouvement #MeToo après les mobilisations contre l’égalité d’accès au mariage et à la filiation pour toutes et tous à partir de 2013. Autre information fournie par l’historienne, en 1933, les ligues féminines d’extrême-droite, liées aux organisations catholiques, nationalistes et royalistes, rassemblaient plus d’adhérentes que le Parti communiste français.
Les identitaires, héritières de la Nouvelle droite, ont une conception de la société ethno-différentialiste c’est-à-dire que l’idée essentialiste est revendiquée et s’affirme comme identité politique. L’essentialisme est le corollaire du racisme. En effet, s’il y a une nature féminine différente d’une nature masculine, justifiant discrimination et domination, alors il est possible de prôner l’inégalité des races et d’assigner à chacun et chacune un rôle social défini par son genre ou sa couleur de peau. Ainsi les militants d’extrême-droite fustigent la notion de genre dans une croisade antiféministe. Ils instrumentalisent le combat pour les droits des femmes, combat que les femmes mènent contre le patriarcat, et s’invitent comme le Collectif Némésis dans la manifestation contre les violences faites aux femmes en novembre 2021. C’est évident qu’elles y furent mal reçues. Bien que tous ces mouvements ne soient pas homogènes, leurs points communs résident dans le refus de voir en les féministes les représentantes légitimes de la cause des femmes, dans l’affirmation d’un féminisme blanc, marqueur de la civilisation européenne menacée par l’islam et l’immigration, et dans la place importante accordée à la nature, qui renvoie à une prétendue race biologique. Quant à la religion, elle occupe une place centrale dans la socialisation de la plupart des militantes, notamment en termes de valeurs.
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Le prix du ringard 2019
Dix petites anarchistes
Le procès d’Hélène Brion en 1918
Violences sexuelles au travail, le gouvernement contre l’AVFT !
C’est toute l’année qu’il faut lutter !
Berta Càceres, Presente !
Celles de 14
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