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par Pierre Sommermeyer le 26 juillet 2021

Fin de la pandémie. Un monde nouveau ?

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Article extrait du Monde libertaire n°1829 de juin 2021
Le lecteur trouvera dans ce numéro un article de J-P Tertrais traitant de la même question. Je vais, quant à moi, tenter une autre façon de voir, complémentaire.

Le virus, hors sa dimension purement médicalo-scientifique, a bien sûr une dimension de révélateur. En termes de psychanalyse institutionnelle, on pourrait dire que c’est un analyseur de notre société. En plus, il est un agent révolutionnaire, en ce sens qu’il oblige tout le monde à modifier points de vue et modes de fonctionnement. Toutes les théories économiques qui tenaient le haut du pavé sont devenues en quelque jours obsolètes. La numérisation du monde qui allait son train-train a connu une accélération incroyable. La start-up nation a laissé la place à une start-up mondiale. En même temps les plus riches sont devenus encore plus riches et apparaissent comme une proie pour les États qui reprennent leur vieille fonction, oubliée, d’États providences.

Le retour du vieil État-providence
Lorsque le 12 mars 2020, Emmanuel Macron lance son fameux Quoi qu’il en coûte ! le monde tant politique qu’économique n’en croit pas ses oreilles. Le président a-t-il compris quelle boîte de Pandore il ouvrait, on peut se le demander ? En 5 mots, il venait de mettre fin à quarante années d’orthodoxie budgétaire. Dans le monde entier des milliers de milliards de dollars, d’euros et d’autres monnaies allaient être dépensés pour tenter de sauver une économie à l’arrêt et de conserver, en état de repartir, une main d’œuvre qui ne l’était pas moins. Plus d’un an après, force est de constater que ces dépenses ont réussi à empêcher la barque de couler. Les tenants d’une économie classique ont ravalé leurs récriminations à la vue des bénéfices colossaux engrangés par un certain nombre de groupes du monde du luxe comme du numérique. La finance internationale n’avait jamais été aussi florissante.



L’arrêt mondial de l’économie, hors celui du luxe, a permis aux groupes industriels classiques de faire une pause sans risque. Il fut possible de pratiquer des espèces de fermetures, de lock-out, sans créer de conflits sociaux. Ainsi, ils ont été à même de pouvoir penser à de nouvelles orientations de la production.
La révolution économique en cours aux USA modifie complètement la donne. Elle ouvre à coups de milliards dispersés dans toutes les couches de la société, des horizons inconnus aux économistes de tout poil. Cet argent « hélicoptère » dont il était bienséant de se moquer est devenu la norme. La question de la dette brandie, pour faire peur, par nombre de spécialistes financiers apparaît insoluble dans une comptabilité classique. Cet argent, dépensé de façon incroyable il y a peu encore, n’a pu être créé que par la grâce de la numérisation fiduciaire.

La révolution numérique
Commencée dans les années 2000 avec la généralisation d’Internet, la numérisation de la société mondiale a subi un coup d’accélérateur dont nous n’avons toujours pas aperçu toutes les conséquences. Il y a le choc social du télétravail. Les confinements successifs dans tous les pays ont démontré qu’une autre façon de travailler était possible. En dispersant les employés, quitte à leur en fournir les moyens, le patronat d’État ou privé réduit les risques de conflit. En organisant la rotation de leur présence dans l’entreprise ou l’administration, les frais d’entretien des bureaux sont reportés sur les employés. A partir de là, en cascade, les conséquences s’empilent. Le coût des cantines comme des indemnités repas s’allège, les frais de ménage se réduisent, autour des lieux de travail, restaurants et autres food truck ferment et ainsi de suite. Tout ce qui pouvait former corps social disparaît.
Il en est exactement de même avec l’enseignement à distance, qu’il soit universitaire ou secondaire. Économie de locaux, dispersion des enseignants comme des étudiants, socialisation des uns et des autres de plus en plus compliquée. Tout cela entraîne tout à la fois l’habitude d’un nouveau type de relation enseignants-élèves comme dans l’autre sens. S’impose ainsi la nécessité de se former à de nouvelles façons d’enseigner (à quand cela dans les écoles de formation des maîtres ?).
L’autre effet de tous ces changements est la transformation des outils personnels informatiques. Ils étaient jusqu’alors des moyens privés de communications personnelles. Ils ont acquis dorénavant une dimension professionnelle à laquelle leurs propriétaires n’étaient pas habitués.
Tout cela apporte des nouveaux éléments dans ce que l’on appelle aujourd’hui, faute d’un autre mot, le Big Data. Au sein de cet ensemble de données qui circulent sans arrêt dans le cloud numérique, des animaux de proies sont apparus de plus en plus gros et de plus en plus efficaces qui ont nom algorithmes. Un article percutant est paru sur le site AOC écrit par quatre personnes concernées directement par cette question. D’emblée, elles avertissent que « le management algorithmique est en train de bouleverser le travail, son organisation et les relations entre employeurs et travailleurs ».
L’algorithme est un ensemble de lignes de code numérique visant à décomposer au plus simple chaque geste social puis à recomposer les éléments nécessaires dans un but déterminé. À terme il permet de dépersonnaliser les relations interpersonnelles et à les objectiver. N’étant par définition, compréhensible, lisible, que par un nombre très réduit de personnes, il échappe à toute réglementation sociale collective. Les auteurs de l’article en viennent à dire que « les algorithmes fonctionnent ainsi comme des instruments de surveillance qui remplacent l’encadrement direct et créent des asymétries de puissance ». Il suffit de remplacer le mot travailleur par celui de citoyen pour comprendre les effets, les conséquences de cette révolution numérique.
À tout cela il convient d’ajouter le ciel. Nouveau Prométhée, Elon Musk nous offre l’espace ! Il est notre nouveau guide, le führer du monde qui vient.

Le climat, les économistes et les services secrets.

« Réduire de moitié les émissions de gaz à effet de serre d’ici à la fin de cette décennie » c’est l’engagement que vient de prendre le nouveau "Greta Thunberg" américain qui siège à la Maison Blanche, âgé de 78 ans. Tous ceux qui glosaient sur la jeune Suédoise se taisent maintenant, ce qui ne veut pas dire qu’ils n’en pensent pas moins mais les temps ont changé.




Ce qui est en cours aux USA, ce "green deal" va avoir des conséquences dans les bouleversements qui vont frapper l’économie européenne et donc française. Déjà l’industrie automobile se projette en 2030, c’est-à-dire demain, pour ne plus fabriquer que des voitures électriques supposées être vertes sans prévoir ouvertement que cela entraînera un grand nombre de licenciements. Le silence de ceux qui disaient « il faut faire ci, il faut faire ça » est assez étonnant. Après la question de la dette qui ne rentre pas dans leur savoir, celle du climat les laisse muets. Un article dans le journal Le Monde donnait les clés pour comprendre ce mutisme. « En septembre 2019, deux éminents professeurs d’économie, faisaient un constat ahurissant : sur les 77 000 articles publiés par les revues académiques les plus réputées en économie, seuls 57 concernaient le thème du changement climatique ». La raison essentielle de cette absence tenait dans le fait que ces spécialistes étaient « obsédés par l’idée de publier et d’être bien référencés ». Ce qui amenait ces deux spécialistes à déclarer que les économistes universitaires « avaient laissé tomber le monde ». Tout cela dit bien que nous, les gens de base, avons du souci à nous faire devant ce qui se prépare. De la même façon que les dirigeants de ce monde sont impuissants et imprévoyants devant le virus, ils semblent être incapables devant le risque climatique. Enfin pas tous. Cela intéresse beaucoup les services secrets britanniques. Ils auraient désormais une mission de plus : aider à lutter contre le changement climatique. C’est même « le principal sujet à l’ordre du jour de la politique étrangère » dit leur nouveau chef. Il faut savoir ce que les autres pays préparent. En Allemagne, la Cour constitutionnelle a estimé que les mesures mises en place par l’exécutif pour lutter contre le changement climatique d’ici 2030 étaient insuffisantes, que c’était donc une atteinte aux droits fondamentaux. Rien que ça ! Dans ce pays les prochaines élections auront lieu fin septembre de cette année, en France ce sera en avril-mai 2021, il est déjà possible de parier sur le fait que le climat sera au centre des débats.

Verts et numériques même combat ?
Les milliards de milliards de données qui transitent à travers ordinateurs, smartphones, et autres installations connectées, ont besoin d’endroits pour se poser, des conservatoires pour ainsi dire. Ces endroits, les data centers, sont de grands producteurs de chauffage et nécessitent donc d’être refroidis en permanence. Le réchauffement de la planète est pour eux comme pour beaucoup d’autres, absolument contre-productif. En attendant un éventuel ralentissement de la hausse des températures ces data centers migrent à la recherche d’endroits plus frais. Ce faisant ils entraînent avec eux nombre d’emplois. Ils préfigurent les grandes migrations climatiques que d’aucuns prophétisent. Leur destination est à hauteur du cercle polaire. Là, l’air est plus frais, le soleil n’est présent que la moitié de l’année et l’eau des fleuves polaires coule en abondance pour alimenter les systèmes de réfrigération et produire de l’électricité. Facebook a donné l’exemple. A partir de 2010, d’énormes installations ont été construites à Luleà (Suède) à 100 km au sud du cercle polaire. Google suivra en Norvège encore plus au nord, après le cercle arctique. Le grand capital a intégré dans son fonctionnement le risque climatique. Voitures électriques, trains à hydrogène, data centers dans le grand Nord, etc. D’autres, pendant ce temps, s’esbaudissent à la hardiesse des propos de Biden ! Mais pas de trace d’une autre façon de faire.

Pierre Sommermeyer. Individuel

PAR : Pierre Sommermeyer
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