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Travail social
par Delphine • le 26 avril 2020
EHPAD, COVID et moyens ….
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Témoignage
Nous publions, et publierons, des témoignages de personnes qui travaillent malgré le confinement, le covid-19 et le mal être qui en découle. Ces témoignages ont été recueillis par le groupe Graine d’Anar de Lyon. Merci à lui.
EHPAD, COVID et moyens ….
Je m’appelle Delphine. Je suis aide soignante et militante syndicale dans une EHPAD. Pas un établissement comme ceux que l’on vous montre à la télé, où les résidents et leurs familles ont les moyens et où les moyens sont donc mis en place pour les résidents.Non, je suis salariée dans une EHPAD pour pauvres. Le mot vous choque peut être mais c’est comme ça. Des anciens ouvriers, des anciennes femmes au foyer, etc… Ici, on aide et soigne les gens qui sont en route vers une dépendance plus grande après avoir été toute leur vie au bas de l’échelle.
Avant le coronavirus, on manquait déjà de tout. De personnel déjà. Parce que les bras, c’est important. Moins nous sommes, moins les contacts humains existent. Moi, j’ai 10 à 12 résidents à ma charge. Parfois plus. Oui c’est trop. L’idéal serait que j’en ai 5. Comme dans les EHPAD de luxe. Mais ce n’est pas le cas.
Tout est compté et limité : les couches que l’on utilise, les tabliers pour les toilettes (j’en ai un pour la journée alors qu’il m’en faudrait un par résident), le nombre de douche par semaine limité à une et je ne vous parle même pas du manque de temps, tout simplement, pour avoir un relationnel correct avec les résidents. Alors que la plupart dépendent de nous pour tout, même pour manger. C’est simple, pour moi, c’est de la maltraitance institutionnalisée.
Maintenant que vous savez cela, imaginez quand le virus responsable du COVID19 est arrivé sur mon lieu de travail. Nous manquions déjà de tout, là, on nous demande de « partir au front » comme dirait le Président, mais sans rien, sans armes, sans protections. Nous n’avons aucun masque, nous n’avons aucune réserve de gants, nous n’avons aucune réserve de gel hydroalcoolique.
Pourtant, nous sommes là. Pas toutes (oui, la majorité des soignants sont des soignantes). Certaines sont malades, d’autres ont peur de la maladie. Je n’en veux à personne. Nous avons déjà des collègues atteintes, dont une très gravement (intubation). Mais celles qui restent n’ont vraiment pas les moyens de combattre le virus et d’empêcher sa propagation.
Imaginez que l’on nous explique qu’il suffit de se laver les mains et de respecter les distances barrières et tout ira bien. C’est méconnaître ce qu’est une EHPAD ! D’abord les résidents bougent, et certains passent de chambres en chambres, souvent parce qu’ils sont atteints d’une légère démence. Et nous, nous ne sommes pas assez pour surveiller et empêcher cela ! Alors les distances et les gestes barrières, cela me fait bien rire !
Il nous faut du personnel, des masques, des gants et des sur-blouses ! C’est quand même pas compliqué !
On en est réduite à faire un appel au don, à négocier des masques (nous n’en avons que deux par jour maximum), à chercher des sur-blouses (nous nous les passons entre les deux services de 12H, celui de la journée et de la nuit). Oui c’est cela la réalité : pas de moyens, alors de la démerde ! Tout cela parce que nous sommes gérées non pas des gens issus du milieu médico-social mais d’école de gestion et autre management. Loin de l’humain.
Mais honnêtement, vous trouvez cela normal ? Ben j’espère qu’après tout cela vous serez à nos côtés dans la rue quand nous irons réclamer des moyens ! Au lieu de nous laissez bien seuls comme ces deux dernières années.
Alors merci pour les applaudissements, mais je vous préférerais vraiment dans les luttes !
Delphine
EHPAD, COVID et moyens ….
Je m’appelle Delphine. Je suis aide soignante et militante syndicale dans une EHPAD. Pas un établissement comme ceux que l’on vous montre à la télé, où les résidents et leurs familles ont les moyens et où les moyens sont donc mis en place pour les résidents.Non, je suis salariée dans une EHPAD pour pauvres. Le mot vous choque peut être mais c’est comme ça. Des anciens ouvriers, des anciennes femmes au foyer, etc… Ici, on aide et soigne les gens qui sont en route vers une dépendance plus grande après avoir été toute leur vie au bas de l’échelle.
Avant le coronavirus, on manquait déjà de tout. De personnel déjà. Parce que les bras, c’est important. Moins nous sommes, moins les contacts humains existent. Moi, j’ai 10 à 12 résidents à ma charge. Parfois plus. Oui c’est trop. L’idéal serait que j’en ai 5. Comme dans les EHPAD de luxe. Mais ce n’est pas le cas.
Tout est compté et limité : les couches que l’on utilise, les tabliers pour les toilettes (j’en ai un pour la journée alors qu’il m’en faudrait un par résident), le nombre de douche par semaine limité à une et je ne vous parle même pas du manque de temps, tout simplement, pour avoir un relationnel correct avec les résidents. Alors que la plupart dépendent de nous pour tout, même pour manger. C’est simple, pour moi, c’est de la maltraitance institutionnalisée.
Maintenant que vous savez cela, imaginez quand le virus responsable du COVID19 est arrivé sur mon lieu de travail. Nous manquions déjà de tout, là, on nous demande de « partir au front » comme dirait le Président, mais sans rien, sans armes, sans protections. Nous n’avons aucun masque, nous n’avons aucune réserve de gants, nous n’avons aucune réserve de gel hydroalcoolique.
Pourtant, nous sommes là. Pas toutes (oui, la majorité des soignants sont des soignantes). Certaines sont malades, d’autres ont peur de la maladie. Je n’en veux à personne. Nous avons déjà des collègues atteintes, dont une très gravement (intubation). Mais celles qui restent n’ont vraiment pas les moyens de combattre le virus et d’empêcher sa propagation.
Imaginez que l’on nous explique qu’il suffit de se laver les mains et de respecter les distances barrières et tout ira bien. C’est méconnaître ce qu’est une EHPAD ! D’abord les résidents bougent, et certains passent de chambres en chambres, souvent parce qu’ils sont atteints d’une légère démence. Et nous, nous ne sommes pas assez pour surveiller et empêcher cela ! Alors les distances et les gestes barrières, cela me fait bien rire !
Il nous faut du personnel, des masques, des gants et des sur-blouses ! C’est quand même pas compliqué !
On en est réduite à faire un appel au don, à négocier des masques (nous n’en avons que deux par jour maximum), à chercher des sur-blouses (nous nous les passons entre les deux services de 12H, celui de la journée et de la nuit). Oui c’est cela la réalité : pas de moyens, alors de la démerde ! Tout cela parce que nous sommes gérées non pas des gens issus du milieu médico-social mais d’école de gestion et autre management. Loin de l’humain.
Mais honnêtement, vous trouvez cela normal ? Ben j’espère qu’après tout cela vous serez à nos côtés dans la rue quand nous irons réclamer des moyens ! Au lieu de nous laissez bien seuls comme ces deux dernières années.
Alors merci pour les applaudissements, mais je vous préférerais vraiment dans les luttes !
Delphine
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