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Nouvelles internationales
par Monica Jornet • le 20 mars 2020
LE CHILI À L’HEURE DE LA RÉVOLTE. Premier volet.
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VEILLE DE 8 MARS A SANTIAGO DU CHILI. EL PUEBLO UNIDO...FUNCIONA SIN PARTIDOS.
Une convergence des luttes historique et inédite s’est produite le 8 mars 2020 au Chili : les revendications contre la discrimination et les violences faites aux femmes ont convergé avec la contestation quotidienne dans la rue depuis l’Estallido social du 18 octobre. Et la campagne du référendum du 26 avril tourne autour d’une nouvelle Constitution où les femmes auraient enfin leur place et une place paritaire.
Le contexte de la Révolte sociale ou « Estallido social »
La révolte sociale ou « estallido social » a éclaté (estallar) le 18 octobre 2019 à l’annonce de la hausse du ticket de métro, une goutte d’eau qui a fait déborder le vase de la colère contre pauvreté et inégalités dans un pays où les services publics se réduisent à peau de chagrin, dans la continuation du néolibéralisme mis en place par le dictateur Pinochet. Les manifestations se succèdent sans faiblir : « La calle no calla » (la rue ne se tait pas).
Le parcours des manifestations sur l’Alameda, comme est appelée la très centrale avenue Bernardo O’Higgins compte plusieurs universités (Catholique, du Chili, de Santiago) et longe le palais présidentiel de la Moneda. Les cortèges quasi quotidiens, ce sera aussi le cas les 8 et 9 mars pour la Journée Internationale des Femmes et la grève générale féministe, partent d’un point devenu emblématique, la Place Baquedano, ainsi nommée depuis 1927, du nom d’un général de la Guerre du Pacifique, mais que l’on continuait à appeler Plaza Italia jusqu’à ce que les manifestants la rebaptisent Plaza de la Dignidad : la dignité, une demande forte des femmes : « Dignidad feminista » (Dignité féministe), « La dignidad no se negocia”?» (La dignité n’est pas négociable), « Nos matan por pedir dignidad» (On nous assassine parce que nous exigeons la dignité), «Sólo la lucha nos dará la dignidad» (seule la lutte nous donnera la dignité), «¿Cuantas cuesta la dignidad ?(Combien de mortes coûte la dignité ?).
Le mouvement contestataire comptait sur la rentrée scolaire du 4 mars et sur la Journée internationale du 8 mars dans le contexte de la campagne pour le référendum du 26 avril (el plebiscito) pour un « Súper marzo » (Super mois de mars). « Marzo es de protesta » (Le mois de mars est à la contestation).
Les mesures du Gouvernement avant le 8 mars ou 8 M
Des mesures sont prises par le gouvernement dans la semaine précédant le 8 mars, d’une part mieux réprimer la manifestation et d’autre part pour essayer de désamorcer toute la Révolte sociale :
- La loi Gabriela entre en vigueur le 2 mars, elle étend la notion de féminicide à toute relation de couple y compris sans vie commune.
- La parité de genre de la future Constituante est adoptée le 4 mars par les 2 chambres.
- Le soir même de la rentrée, le 4 mars, 62 manifestants dont nombre de lycéens sont arrêtés en vertu de la nouvelle Ley antiprotestas (Loi anti-casseurs) adoptée en janvier qui permet de criminaliser la contestation juvénile, de limiter le droit de manifester (interdiction de barrer une rue, de lancer des pavés etc) et de multiplier les arrestations depuis la fin janvier.
- Le 3 mars, le gouvernement annonce une nouvelle tactique d’encerclement qui vise, selon l’intox habituelle, à séparer les « violents » des « pacifiques », ce qui permet l’arrestation, dès le 5 mars, de 44 membres de « Primera Linea», des étudiant.e.s mais aussi des jeunes travailleur.e.s de banlieues qui après leur journée de travail, cagoulés et habillés de noir, vont affronter la répression en première ligne du cortège.
- Le gouvernement annonce le 6 mars que 1700 femmes carabiniers sous le commandement de la Générale Berta Robles, assureront « l’accompagnement direct » du cortège du 8 M.
L’État en cause
Devant le Palacio de la Moneda, près de la statue d’Allende, sur la barrière bordant le périmètre de sécurité, une couronne de fleurs rend hommage à une victime de la répression de l’Estallido social. Notons que cette couronne mortuaire aurait été rapidement enlevée en France, cher pays des libertés... : « Paula Andrea Lorca Zamora, 44 ans, assassinée par l’État, Morte le 20 octobre 2019... ». Car c’est l’État qui est incriminé sur les murs de la ville pour discrimination, exploitation et violence du système capitaliste et patriarcal : « « État assassin ». « État féminicide ». « Grève générale féministe contre le terrorisme d’État ». « L’État oppresseur est un macho violeur ». Et c’est l’État la cible de la lutte : « Que tes actions au quotidien portent préjudice à l’État ». « Avorte l ‘État patriarcal ». La révolte sociale, dans laquelle s’inscrivent les journées féministes du 8 et 9 mars, est fortement politisé et même révolutionnaire : au-delà de la haine du président Piñera, dont la démission ou la tête sont demandées, on ne cherche pas à obtenir un simple changement « gouvernement », mot rare sur les murs. Ma surprise ne s’arrête pas là. Puisqu’il s’agit bien d’en finir avec l’État, l’anarchie est proclamée partout - la quasi absence de graffitis marxistes et communistes est non moins évidente sur les murs : A cerclé, slogans et principes anarchistes « Ni Dieu ni flics ». « Ni leaders ni partis. » « Acab. A », « Pas de partis. Pas de gouvernement » « État oppresseur, ni opprimés, ni oppresseuses », appels à l’action. « Les puissants n’auront pas le dernier mot. Organise-toi et passe à l’action », « L’Etat te vole, vole l’Etat », « Déobéissance », « Étendons la révolte jusqu’à l’anarchie ». Le 8 mars aura donc une forte composante anarchiste : « Pas de sigles pas de dirigeants. 8 mars de lutte ». « Pour un mois de mars subversif, anarcoféministe et dissident. Contre toute autorité ». « Nous n’abandonnerons pas les rues A ». « Vive la révolte A ».
Je rencontre un collectif de photographes féministes tandis qu’elles collent une affiche. Elles me confirment que l’anarchie est dans l’air au Chili et y voient bel et bien un phénomène récent. Je rencontre le lendemain, dans la manif, les compagnes de l’Athénée anarchiste de Santiago. Sur les murs de Santiago, un « groupe de propagande La peste noire » a collé une information « Qu’est-ce que l’anarchisme ?». A noter la position antidrogues des anarchistes : « Lucide dans le combat. Lutte sans drogues. A »
La haine de la police
La haine de la police (« Feu à la flicaille ») trouve une première explication très directe, la répression des manifestations et les viols de manifestantes. Depuis le 18 octobre, on dénombre plus de 40 assassinats, l’Institut National des Droits Humains INDH recense 3765 blessés dont 445 lésions oculaires, 271 blessures à la tête en raison de l’usage de bombes lacrymogène et de projectiles anti-émeutes (balles en caoutchouc et caoutchouc et métal, bombes lacrymogènes impactant le corps, mutilation oculaire, chevrotines, matraquage). Les brigades de santé, bénévoles, les médics, deviennent la cible de la répression sélective, gazage et de plus en plus d’agressions directes. Des affiches parlent de 10365 arrestations et exigent la libération des centaines de prisonniers politiques, souvent avec le A cerclé sur le mot Libertad. La violence policière des « pacos » (flics) est la première dénonciation (les carabiniers et flics) : « Pacos assassins ». « Personne ne se suicide dans un commissariat ». « Nous ne sommes pas toutes là, les flics assassinent ».
Lors du 8 et du 9 mars, dans les cortèges, mais aussi sur les murs, on représente des yeux crevés, on dénonce : « Stop aux mutilations ». « 357 yeux et nous pouvons encore voir”. « Elles avaient des yeux de feu » Et on adapte la chanson de Violeta Parra : Gracias a la vida, que me ha dado tanto, me dio dos luceros ... mais des bâtards me les ont arrachés.
Les viols systématiques dans les commissariats, sans parler des multiples humiliations, sont désormais de notoriété publique (femmes même mineures déshabillées, obligées à accomplir des tâches dégradantes, insultées). Les « ACAB, Paco violeur », ne sont donc pas à prendre au sens figuré, ni les « Que muera Piñera y no mi compañera » (Mort à Piñera, pas à ma compagne), et les « Piñera assassin violeur des Droits Humains» à la légère.
Il est vrai qu’à Paris, le 8 mars, la police a été plus violente, à Santiago pas de matraquage visible, juste des gaz lacrymogènes et les canons à eau. Le métro est resté ouvert et les certaines images sont surréalistes en la circonstance : les vendeurs d’eau (pour les yeux) et de boissons fraîches (pour la canicule) circulent parmi les manifestants, des promeneurs traversent l’avenue ou participent aux applaudissements lorsque la police recule. Il me semble que les « pacxs « cherchaient à provoquer puis faciliter la sortie de manif, leur problème étant précisément la résistance quotidienne des manifestant.e.s à la dispersion. Là les choses peuvent se gâter mais tout de suite, la consigne semble être – pour l’instant mais pour combien de temps- de ne pas détériorer l’image du gouvernement dans l’espoir sans doute que le référendum du 26 avril ci marque la fin de la révolte et celui d’obtenir une majorité à la Constituante favorable à « l’ordre » face aux « perturbateurs » selon la logique de la dictature, qui vend l’ordre établi pour de la paix et de de la tranquillité au « citoyen sans histoires. Les sondages 4 mars Pulso Ciudadano de Activa Research, sur la 2 quinzaine de février, recense 81% d’avis défavorables pour le gouvernement et 57% de soutien aux manifestations.
La haine de la police répond également à une conscience militante et de classe très présente : « Flics et militaires mercenaires des riches », « Ta profession c’est de tuer les pauvres gens ». Et les femmes carabiniers attirent encore plus les foudres des manifestantes (« La paca n’est pas une compagne ”).
Là aussi des slogans anarchistes fleurissent tel « Contre l’État policier, ses lois, ses prisons, A. Agitation permanente ».
Le rejet des partis politiques
« EL pueblo unido jamás será vencido» (Le peuple uni ne sera jamais vaincu) est devenu « El pueblo unido funciona sin partidos » (Le peuple uni fonctionne sans les partis). Autres inscriptions murales accompagnées du A cerclé comme « Ni sigles ni partis ». J’analyse ainsi cette volonté des révoltés du 18 octobre : ils se sont sentis trahis par les partis politiques parlementaires. Ceux-ci, de la pinochetiste UDI à la gauche, Frente AMPLIO et PC, ont signé l’ Accord pour la Paix Sociale et la Nouvelle Constitution » proposé par le président Piñera et dont le texte lui-même dit qu’il se veut une « sortie institutionnelle » à la « grave crise politique sociale du pays ». La signature de ce pacte avec Piñera fait suite à la grève générale du 12 novembre, point culminant de la révolte populaire. Le pacte sauve Piñera qui, de surcroît, décide de la solution à apporter à la crise -à savoir un référendum pour un changement de Constitution-, et en établit les règles. Il sauve ainsi les partis parlementaires d’une révolution de rue et leur garantit la rédaction du changement avec les coudées franches pour négocier entre eux et avec le pouvoir dans le dos de leurs électeurs et électrices. Cerise sur le gâteau pour eux tous, organes de pouvoir, le référendum exclut de fait le secteur de la population le plus radicalisé dans ses revendications et moteur de la révolte, la jeunesse, dans toute son importante frange de moins de 18 ans donc sans droit de vote, ainsi que les collectifs féministes, indigènes, syndicalistes puisque l’élection se fera sous la loi électorale actuelle, celle de Pinochet, favorisant les partis traditionnels. Et il s’agit bien, aussi bien pour le gouvernement que pour les partis, unis pour conserver le pouvoir ou pour le briguer, de canaliser la contestation et de mettre fin à la révolte pour en tirer leur propre épingle du jeu.
Une ville mobilisée pour les femmes
La veille de la Journée Internationale des Femmes, toute la ville de Santiago est couverte d’inscriptions, affiches et autocollants. Par exemple des affichettes suscitent la prise de conscience : « T’est-il arrivé » ... d’être suivie, avoir peur dans la rue, d’avoir subi commentaires sur la couleur de leur peau, de devoir dire où tu allais ou dans quelle voiture tu montais pour rentrer chez toi etc. A chaque fois, la réponse sous forme de slogan : « Pour les femmes, couvre-feu permanent » en rappel du couvre-feu décrété par Piñera au lendemain de l’Estallido social.
Monica Jornet
Groupe Gaston Couté de la FA
depuis Santiago du Chili. 12 mars 2020
(A suivre : LE CHILI À L’HEURE DE LA RÉVOLTE. Deuxième volet : 8 MARS ¡LA REVOLUCIÓN ES FEMINISTA!) Voir les photos dans un autre article.
Le contexte de la Révolte sociale ou « Estallido social »
La révolte sociale ou « estallido social » a éclaté (estallar) le 18 octobre 2019 à l’annonce de la hausse du ticket de métro, une goutte d’eau qui a fait déborder le vase de la colère contre pauvreté et inégalités dans un pays où les services publics se réduisent à peau de chagrin, dans la continuation du néolibéralisme mis en place par le dictateur Pinochet. Les manifestations se succèdent sans faiblir : « La calle no calla » (la rue ne se tait pas).
Le parcours des manifestations sur l’Alameda, comme est appelée la très centrale avenue Bernardo O’Higgins compte plusieurs universités (Catholique, du Chili, de Santiago) et longe le palais présidentiel de la Moneda. Les cortèges quasi quotidiens, ce sera aussi le cas les 8 et 9 mars pour la Journée Internationale des Femmes et la grève générale féministe, partent d’un point devenu emblématique, la Place Baquedano, ainsi nommée depuis 1927, du nom d’un général de la Guerre du Pacifique, mais que l’on continuait à appeler Plaza Italia jusqu’à ce que les manifestants la rebaptisent Plaza de la Dignidad : la dignité, une demande forte des femmes : « Dignidad feminista » (Dignité féministe), « La dignidad no se negocia”?» (La dignité n’est pas négociable), « Nos matan por pedir dignidad» (On nous assassine parce que nous exigeons la dignité), «Sólo la lucha nos dará la dignidad» (seule la lutte nous donnera la dignité), «¿Cuantas cuesta la dignidad ?(Combien de mortes coûte la dignité ?).
Le mouvement contestataire comptait sur la rentrée scolaire du 4 mars et sur la Journée internationale du 8 mars dans le contexte de la campagne pour le référendum du 26 avril (el plebiscito) pour un « Súper marzo » (Super mois de mars). « Marzo es de protesta » (Le mois de mars est à la contestation).
Les mesures du Gouvernement avant le 8 mars ou 8 M
Des mesures sont prises par le gouvernement dans la semaine précédant le 8 mars, d’une part mieux réprimer la manifestation et d’autre part pour essayer de désamorcer toute la Révolte sociale :
- La loi Gabriela entre en vigueur le 2 mars, elle étend la notion de féminicide à toute relation de couple y compris sans vie commune.
- La parité de genre de la future Constituante est adoptée le 4 mars par les 2 chambres.
- Le soir même de la rentrée, le 4 mars, 62 manifestants dont nombre de lycéens sont arrêtés en vertu de la nouvelle Ley antiprotestas (Loi anti-casseurs) adoptée en janvier qui permet de criminaliser la contestation juvénile, de limiter le droit de manifester (interdiction de barrer une rue, de lancer des pavés etc) et de multiplier les arrestations depuis la fin janvier.
- Le 3 mars, le gouvernement annonce une nouvelle tactique d’encerclement qui vise, selon l’intox habituelle, à séparer les « violents » des « pacifiques », ce qui permet l’arrestation, dès le 5 mars, de 44 membres de « Primera Linea», des étudiant.e.s mais aussi des jeunes travailleur.e.s de banlieues qui après leur journée de travail, cagoulés et habillés de noir, vont affronter la répression en première ligne du cortège.
- Le gouvernement annonce le 6 mars que 1700 femmes carabiniers sous le commandement de la Générale Berta Robles, assureront « l’accompagnement direct » du cortège du 8 M.
L’État en cause
Devant le Palacio de la Moneda, près de la statue d’Allende, sur la barrière bordant le périmètre de sécurité, une couronne de fleurs rend hommage à une victime de la répression de l’Estallido social. Notons que cette couronne mortuaire aurait été rapidement enlevée en France, cher pays des libertés... : « Paula Andrea Lorca Zamora, 44 ans, assassinée par l’État, Morte le 20 octobre 2019... ». Car c’est l’État qui est incriminé sur les murs de la ville pour discrimination, exploitation et violence du système capitaliste et patriarcal : « « État assassin ». « État féminicide ». « Grève générale féministe contre le terrorisme d’État ». « L’État oppresseur est un macho violeur ». Et c’est l’État la cible de la lutte : « Que tes actions au quotidien portent préjudice à l’État ». « Avorte l ‘État patriarcal ». La révolte sociale, dans laquelle s’inscrivent les journées féministes du 8 et 9 mars, est fortement politisé et même révolutionnaire : au-delà de la haine du président Piñera, dont la démission ou la tête sont demandées, on ne cherche pas à obtenir un simple changement « gouvernement », mot rare sur les murs. Ma surprise ne s’arrête pas là. Puisqu’il s’agit bien d’en finir avec l’État, l’anarchie est proclamée partout - la quasi absence de graffitis marxistes et communistes est non moins évidente sur les murs : A cerclé, slogans et principes anarchistes « Ni Dieu ni flics ». « Ni leaders ni partis. » « Acab. A », « Pas de partis. Pas de gouvernement » « État oppresseur, ni opprimés, ni oppresseuses », appels à l’action. « Les puissants n’auront pas le dernier mot. Organise-toi et passe à l’action », « L’Etat te vole, vole l’Etat », « Déobéissance », « Étendons la révolte jusqu’à l’anarchie ». Le 8 mars aura donc une forte composante anarchiste : « Pas de sigles pas de dirigeants. 8 mars de lutte ». « Pour un mois de mars subversif, anarcoféministe et dissident. Contre toute autorité ». « Nous n’abandonnerons pas les rues A ». « Vive la révolte A ».
Je rencontre un collectif de photographes féministes tandis qu’elles collent une affiche. Elles me confirment que l’anarchie est dans l’air au Chili et y voient bel et bien un phénomène récent. Je rencontre le lendemain, dans la manif, les compagnes de l’Athénée anarchiste de Santiago. Sur les murs de Santiago, un « groupe de propagande La peste noire » a collé une information « Qu’est-ce que l’anarchisme ?». A noter la position antidrogues des anarchistes : « Lucide dans le combat. Lutte sans drogues. A »
La haine de la police
La haine de la police (« Feu à la flicaille ») trouve une première explication très directe, la répression des manifestations et les viols de manifestantes. Depuis le 18 octobre, on dénombre plus de 40 assassinats, l’Institut National des Droits Humains INDH recense 3765 blessés dont 445 lésions oculaires, 271 blessures à la tête en raison de l’usage de bombes lacrymogène et de projectiles anti-émeutes (balles en caoutchouc et caoutchouc et métal, bombes lacrymogènes impactant le corps, mutilation oculaire, chevrotines, matraquage). Les brigades de santé, bénévoles, les médics, deviennent la cible de la répression sélective, gazage et de plus en plus d’agressions directes. Des affiches parlent de 10365 arrestations et exigent la libération des centaines de prisonniers politiques, souvent avec le A cerclé sur le mot Libertad. La violence policière des « pacos » (flics) est la première dénonciation (les carabiniers et flics) : « Pacos assassins ». « Personne ne se suicide dans un commissariat ». « Nous ne sommes pas toutes là, les flics assassinent ».
Lors du 8 et du 9 mars, dans les cortèges, mais aussi sur les murs, on représente des yeux crevés, on dénonce : « Stop aux mutilations ». « 357 yeux et nous pouvons encore voir”. « Elles avaient des yeux de feu » Et on adapte la chanson de Violeta Parra : Gracias a la vida, que me ha dado tanto, me dio dos luceros ... mais des bâtards me les ont arrachés.
Les viols systématiques dans les commissariats, sans parler des multiples humiliations, sont désormais de notoriété publique (femmes même mineures déshabillées, obligées à accomplir des tâches dégradantes, insultées). Les « ACAB, Paco violeur », ne sont donc pas à prendre au sens figuré, ni les « Que muera Piñera y no mi compañera » (Mort à Piñera, pas à ma compagne), et les « Piñera assassin violeur des Droits Humains» à la légère.
Il est vrai qu’à Paris, le 8 mars, la police a été plus violente, à Santiago pas de matraquage visible, juste des gaz lacrymogènes et les canons à eau. Le métro est resté ouvert et les certaines images sont surréalistes en la circonstance : les vendeurs d’eau (pour les yeux) et de boissons fraîches (pour la canicule) circulent parmi les manifestants, des promeneurs traversent l’avenue ou participent aux applaudissements lorsque la police recule. Il me semble que les « pacxs « cherchaient à provoquer puis faciliter la sortie de manif, leur problème étant précisément la résistance quotidienne des manifestant.e.s à la dispersion. Là les choses peuvent se gâter mais tout de suite, la consigne semble être – pour l’instant mais pour combien de temps- de ne pas détériorer l’image du gouvernement dans l’espoir sans doute que le référendum du 26 avril ci marque la fin de la révolte et celui d’obtenir une majorité à la Constituante favorable à « l’ordre » face aux « perturbateurs » selon la logique de la dictature, qui vend l’ordre établi pour de la paix et de de la tranquillité au « citoyen sans histoires. Les sondages 4 mars Pulso Ciudadano de Activa Research, sur la 2 quinzaine de février, recense 81% d’avis défavorables pour le gouvernement et 57% de soutien aux manifestations.
La haine de la police répond également à une conscience militante et de classe très présente : « Flics et militaires mercenaires des riches », « Ta profession c’est de tuer les pauvres gens ». Et les femmes carabiniers attirent encore plus les foudres des manifestantes (« La paca n’est pas une compagne ”).
Là aussi des slogans anarchistes fleurissent tel « Contre l’État policier, ses lois, ses prisons, A. Agitation permanente ».
Le rejet des partis politiques
« EL pueblo unido jamás será vencido» (Le peuple uni ne sera jamais vaincu) est devenu « El pueblo unido funciona sin partidos » (Le peuple uni fonctionne sans les partis). Autres inscriptions murales accompagnées du A cerclé comme « Ni sigles ni partis ». J’analyse ainsi cette volonté des révoltés du 18 octobre : ils se sont sentis trahis par les partis politiques parlementaires. Ceux-ci, de la pinochetiste UDI à la gauche, Frente AMPLIO et PC, ont signé l’ Accord pour la Paix Sociale et la Nouvelle Constitution » proposé par le président Piñera et dont le texte lui-même dit qu’il se veut une « sortie institutionnelle » à la « grave crise politique sociale du pays ». La signature de ce pacte avec Piñera fait suite à la grève générale du 12 novembre, point culminant de la révolte populaire. Le pacte sauve Piñera qui, de surcroît, décide de la solution à apporter à la crise -à savoir un référendum pour un changement de Constitution-, et en établit les règles. Il sauve ainsi les partis parlementaires d’une révolution de rue et leur garantit la rédaction du changement avec les coudées franches pour négocier entre eux et avec le pouvoir dans le dos de leurs électeurs et électrices. Cerise sur le gâteau pour eux tous, organes de pouvoir, le référendum exclut de fait le secteur de la population le plus radicalisé dans ses revendications et moteur de la révolte, la jeunesse, dans toute son importante frange de moins de 18 ans donc sans droit de vote, ainsi que les collectifs féministes, indigènes, syndicalistes puisque l’élection se fera sous la loi électorale actuelle, celle de Pinochet, favorisant les partis traditionnels. Et il s’agit bien, aussi bien pour le gouvernement que pour les partis, unis pour conserver le pouvoir ou pour le briguer, de canaliser la contestation et de mettre fin à la révolte pour en tirer leur propre épingle du jeu.
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La veille de la Journée Internationale des Femmes, toute la ville de Santiago est couverte d’inscriptions, affiches et autocollants. Par exemple des affichettes suscitent la prise de conscience : « T’est-il arrivé » ... d’être suivie, avoir peur dans la rue, d’avoir subi commentaires sur la couleur de leur peau, de devoir dire où tu allais ou dans quelle voiture tu montais pour rentrer chez toi etc. A chaque fois, la réponse sous forme de slogan : « Pour les femmes, couvre-feu permanent » en rappel du couvre-feu décrété par Piñera au lendemain de l’Estallido social.
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