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Cinéma
par Mireille Mercier et Daniel Pinós • le 24 novembre 2024
Le Bel été
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Adaptation cinématographique de La Bella Estate de Cesare Pavese
Pour tous ceux et celles qui adolescentes et adolescents ont aimé lire Cesare Pavese, écrivain et poète mélancolique, nous conseillons ce très beau et troublant film romantique. Laura Luchetti nous offre son interprétation de La Bella estate, « le Bel été », baignée d’une magnifique sensualité avec cette plongée dans les années 1930 à Turin.
« Le roman de Pavese, écrit il y a près de quatre-vingt-cinq ans, m’a immédiatement touchée dès ma première lecture. Il m’a paru incroyablement universel, profondément moderne.
Ginia, jeune femme en quête d’elle-même, craignant de ne pas être à la hauteur et de ne pas pouvoir explorer sa sexualité, rencontre Amelia, une autre jeune femme qui la conduit dans un monde nouveau, plein de tentations, de faux rêves et de fragilité. Elle l’entraîne dans un univers bohème, libre, audacieux, sans préjugés : celui de l’art et de la représentation. »
On est à Turin en 1938. Au bord d’un lac, un groupe de jeunes gens pique-niquent, rient, chantent. Parmi eux, Ginia (Yile Vianello), venue de la campagne avec son frère, Severino (Nicolas Maupas). Quand arrive en barque d’autres garçons et filles, Ginia est troublée par une jeune femme brune (Deva Cassel) en sous-vêtements blancs qui plonge sous le regard surpris des autres.
Alors que Ginia, la blonde, travaille dans un atelier de couture, Amelia, la brune, sert de modèle à des peintres. Toutes deux, malgré leur différence sociale, se rapprochent et Amelia introduit Ginia dans le milieu de la bohème turinoise. Ginia, est attirée par cette fille qui collectionne peintres, amantes et amants, et elle veut lui ressembler. C’est la rencontre de deux mondes, l’histoire d’un coup de foudre, une réflexion subtile sur le désir féminin et les conditions sociales de cette époque troublée.
Le film est une réflexion sur le désir d’être vu à travers les yeux d’un autre. Existerions-nous sans le regard de l’autre ? Ce désir hante les journées de Ginia. Dans l’atelier de couture où elle travaille, elle passe du temps à mesurer le corps des clientes. Elle passe le ruban autour de leur taille autour de leurs hanches autour de leur poitrine. Mettre en valeur leurs formes, leur beauté, choisir la qualité et la couleur des tissus. Un travail d’artiste.
Ginia aussi aimerait être regardée et cette envie pourrait advenir si elle acceptait de poser pour un peintre. Dans les années 1930, la peinture domine les arts, puis viendra la photographie et aujourd’hui les réseaux sociaux. Le désir d’y voir son image couchée sur une toile, d’être admirée pour exister devient une obsession pour Ginia comme pour beaucoup de jeunes filles d’aujourd’hui. Mais Ginia comprend vite que pour poser pour un peintre suppose coucher avec lui et perdre sa virginité. Elle devra choisir à un âge où tout est possible autant qu’effrayant.
Seulement trois très courtes séquences nous rappellent que nous sommes en pleine dictature du Duce Mussolini. Sa voix nous parvient des haut-parleurs de la rue... Ginia ira fermer la fenêtre. Un peu plus tard, Ginia jettera un sombre regard sur les chemises noires épinglées sur les cordes à linge dans la cour de son immeuble. Une dernière scène montre comment un groupe de miliciens chassera avec une autorité qui fait froid dans le dos les passagers d’un autobus pour s’asseoir à leur place.
Ces trois scènes nous préviennent qu’il ne s’agit là que de la toile de fond qui inscrit l’histoire dans le temps. La priorité de la réalisatrice, sans vouloir l’ignorer, n’est pas de développer le lourd contexte historique. Le sujet est universel et intemporel. Il pose le problème du choix : rentrer dans sa campagne natale, se plier aux contraintes sociales où vivre dangereusement dans un univers que Ginia méconnait totalement, incarné par la redoutable beauté tourmentée d’Amelia et de ces peintres aux regards de prédateurs.
Dans son live, Pavese est beaucoup plus sévère sur ces hommes. On pourrait regretter que celui de la réalisatrice s’attache un peu trop à adoucir leur brutalité de mâles dominants, mais la subtilité avec laquelle elle montre leur propre fragilité, donne au récit une complexité plus proche de notre époque.
Une riche palette de sentiments pour ce film qui sait pourtant garder une vraie simplicité. Laura Luchetti écrit cette reconstitution historique par petites touches infiniment subtiles et délicatement sensuelles. Une peinture où les déterminismes sociaux et culturels entravent la liberté d’être ce que l’on aimerait être.
Un regard magistralement féminin !
C’est la belle chanson de Sophie Hunger, Walzer für Niemand qui clôt cette fresque d’une grande poésie.
Mireille Mercier et Daniel Pinós
La Bella estate
Un film de Laura Luchetti
Sortie le 27 novembre au cinéma
Ce film est également projeté dans le cadre du trentième festival Chéries-chéris.
Un festival LGBTQIA.
PAR : Mireille Mercier et Daniel Pinós
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