PRISE DE PAROLE - 8 MAI 2024

Les dirigeants et leurs serviteurs médiatiques nous présentent et commémorent le 8 mai 1945 comme étant la fin de la Seconde guerre mondiale, la fin du nazisme et du fascisme. Or, tous ici nous le savons, et il est important de rappeler, que ce jour-là fut aussi autre chose. Ce furent les massacres de Sétif, Guelma et Kherrata commis par la police et l’armée française contre les Algériens manifestant en faveur de l’indépendance. La saveur d’une certaine liberté retrouvée ne pouvait se goûter qu’au nord de la Méditerranée !
Les anarchistes se souviennent de cette histoire. Albert Camus, qui soutient les anarchistes espagnols après la guerre, avait été exclu du parti communiste français à Alger en novembre 1937 parce qu’il s’opposait à la nouvelle ligne du parti. Sur ordre de Staline, les communistes laissaient en effet tomber la perspective indépendantiste pour favoriser le Front populaire.

C’est ce même Front populaire qui a refusé la proposition des anarchistes espagnols, majoritaires à Barcelone en 1936, de les aider pour l’indépendance au Maghreb. Nos aînés avaient signé un pacte avec le Comité d’Action marocaine pour que le Maroc s’insurge et fragilise le franquisme grâce à l’ouverture d’un second front. Cette proposition aurait pu changer le cours des choses, rendre possible la fin du fascisme franquiste, donner l’indépendance au Maghreb, ouvrir un autre espoir. La gauche avec Léon Blum à sa tête n’en a pas voulu.

La suite, nous la connaissons. Le fascisme est certes défait, mais la guerre continue. Chez l’État français, c’est Madagascar, l’Indochine, l’Algérie. Cette guerre, elle n’est toujours pas finie. Au Sahel, les interventions de l’armée française se sont multipliées : opération Épervier en 1986 (sous la présidence Mitterrand), opération Serval en 2013-2014 (sous la présidence Hollande), opération Barkhane en 2014-2022 (sous les présidences Hollande et Macron).
Officiellement, les soldats français sont là-bas pour lutter contre l’islamisme politique (qu’il faut combattre idéologiquement). Mais nous ne sommes pas dupes : sous ce seul prétexte, l’État français tente de légitimer une présence militaire pour maintenir son influence géopolitique et garder la mainmise — pour ses seuls intérêts (notamment l’exploitation des mines d’uranium) — sur une zone stratégique, en défendant des régimes corrompus de la Françafrique, soit disant indépendants, et à faire taire les autonomies touaregs.

Certes, Macron a stoppé l’opération Barkhane. Mais l’armée française est toujours là-bas, avec plusieurs bases militaires et des soldats prêts à exécuter les ordres. Cette année, la France est devenue le deuxième exportateur d’armes au monde, devant la Russie. À qui ces armes françaises sont-elles destinées ? Dans l’ordre décroissant : les Émirats arabes unis, l’Égypte, l’Inde et l’Arabie saoudite. Après, on s’étonnera que la paix ne règne pas au Moyen-Orient.
Oui, la guerre ne cesse toujours pas. La liste est toujours longue : Gaza, Ukraine, Yémen. Mais n’oublions pas le Soudan où nos compagnons du Réseau soudanais des Lumières luttent contre la dictature du général Hernetti. N’oublions pas nos compagnons du Rojava kurde qui doivent faire face à plusieurs fronts. N’oublions pas nos compagnons de la FAUDA en Palestine.

Oui nous rappelons l’histoire en ce jour qui est un jour de mémoire. Nous ne le faisons pas seulement pour le passé, mais pour le présent et l’avenir, ici et maintenant. Pour ne pas refaire les mêmes erreurs.
Est-ce que remplacer les anciens maîtres par de nouveaux maîtres est une réelle avancée ? Accepter le SNU, n’est-ce pas se soumettre à l’idéologie militariste et à la propagande guerrière ?
L’État, le capitalisme et les idéologies liberticides vivent et se renforcent par la destruction et par la guerre !
Partout, le peuple est victime des dirigeants et des militaires. Ne nous laissons pas duper par leurs discours qui servent leurs intérêts. C’est construire une autre société — libre, égale, fraternelle — qui doit être notre feuille de route.
À bas le capital, à bas l’État, à bas toutes les armées ! Vive l’anarchie.

Groupe Nestor-Makhno (42), 8 mai 2024.