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Cinéma
par Mireille Mercier et Daniel Pinós le 16 mai 2023

Cinéma argentin

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El derecho de vivir en libertad




Exode
Lorsque que sa grand-mère tombe gravement malade, Camila, 17 ans, doit déménager dans l’un des quartiers les plus riches de Buenos Aires, avec sa mère et sa petite sœur. Elle quitte alors son lycée public de La Plata pour une institution privée très traditionaliste, où elle est enfermée dans un espace complètement isolé du monde extérieur. Camila devra, dans ce milieu hostile, se faire une place auprès de nouveaux camarades moins émancipés que Camila peut l’être.
Dans son école publique, à La Plata, Camila faisait partie d’un groupe féministe. À son arrivée dans l’institution privée, le principal lui dit avec bonhomie qu’elle ferait mieux d’enlever son foulard vert (la couleur du féminisme en Argentine) à l’intérieur de l’établissement. Des élèves, mal intentionnés écrivent "feminazi" sur son casier.

Résistance
Mais Camila est loin d’être intimidée. Malgré son jeune âge, elle sait très bien ce qu’elle veut, mais surtout ce qu’elle ne veut pas. Et elle fera tout ce qui est en son pouvoir pour y parvenir, même si les brimades et les suspensions se succèdent.

Rencontre
Elle rencontre Clara, une camarade de classe belle et sensuelle, qui cache un secret et pas des moindres. Il faudra attendre la fin du film pour comprendre la nature du secret, qui à lui seul, synthétise les conséquences des non-dits, de l’hypocrisie et du machisme.
« En Argentine, il existe une classe sociale très forte, très consciente des problèmes sociaux et très favorable à l’éducation publique. Une personne qui quitte la capitale, même si elle fait partie de la classe moyenne, subit un changement important. » Inès María Barrionuevo aborde la thématique de la révolte générationnelle, du refus des compromis, du rejet des institutions étouffantes de conservatismes, des découvertes amoureuses conflictuelles, de la recherche du plaisir sexuel sans tabou.

Nul patriarcat pour dicter nos choix
La lutte collective pour l’avortement, contre le harcèlement, contre les pressions paternalistes et celle de l’Église et de la corruption font écho au combat personnel de ces jeunes adolescentes. La réalisatrice prend avec finesse le parti d’une jeunesse qui s’émancipe.
« Cette génération de filles qui a grandi dans une situation différente de la mienne m’a beaucoup inspirée : les voir dans les manifestations, défendre le droit à l’avortement... Nina Dziembrowski (qui interprète Camila) n’avait que 18 ans au moment du tournage : elle terminait elle-même ses études tout comme son personnage. »
En effet, dans ce film à l’intrigue subtilement menée, il est question de la place que l’éducation patriarcale donne aux filles. Inès María Barrionuevo réussit, à travers la présence de trois générations, à nous montrer la lente évolution de l’émancipation des femmes et l’avènement actuel, souhaiterions nous affirmer, du féminisme en action.

La grand-mère, « une vieille fasciste pingre » va mourir. Sa fille, la mère de Camila, a du mal à trouver l’équilibre entre l’envie de protéger sa fille et l’envie de la savoir libre. Les femmes de sa génération ont subi une éducation catholique stricte dont il est difficile de s’extraire. Pour être libre, il faut se battre, et se battre c’est prendre des risques. Ce sera donc à la génération de Camila de s’y coller. Camila devra se débarrasser de ses déterminismes sociaux éducatifs.

Libre jusqu’au bout du corps
Ce qui est beau dans la réalisation de ce film, c’est le fait que Camila mène de front la découverte de la sexualité et son combat pour l’émancipation des femmes. La réalisatrice ne mettra jamais au premier plan un aspect plutôt qu’un autre. Les deux vont de pair. Sexualité et liberté. La jeune Camila est rebelle, sûre d’elle et de ses droits, sensuelle et libre, sans concession. Dans ce parcours intime, dans cette dérive, une dimension politique apparaît avec de plus en plus de force.
L’univers du film de Barrionuevo est celui du passage à l’âge adulte, un récit d’initiation et de découverte teinté d’érotisme et de lyrisme. Dans ces domaines, le film est parfaitement en phase avec cette époque où les jeunes fuient les clichés et les stéréotypes pour une expérience moins dogmatique, plus fluide.

Camila sortira ce soir est assurément un bel exemple de film engagé, sans lourdeurs de propos, où la liberté est incarnée dans la sensualité et dans le désir de liberté.
« Tout est à venir, mais en même temps, ils vivent chaque jour comme si c’était le dernier. Tout est passionné, comme un tourbillon d’émotions. »

Une réalisatrice
Née à Córdoba, en Argentine, Inès María Barrionuevo est une réalisatrice, scénariste et productrice qui a réalisé des courts-métrages, des documentaires et trois longs-métrages. Son premier long-métrage Atlantida a été présenté en avant-première au festival de Berlin 2014 et son second Julia y el zorro a été présenté en avant-première dans la section Nouveaux Réalisateurs de San Sebastián en 2018. Son troisième film, Las motitos, a été présenté en avant-première au Festival de Mar del Plata en 2020. Camila sortira ce soir faisait partie de la sélection officielle de San Sebastián 2021.

Mireille Mercier et Daniel Pinós - Un strapontin pour deux. RL

Camila sortira ce soir. Un film de Inès María Barrionuevo. 103 minutes. Sortie le 7 juin au cinéma
PAR : Mireille Mercier et Daniel Pinós
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