CHATELAIN, GATTI, DEUX PASSIONS ANARCHISTES
Article extrait du Monde libertaire n° 1818 de juin 2020
D’ailleurs, le premier Salon du livre libertaire parisien eut lieu dans ces vastes locaux le week-end du 19 et 20 octobre 2002 ce qui n’était pas arrivé depuis 1968.
C’est à cette occasion que Gatti a proposé, à qui voulait bien l’entendre, de participer à ses « ateliers-écriture ». C’est ainsi que je suis allé un soir à la rencontre de Gatti et des siens, lors des « ateliers-écriture ». Nous étions peu nombreux à y participer et c’est d’ailleurs à cette même période que j’ai croisé Hélène, qui venait parfois observer avec grand intérêt l’évolution de nos réflexions. Je les connaissais alors, seulement de réputation (ils étaient l’un et l’autre très largement connus du milieu anarchiste, pour leurs œuvres respectueusement engagées et militantes). C’était là que je venais me ressourcer et rencontrer d’autres militant.e.s de tout poil.
Le café-librairie Michèle Firk (Centre social autogéré, cantine, etc.) existe toujours, café du nom de cette militante anticolonialiste française, reçue à l’Institut des hautes études cinématographiques (IDHEC) qui se suicidera en 1968. À la Maison de l’arbre (qui s’ouvre en 1998 pour des jeunes et des groupes diversifiés qui se confrontent à l’écriture), je retrouvais Gatti à l’étage dans son antre, entouré de ses livres, de ses objets et de ses œuvres offertes généreusement par les artistes, dont nous discutions à bâtons rompus pendant des heures, de l’anarchie, de la Révolution espagnole et de Durruti.
Hélène passait régulièrement s’asseoir avec nous (en nous offrant chaleureusement du thé et des gâteaux), pour participer à nos dialogues enflammés et passionnés (pas surprenant, entre latins). Hélène était plus posée, plus calme, c’est très certainement son côté slave et russo-ukrainien qui en rejaillissait. Pour cause, elle nous parlait de ce caractère trempé du peuple russe, de Makhno et de la Makhnovtchina, du Goulag. Tout ce travail que l’on voit apparaître dans son œuvre cinématographique, mais aussi ses réalisations sur Gatti autour de l’œuvre théâtrale et poético-dramaturgique libertaire.
Elle m’avait à une de ces occasions remis en mains propres un ouvrage qu’elle venait de traduire de Vassili Golovanov Éloge des voyages insensés (2008), pour lequel elle reçut le prix Russophonie de la traduction en 2009. Lorsque j’ai soumis pendant une de nos « discussions », l’idée de créer une Université populaire (Montr’up), immédiatement Hélène et Armand ont cautionné le projet, en me proposant d’organiser les conférences dans l’espace de la « Parole errante » entre 2006 et 2010. Gatti est devenu le parrain de l’université.
Aujourd’hui, Hélène nous a quittés, trois ans après Gatti (6 avril 2017). Deux « compagnons » s’en vont nous laissant orphelins de leur présence, mais leurs idées et leurs œuvres continueront à voyager de génération en génération. Je reste attaché à cette « tribu », de celle des « Loulous » du « Deuxième voyage en langue Maya avec surréalistes à bord ». Je reprendrai, pour conclure, une phrase du texte de Stéphane Gatti (fils d’Armand Gatti) en hommage à Hélène, tous deux ayant énormément contribué ensemble au travers de réalisations, de films-vidéos, à diffuser et à faire connaître l’œuvre titanesque et colossale de Gatti, un des derniers grands dramaturges anarchistes du XXe - XXIe siècle.
Un jour, Gatti a dit à Stéphane : « Deux êtres qui s’aiment, sont deux êtres qui marchent dans la même direction ». Ils ne cessèrent de marcher ensemble pendant plus de cinquante ans, essayons à notre tour aussi de marcher ensemble sur leurs pas.
Juan Chica Ventura
Groupe anarchiste Salvador-Seguí
1 |
le 19 juillet 2020 08:25:08 par René |
En 1997 j’avais organisé une “Semaine de la révolution russe” sur Radio libertaire lors du 80e anniversaire de cet événement. J’avais interviewé Hélène Chatelain à cette occasion. En effet, elle venait de sortir un documentaire sur Makhno, pour lequel elle s’était passionnée: "Nestor Makhno, un paysan d’Ukraine". Elle nous raconta que lors d’un voyage qu’elle avait fait en Ukraine pour se documenter, elle se trouvait dans un wagon à côté d’un général russe qui lui demanda où elle allait. Lorsqu’elle répondit qu’elle se rendait à Goulaï-Polié, le général répliqua: “Ah, Makhnograd!”
Je pense qu’il n’est pas inutile de rappeler cet aspect du travail d’Hélène, qui a contribué à faire mieux connaître Makhno et surtout à balayer toutes les âneries qu’on raconte sur lui.
La bande de cette émission a malheureusement disparu mais il existe un"Entretien avec Hélène Châtelain" réalisé par Christiane Passevant pour le site Chroniques rebelles. ( [LIEN] )