Cinéma > Exhibiting Forgiveness
Cinéma

par Daniel Pinós • le 28 septembre 2025
Exhibiting Forgiveness
Lien permanent : https://monde-libertaire.net/index.php?articlen=8602
Pardonner sans oublier
Tarrell est un peintre qui vit avec sa femme, la chanteuse Aisha, et leur jeune fils, Jermaine. Les œuvres de Tarrell puisent leur beauté́ dans les tourments de sa jeunesse, lui permettant ainsi d’exorciser les blessures du passé. Son chemin vers le succès se voit perturbé par la visite inattendue de son père qui, rongé par la culpabilité, cherche désespérément à se réconcilier avec lui. Tous deux vont apprendre qu’il est parfois plus difficile d’oublier que de pardonner...
Une part belle à la création
On pourrait croire que tout va bien dans la vie de Tarrell, Titus Kaphar l’artiste peintre renommé, suivi par des collectionneurs avides de s’arracher ses œuvres. Tout semble lui sourire, tant dans sa carrière artistique que dans sa vie privée.
Et pourtant, Tarrell – incarné par l’acteur André Holland – est régulièrement en proie à des terreurs nocturnes qui se répètent inlassablement.
Parallèlement, on suit son père, La’Ron, interprété par John Earl Jelks. Divorcé et devenu sans-abri, il erre dans les rues.
Quel est le lien entre ce père et ce fils ? Aucun depuis plus de quinze ans.
Dans cette autofiction, les traumatismes de l’enfance se dessinent progressivement à l’écran. Les grandes toiles de Kaphar prennent forme et couleurs. Le processus de création se dévoile sous nos yeux, ponctué de retours sur un passé violent.
Les peintures de Kaphar sont multicouches, parfois sculpturales, grâce à ses manipulations : les entailles, les effacements et les coups de pinceau visent à refléter la manière dont certaines histoires sont occultées, perdues ou en attente d’être révélées.
On assiste également à la genèse d’une magnifique chanson, jouée et interprétée par l’actrice et chanteuse Andra Day. Elle incarne la compagne de Tarrell dans des instants de grâce et de réconfort au sein d’un récit brûlant.
La chanson-thème, « Bricks », résume l’errance de nos vies, l’amour, la famille, la paternité, le courage, le pardon…
« Ce que nous faisons, c’est ce que nous faisons
Brique par brique, c’est ainsi que nous avançons
Pas de fondations
Construire avec des briques qui ne nous ont jamais été données.»
Un film sous emprise
Les traumatismes générationnels peuvent-ils, à eux seuls, expliquer les comportements violents d’un père envers son fils ?
Comment dissocier l’inné de l’acquis ?
Lorsque l’on comprend les causes de la violence paternelle, cela suffit-il pour parvenir à pardonner ?
Père et fils sont tous deux victimes de traumatismes intergénérationnels, de violence sociale, de racisme, d’oppression, de misère. Le film interroge sans relâche la part traumatique transmise par nos ancêtres, et celle issue de notre propre vécu culturel et social.
Comprendre ce qui nous a façonnés, ce que nous pouvons apprendre ou désapprendre de nos parents pour évoluer en tant qu’individus : voilà un enjeu essentiel. À qui la faute ? Et comment pardonner ?
Ce film fait réfléchir à la possibilité de se libérer de l’emprise : celle de la drogue, de la religion, de la violence, mais aussi – osons le dire – de la création.
Car si l’énergie créatrice de Kaphar est magnifique, elle est aussi douloureuse, désespérée.
L’art peut-il être un chemin vers la résilience ?
Un film bouleversant de réalisme, qui confronte le spectateur à ses propres démons. Il agit comme une plongée dans les profondeurs de la souffrance psychique.
Les différents tableaux creusent, sans donner de réponses claires, la signification des conflits conscients et inconscients. Un film à l’esthétique proche de l’onirisme.
Les couleurs de la psychologie sociale
Le retour du père coïncide avec le déménagement de la mère très pieuse, quittant la maison où tous trois ont vécu.
La’Ron, en quête de rédemption, demande pardon avec insistance. Mais il devra affronter la colère de son fils, marqué à jamais par la violence de son éducation. Les retrouvailles s’annoncent difficiles.
Un film où la psychologie se nourrit du social.
Le film dénonce le racisme et la misère qui marginalisent les citoyens noirs, il le fait avec force, à travers une histoire intime. Un récit où le pardon ne peut advenir qu’en comprenant les déterminismes d’un père plus préoccupé de nourrir sa famille que d’élever un enfant.
Dans cette lutte pour la survie quotidienne, seul le travail, proche de l’esclavage, semble avoir sa place.
Peut-on réussir à pardonner un père violent sans pour autant oublier ?
Mais la violence sociale, elle, ne pardonne pas.
Titus Kaphar, né en 1976 à Kalamazoo, dans le Michigan, est réalisateur, scénariste, artiste et producteur. Il a fondé la société de production cinématographique Revolution Ready. Exhibiting Forgiveness est son premier long métrage en tant que réalisateur. Il a été présenté en avant-première au Festival du film de Sundance 2024.
Certaines œuvres de Kaphar sont conservées au Crystal Bridges Museum of American Art (Bentonville, Arkansas), au Detroit Institute of Arts, au Museum of Modern Art, au Metropolitan Museum of Art et au Whitney Museum of American Art, tous à New York.
Lauréat d’une bourse MacArthur en 2018, Kaphar vit et travaille à New Haven, dans le Connecticut.
Exhibiting Forgiveness
États-Unis – 2024
Couleur – VOSTFR – 117 minutes
Écrit et réalisé par Titus Kaphar
Produit par : Stéphanie Allain, Derek Cianfrance, Jamie Patricof, Sean Cotton, Titus Kaphar
En exclusivité sur la plateforme UniversCiné, dès le 16 octobre 2025
PAR : Daniel Pinós
SES ARTICLES RÉCENTS :
Simón de la montaña
Chroniques rebelles début avril
Les chroniques Noir et Rouge sont de retour
Le droit à la paresse criminalisé à Cuba
Carlos Saura. Un cinéaste intrépide, curieux et mélomane
Espagne : Des militaires fascistes dans les forces armées
11e opus de Rouge et Noir
Samedi 29 sur Radio libertaire
La disparition de l’anarchiste uruguayen Juan Carlos Mechoso
Le gouvernement espagnol vend le territoire sahraoui en échange de gaz et de frontières blindées
Underground et contre-culture en Catalogne dans les années 70
un « cadeau aux patrons »
Grève illimitée des travailleurs de la métallurgie en Andalousie
Tilo Koto
Espagne : Appel à la grève
L’anarchisme et la République en Espagne (Partie 3)
L’anarchisme et la République en Espagne (2e partie)
L’anarchisme et la République en Espagne (1e partie)
Manifestations pour la libération du rappeur Pablo Hasel (Espagne)
Cuba : Manifestation devant le ministère de la culture pour protester contre la répression contre les artistes du mouvement San Isidro
TIEMPO DESPUÉS
Le Chili s’est réveillé
Los silencios. L’écho du conflit colombien
Carmen et Lola : Femmes, gitanes et lesbiennes
Simón de la montaña
Chroniques rebelles début avril
Les chroniques Noir et Rouge sont de retour
Le droit à la paresse criminalisé à Cuba
Carlos Saura. Un cinéaste intrépide, curieux et mélomane
Espagne : Des militaires fascistes dans les forces armées
11e opus de Rouge et Noir
Samedi 29 sur Radio libertaire
La disparition de l’anarchiste uruguayen Juan Carlos Mechoso
Le gouvernement espagnol vend le territoire sahraoui en échange de gaz et de frontières blindées
Underground et contre-culture en Catalogne dans les années 70
un « cadeau aux patrons »
Grève illimitée des travailleurs de la métallurgie en Andalousie
Tilo Koto
Espagne : Appel à la grève
L’anarchisme et la République en Espagne (Partie 3)
L’anarchisme et la République en Espagne (2e partie)
L’anarchisme et la République en Espagne (1e partie)
Manifestations pour la libération du rappeur Pablo Hasel (Espagne)
Cuba : Manifestation devant le ministère de la culture pour protester contre la répression contre les artistes du mouvement San Isidro
TIEMPO DESPUÉS
Le Chili s’est réveillé
Los silencios. L’écho du conflit colombien
Carmen et Lola : Femmes, gitanes et lesbiennes
Réagir à cet article
Écrire un commentaire ...
Poster le commentaire
Annuler