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Religions et autres mythes
par Jaroslav Hašek • le 14 septembre 2022
Encore le chat noir !
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Un texte déjanté de Jaroslav Hašek né à Prague le 30 avril 1883. Hašek est l’auteur d’un roman tout aussi déjanté nous contant ce qu’il advint, de l’engagement d’un marchand de chiens dans l’armée austro-hongroise durant la boucherie de 14-18, Les Aventures du brave soldat Chveik
En ce temps-là se trouvait à Tolède, dans les geôles de la Sainte Inquisition, une certaine señora Inès Ladro qu’on avait accusée d’avoir appris à parler à son chat , lequel, ensuite, ne cessait d’invoquer le nom du Seigneur en vain. Le chat avait bravement résisté au supplice – plutôt cocasse, au demeurant, car, faute d’instruments adaptés, on avait dû se contenter de lui faire couper la queue d’un coup de hache par le bourreau. Le matou n’avait rien avoué et, pour en finir avec cette affaire, leur avait filé sous le nez.
La señora, en revanche, avait confessé sous la torture que le chat n’avait jamais supporté le signe de la sainte Croix, que, de plus, à l’origine, il était jaune et à poil ras, mais qu’un jour, tandis qu’il attrapait des mouches, il avait renversé le bénitier dont le contenu s’était répandu sur son dos ; la bête, alors, avait sauté par la fenêtre en poussant d’horribles sifflements et n’était revenue que le lendemain, à minuit, changée en un gros matou noir à l’épaisse fourrure.
Le feu jaillissait de ses yeux, le soufre de sa bouche et, d’une voix de tonnerre, il s’était écrié en dialecte castillan : « Je te maudis, Jésus ! »
[...] Soumise à un nouveau supplice, Inès Ladro avait complété ses aveux : le chat ne se nourrissait que d’hosties consacrées qu’elle lui procurait en allant quotidiennement prendre la communion dans toutes les églises de Tolède, comme le lui avait ordonné l’animal. Elle reconnaissait en outre avoir, pendant des années, entretenu avec lui des relations coupables chaque Vendredi saint et Samedi de Pâques.
Le matou savait quelques prières latines mais, lorsqu’il les disait, il entrecoupait sa récitation de miaulements impies.
Un jour qu’il se sentait d’humeur causante, il lui avait raconté qu’il descendait de la lignée des démons Uzurias et s’était vanté d’avoir fourré, lors de la fuite de saint Joseph et de la Vierge Marie à Bethléem, quelques graines d’ivraie sous le nez du petit Jésus, si bien que le divin Enfant avait éternué toute la nuit.
PAR : Jaroslav Hašek
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