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par Pascal Bedos le 17 juin 2019

A propos d’Anarlivres et de bien d’autres choses

Lien permanent : https://monde-libertaire.net/index.php?articlen=4083

Vous trouverez en fin d’article les liens des sites soulignés.

article extrait du Monde libertaire n°1806 de mai 2019



Au cours de l’année 2000, l’essoufflement puis la disparition du groupe Sacco-Vanzetti après une trentaine d’années d’activité militante au sein de la Fédération anarchiste m’a conduit à envisager une aventure individuelle : l’édification d’une bibliographie en ligne des ouvrages en français sur l’anarchisme. A l’époque, rien n’existait de ce genre à part quelques ouvrages comme la Bibliographie de l’anarchie (1897) de Max Nettlau, les études de Hem Day (années 1960), les annexes du Mouvement anarchiste en France (1975) de Jean Maitron, les deux catalogues de l’Institut français d’histoire sociale (1982 et 1993), les bulletins du Centre de documentation anarchiste (FA, 1988-1993)… Il y avait aussi plusieurs sites Internet comme ceux des CIRA de Lausanne et de Marseille, de l’Institut international d’histoire sociale (IIHS) ou celui du Catalogue collectif de France (CCFR), qui décrivaient les ouvrages conservés. Ce furent de précieuses sources de documentation, mais aucun ne se donnait comme axes la spécificité du thème et l’exhaustivité. Je me suis vite rendu compte que ce serait une tâche sans fin – fort heureusement – et que seul l’informatique me permettrait une rapidité de mise à jour.

Un outil au service de tous

C’était un pari un peu fou : songez que Proudhon – l’un des pères ou grands-pères de l’anarchisme ! – fait paraître Qu’est-ce que la propriété ? en 1840 ! Combien d’ouvrages ont été édités depuis, et les rééditions complètes ou partielles, sous forme de brochure… ? Je me suis mis à la tâche, profitant d’une période de chômage et après une formation Web, compilant tous ces inventaires, comparant et vérifiant les infos, pour présenter une première mouture bien imparfaite d’Anarlivres (www.anarlivres.org) en février 2001. Au même moment naissait le site Catalogue général des éditions et collections anarchistes francophones (Cgécaf) qui avait le même but avec des moyens et des conceptions différentes.
Je souhaitais fournir un moyen de vérification et de recherche aux militants, universitaires ou simples curieux, en leur indiquant également où ils pouvaient trouver ces ouvrages. Avec le développement des outils numériques, il est devenu possible et intéressant de pouvoir visionner (sur Calaméo, entre autres) ou de télécharger ces documents (directement ou grâce à des liens extérieurs). Aujourd’hui, Anarlivres recense près de 10 000 références et permet le visionnage ou le libre téléchargement de quelques 900 titres. Mais nous reviendrons plus tard sur ce qui concerne la mémoire du mouvement. Ce qui m’intéressait aussi, c’était d’informer sur les rencontres, réunions-débats, colloques, expositions faisant vivre la « culture libertaire », sans exclure aucune organisation ou groupe, pour présenter ainsi l’extraordinaire variété de notre mouvement. Actuellement, j’essaye aussi d’effectuer, tant bien que mal, une revue des revues, qui reste bien trop incomplète à mon goût.

Et pourquoi comme ça ?

On ne travaille jamais vraiment seul, on profite toujours de l’apport des autres (informations, conseils, rectifications… et même engueulades !). Sur le site, je rends hommage à quelques-uns d’entre eux, dont certains nous ont quittés. Il faut garder en mémoire la phrase de Goethe : « Au fond, nous sommes tous des êtres collectifs. Tous nous devons recevoir et apprendre autant de ceux qui étaient avant nous que de nos contemporains. »
On m’interroge parfois sur la dominante bleue du site : pourquoi cette couleur ? Parce que, dans les années 2000, la plupart des sites libertaires étaient en noir et rouge, ou en noir. Marre de la « conformité », et le bleu c’est calme, reposant… Heureusement, depuis, les choses ont bien changé. Pourquoi des biographies si courtes ? Pour présenter succinctement les auteur·e·s car ce n’est pas, pour moi, le principal et il existe actuellement bien d’autres sites pour se documenter (L’Ephéméride anarchiste – l’« ancêtre » –, Le Maitron des anarchistes, Wikipédia, le Dictionnaire des militants anarchistes…). Pourquoi ne pas s’occuper de la presse anarchiste ? Parce qu’il existait un ouvrage de référence, la thèse de René Bianco Un siècle de presse anarchiste d’expression française (1880-1983) soutenue en 1987 et maintenant en ligne (Bianco : cent ans de presse anarchiste). Et d’autres le font très bien, comme La Presse anarchiste ou Fragments d’histoire de la gauche radicale. J’ai juste accueilli, suite à une demande, le catalogue des périodiques anarchistes de l’Institut français d’histoire sociale.

Scan or not scan ?

Pour revenir à la mémoire du mouvement, il est essentiel pour moi de conserver trace des écrits de nos prédécesseurs et, plus particulièrement, des brochures qui sont rarement déposées au dépôt légal et donc, pour la période de 1945 à nos jours, peu conservées par la Bibliothèque Nationale de France (BNF). J’assume pleinement la contradiction, pour un anarchiste, de regretter ce fait ! Songez que des brochures éditées dans les années 1980-1990 sont déjà introuvables. Les numériser et les mettre en ligne permet aussi de lutter contre la frénésie mercantile de certains libraires. Des spécialistes, regroupés au sein du Collectif des centres de documentation en histoire ouvrière et sociale (Codhos), se sont donnés pour but de répertorier les brochures anarchistes parues de 1840 à 1914, en vue de les numériser. Tant mieux ! Mais pourquoi attendre que d’autres le fassent pour nous, même s’ils ont plus de moyens ? Pour paraphraser une citation célèbre, disons qu’un groupe humain qui oublie son passé n’a guère d’avenir et il est condamné à refaire les mêmes erreurs… Heureusement, plusieurs sites se sont également attelés à la tâche : Cartoliste (pour les cartes postales), Placard (pour les affiches), Archives anarchistes (pour les documents), etc.
Certes la numérisation pose, pour les centres d’archives, de nombreux problèmes qui sont bien analysés dans un article du Bulletin CIRA n° 72 (« Bonnes pratiques de numérisation ») : « Le risque est grand de dépenser beaucoup d’énergie pour un résultat pas toujours satisfaisant, de rescanner des collections déjà numérisées par d’autres, de ne pas être capables de rendre accessibles ou de pérenniser les fichiers, etc. » Les difficultés techniques sont en effet importantes : que numériser (nécessité d’un inventaire détaillé), comment trouver une information lorsque la numérisation est effectuée et de quelle façon l’effectuer (quelle[s] technique[s] faut-il adopter, quelle sauvegarde, comment les fichiers vont-ils vieillir, les techniques employées ne seront-elles pas obsolètes à l’avenir, faut-il compresser ou non, quelles sont les pertes d’information par rapport à l’original…) ? Et encore : quelles sont les priorités, faut-il numériser des lots entiers, doit-on recourir à des prestataires extérieurs (élaboration d’un cahier des charges), pour éviter les efforts inutiles n’est-il pas nécessaire de travailler en réseau et d’annoncer ses projets, quelle mise à disposition (en ligne et sur place), quels sont les droits juridiques à connaître ?… Vaste sujet !
Le numérique n’est cependant pas le Graal, passe encore pour lire un court écrit ou une brochure, mais cela devient vite fatigant et il est difficile d’étudier un long texte qui demande un peu de concentration, de pouvoir revenir à des pages lues antérieurement… le papier conserve encore de nombreux atouts et on peut constater avec satisfaction la multiplication depuis deux décennies des librairies, des bibliothèques, des maisons d’éditions libertaires et des publications. Pour finir, j’encouragerai les lecteurs à me faire parvenir infos et corrections pour alimenter Anarlivres (contact@anarlivres.org).

Pascal Bedos (Anarlivres)

Sites et liens :
CIRA de Marseille [https://www.cira-marseille.info/]
CIRA de Lausanne [http://www.cira.ch/]
IIHS d’Amsterdam [http://www.iisg.nl/]
CCFR [http://www.ccfr.bnf.fr/]
Cgécaf [http://cgecaf.com/]
Anarlivres sur Calaméo [https://fr.calameo.com/accounts/1407630]
L’Ephéméride anarchiste [http://www.ephemanar.net/]
Le Maitron des anarchistes [http://maitron-en-ligne.univ-paris1.fr/spip.php?mot28]
Portail de l’anarchisme (Wikipédia) [https://fr.wikipedia.org/wiki/Portail:Anarchisme]
Dictionnaire des militants anarchistes [http://militants-anarchistes.info/]
Bianco : cent ans de presse anarchiste [http://bianco.ficedl.info/]
La Presse anarchiste [http://www.la-presse-anarchiste.net/]
Fragments d’histoire de la gauche radicale [http://archivesautonomies.org/]
Catalogue des périodiques anarchistes de l’Institut français d’histoire sociale [http://anarlivres.free.fr/periodiques/index.html]
Codhos [http://www.codhos.org/]
Cartoliste [http://cartoliste.ficedl.info/]
Placard [http://placard.ficedl.info/spip.php?rubrique1]
Archives anarchistes [https://anarchiv.wordpress.com/]
Bulletin CIRA n° 72 [http://www.cira.ch/bulletins/cira-bull-072.pdf]
PAR : Pascal Bedos
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