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par Evelyne Trân le 7 septembre 2021

La rentrée du brigadier

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UNE VIE ALLEMANDE


De Christopher HAMPTON tiré de la vie et des témoignages de Brunhilde Pomsel.




Adaptation française de Dominique HOLLIER
Mise en scène de Thierry HARCOURT
Avec Judith MAGRE -
Assistante à la mise en scène, Stéphanie FROELIGER
Musique et univers sonore, Tazio CAPUTO
Lumières, François LOISEAU

C’est à partir des entretiens de Brunhilde POMSEL avec une collectif viennois pour un documentaire filmé en 2013, que le dramaturge Christopher HAMPTON a conçu la pièce Une vie allemande.

Le documentaire avait le même titre Une vie allemande. Nous pourrions nous laisser abuser par ce titre qui frappe par sa sobriété, qui ne veut pas faire de bruit d’une certaine façon et s’il convient à un documentaire qui se veut objectif, peut-il convenir à un drame ?

C’est pourtant cette insignifiance exprimée qui interpelle car elle permet de saisir la position « impossible » de Brunhilde POMSEL, une employée ordinaire face au Tribunal de l’Histoire.

Brunhilde POMSEL était probablement le dernier témoin « des hautes sphères nazies » en tant que secrétaire de Joseph GOEBBELS, ministre de la propagande du régime nazi. Au seuil de sa vie, à 102 ans, elle livre ses souvenirs publiquement comme pour les revivre elle-même, quasiment presque sans complexe, car elle a pour alibi son grand âge. Il lui faut tout de même plonger dans des souvenirs qui datent de plus de 60 ans. « Il y a tant de choses que j’ai oubliées. Presque tout en réalité. Certaines choses restent bien sûr, mais je ne sais vraiment pas pourquoi. Je ne comprends pas comment ça fonctionne ».

Elle sait évidemment que ce qui fait d’elle le point de mire, le sujet du film, c’est cette marque au fer rouge qui la désigne comme complice du régime nazi, cette griffure qui ne lui permet pas de se réfugier dans l’anonymat, celle d’avoir été la secrétaire de Goebbels. Elle tient d’ailleurs à préciser qu’elle n’était que « la secrétaire de secrétaire » par la secrétaire particulière et qu’elle ne faisait que croiser Goebbels.

En marge du film, Brunhilde POMSEL a expliqué pourquoi elle avait voulu témoigner « C’était important pour moi de reconnaître cette image dans le miroir, dans laquelle je peux comprendre ce que j’ai fait de mal ». Tout en précisant « Il ne s’agit absolument pas de soulager ma conscience ».

Comment une personne ordinaire « une simple employée » peut-elle être pointée par les historiens, les juges, toux ceux qui peuvent former le Tribunal de l’histoire ? Madame POMSEL, raconte qu’elle a dû arrêter ses études à 15 ans, faute d’argent et a commencé à travailler à 16 ans pour échapper au carcan familial. C’est parce qu’elle était, semble-t-il, une dactylo hors pair, c’est à dire extrêmement rapide, qu’elle a été choisie comme secrétaire au ministère de la propagande. De ses propos se dessine la figure d’une jeune fille pleine de vitalité qui « se présente volontiers comme une personne échevelée, superficielle et apolitique ». Elle se serait inscrite au parti nazi par opportunisme comme 8 millions d’allemands. En somme, elle a agi pour faire comme tout le monde, sans se poser de questions. Mais lorsque sa meilleure amie juive Eva, en apprenant qu’elle était devenue employée de Goebbels lui dit « C’est la dernière fois que tu me voies », cette parole doit résonner comme une flèche de douleur dans sa tête. Madame POMSEL a voulu savoir ce qu’était devenue Eva et a appris que son amie était morte en camp de concentration.

Comment Madame POMSEL pouvait-elle ignorer le sort réservé aux Juifs ? Elle ignorait tout, dit-elle. Elle faisait partie du ministère de la propagande qui sans nul doute a étouffé dans l’œuf facilement ses objections au régime nazi pour peu qu’elle en ait eues. « Je suppose que la vérité c’est que l’on ne voulait pas savoir, tout ce qu’on savait c’est que le monde entier était contre nous, que la guerre était terrible et que tout le monde avait bien trop de problèmes pour s’inquiéter des Juifs. C’était comme si le monde entier était sous cloche. L’Allemagne était un gigantesque camp de concentration. Ce qui n’excuse rien bien sûr. »

Faut-il souscrire au concept de la banalité du mal d’Hannah Arendt ? Cette indifférence au sort des autres, Brunhilde POMSEL parait l’assumer, elle ne le dit pas mais « C’était chacun pour soi » et à l’époque où elle était secrétaire de Goebbels, elle n’était préoccupée que d’elle-même. A 102 ans, elle décide de témoigner :
» Compte tenu des évolutions politiques en Europe et aux États-Unis, face aux nationalismes croissant en Europe, l’essor dans le monde du populisme de droite et l’élection de Donald Trump, elle qualifie ses souvenirs de signal d’alarme pour les générations actuelles et futures » a affirmé Christian KRONES, l’un des réalisateurs du documentaire.
Elle avait assuré avoir la conscience tranquille mais elle reconnaissait aussi « Je ne pouvais pas résister, je fais partie des lâches ».

C’est Judith MAGRE qui incarne Brunhilde POMSEL. A travers sa voix, ce sont tous les clignotants d’une mémoire éprouvée qui s’expriment. Bouée de sauvetage d’une conscience malheureuse ? Il fallait rendre compte de la complexité de Brunhilde POMSEL, qui a survécu au malheur général ne serait-ce que pour en témoigner. Madame POMSEL âgée peut parler à la place de Madame POMSEL jeune, car elle a étonnamment conservé toute sa vivacité et ce faisant sa dignité comme pour souligner que malgré son grand âge, elle a toute sa conscience et qu’elle parle en connaissance de causes. Serait-t-elle elle aussi une victime de l’histoire ? Arrêtée par les Russes, elle a été emprisonnée 5 ans dans les camps notamment de Buchenwald.

A la fin de la pièce, « Elle sourit courageusement » nous indique une didascalie du texte.

Mise en scène très sobrement par Thierry HARCOURT, Judith MAGRE prête sa vivacité, l’humour et l’acuité de l’intelligence qui émanent des propos de Madame POMSEL. Elle est tout simplement humaine, terriblement humaine. En un mot, elle est captivante et bouleversante !

Il s’agit bien d’un témoignage mais aussi d’une confession. A chacun des spectateurs d’en juger.

Paris, le 6 septembre 2021
Evelyne Trân














Au Théâtre POCHE MONTPARNASSE – 75 Bd du Montparnasse 75006 PARIS – DU mardi au samedi à 19 H. Le dimanche à 15 H.
PAR : Evelyne Trân
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1

le 7 septembre 2021 14:05:36 par Luisa

Je viens juste de lire l’article. Et je me souviens que petite, alors que je me levais de mon siège dans le bus pour laisser la place à une dame, ma mère me dit brutalement : « Non ! Reste assise ! Celle-là t’aurait vendue pendant la guerre ! »
Ma mère avait reconnu cette femme ( …. ).
Le jeudi, il n’y avait pas d’école, et parfois, pour gagner du temps, on coupait le chemin en traversant le cimetière. Ma mère faisait un détour dans une allée précise, on la suivait, et elle s’arrêtait devant une tombe pour cracher dessus car en-dessous il y avait « une ordure » !! Et elle nous racontait ( … ). Pétain avait les cheveux blancs ce qui prouve que l’âge n’est pas une référence de sagesse.
TOUS les Allemands et TOUTES les Allemandes ont participé à la Shoah. Ceux et celles qui n’ont pas participé aux massacres étaient soit partis ( ies ) avant, soit morts ( es ) depuis le début.
- Un livre choc, loin des idées reçues :
« Les furies de Hitler » - Comment les femmes allemandes ont participé à la Shoah - de Wendy Lower [chez Tallandier].
Un travail remarquable dans les archives, les journaux intimes. Un tableau des aspects les plus sombres et inexplorés de la Shoah : celui des femmes en Allemagne nazie. Des meurtrières toutes volontaires !

2

le 7 septembre 2021 14:33:10 par Luisa

P.S. : quand je parle d’Allemagne durant la Shoah, il s’agit bien évidemment autant de l’Allemagne de l’Ouest que de l’Est. Plusieurs dizaines de millions de personnes, hommes et femmes, toutes des criminelles. Quelques hommes, très peu, ont été légèrement condamnés. Quant aux femmes, elles sont toutes rentrées dans leur foyer comme si de rien n’était, en catimini comme c’est l’usage lorsque c’est tabou.

3

le 8 septembre 2021 09:12:34 par Bernard

Tu oublies les Allemands et Allemandes qui ont courbé l’échine en attendant que s’arrête ce temps de merde. Comme en France, entre les collabos et les résistants, il y avait la majorité silencieuse capable de petits instants d’humanité comme de petits instants de bassesse.
J’étais dans un bar avec une copine, c’était fin juin.
Un gus : Et voilà, les Boches vont bientôt arriver
la patronne du bar : Tu pourrais pas dire les Allemands ?
Le gus : Je suis du Vercors, j’ai échappé au massacre. Les Boches seront toujours des Boches.
Ma copine : Mon grand-père est mort en camp de concentration…
Le gus : ah !
Ma copine : Il était allemand, communiste, antinazi…
Le gus : Bon OK, y avait aussi de bons Allemands. Quand même, heureusement qu’il y a eu les Ricains…
Moi : Moi grand-père est mort pendant un bombardement américain raté à St-Etienne…
Froid pesant dans le bar.

4

le 8 septembre 2021 13:00:21 par Luisa

Salut Bernard !
Non, rassure-toi je n’oublie rien !
Durant le procès de quelques nazis, certains ont dit : « Sans l’aide de la population française, on n’aurait rien pu faire !! »
À Oradour-sur-Glane, ceux qui ont violé, massacré, brûlé étaient en grande majorité des Français, des Alsaciens qui ont agi de leur plein gré [des personnes de ma famille ont été massacrées et d’autres témoins au procès dont j’ai les minutes]. Comme l’a si bien décrit Martin Gray ( « Au nom de tous les miens » ), ce sont des « bêtes à tête d’homme » , les mêmes bêtes à tête d’homme qui traquent Mila et tant d’autres, dans le silence complice d’une majorité.
Les assassins sont dans la ville !!

5

le 8 septembre 2021 13:19:27 par Luisa

Il y a une bonne trentaine d’années, sur mon lieu de vacances, il y avait un couple d’environ 30 ans, avec deux petits enfants. J’ai sympathisé avec eux. Lui était Allemand, très triste. Un soir sur la terrasse de notre lieu de vacances, il avait bu plusieurs verres et commençait à pleurer. Sa femme était très gênée, elle ne disait plus rien. La souffrance de l’un comme de l’autre était palpable.
J’ai essayé de les faire parler pour qu’ils se soulagent ( … ), et là, le jeune homme Allemand m’a dit qu’il avait appris, découvert que toute sa famille en Allemagne avait participé à la Shoah, aux massacres, aux spoliations, etc ….
Qu’il ne voulait plus jamais les voir !
Ils étaient très seuls avec leur deux bambins …
Ils me regardaient bien dans les yeux et ils pleuraient … je n’avais rien dit de moi ni de ma famille, mais peut-être que sur ce lieu de vacances certaines personnes se sont permises de faire des commentaires ( ?? ). Plus tard, je les ai rencontrés en région parisienne, et ça nous a fait plaisir de nous revoir. De génération en génération, ce passé qui ne passe pas, se transmet comme une tare !