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Dans un sale État
par Bérangère Rozez le 31 mai 2020

« Désinfox » ou le contrôle de l’information

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Moins d’une semaine après son lancement fin avril, le gouvernement décidait de retirer de son site internet le service «Désinfox coronavirus », destiné à lutter contre la prolifération des « fake news » relatives au Covid-19 en s’appuyant sur « des sources d’informations sûres et vérifiées ».

Retour sur une controverse.




Quid de l’information ?
Pour définir un mot, il est essentiel de signifier ce qu’il n’est pas. Dire d’une information qu’elle est erronée ou qu’elle pourrait l’être, s’avère être fallacieux. De même qu’il n’existe pas de fausse vérité, il n’existe pas non plus de fausse information : soit un propos informe, soit il n’informe pas. Quand il n’informe pas, ce propos déforme ou il ne dit rien, on parle alors de tautologie. A contrario, tout propos informatif, doit être vérifié pour être considéré comme tel. Dans ce cas seulement, il est possible de parler d’information. Pour autant que les informations de « Désinfox coronavirus » aient été pertinentes, cautionner un tel dispositif étatique était-il sensé et légitime ? La question ne serait donc pas de savoir si le dispositif « Désinfox » aurait été utile pour limiter la propagation du virus, mais de savoir si l’Etat était en droit de jouer l’arbitre dans les jeux médiatiques, devenant l’instance de validation des médias et l’organe certificateur de l’information, sous prétexte de garantir la santé publique.

Quid de la diffusion de l’information ?

La liberté de la presse est considérée par la Cour européenne des droits de l’homme comme une composante de la liberté d’expression. Indépendante du pouvoir politique, la presse a la prérogative d’exercer dans sa pluralité et sous l’œil critique de ses lecteurs, auditeurs et téléspectateurs, son rôle de contre-pouvoir.
La plateforme « Désinfox » ne proposait qu’une sélection d’articles de certains médias détenant un service dédié de « fact-checking », ayant pour effet d’en éliminer d’autres selon une distinction difficilement repérable et justifiable : des informations présentées sans aucune explication, laissant possible une instrumentalisation des données par l’exécutif lui-même. En promouvant tel ou tel article, le gouvernement rendait donc possible la labellisation de certains médias au détriment d’autres, selon des critères non identifiés et ce, sans aucune légitimité, pouvant laisser croire au public qu’il s’instituait en juge suprême de la qualité de l’information.
Le Syndicat National des Journalistes a saisi le Conseil d’État pour « atteinte à la liberté de la presse », demandant au juge d’enjoindre le Premier ministre à supprimer ce dispositif, et à « faire cesser immédiatement l’atteinte grave et manifestement illégale portée aux principes de pluralisme dans l’expression des opinions et de neutralité des autorités publiques ». Après de nombreuses polémiques et face aux pressions, le gouvernement a finalement décidé de supprimer la plateforme « Désinfox coronavirus » le 5 mai dernier.

La communication gouvernementale est une chose, le travail des comités des rédactions en est une autre. Confronter et relayer les informations ne sont pas les prérogatives de L’État, mais celles des médias. Aucun gouvernement ne saurait être légitime pour statuer sur la fiabilité des informations qui circulent dans la presse. Il s’agirait là d’une dérive dangereusement totalitaire puisqu’elle mènerait de facto à un contrôle de l’information par le pouvoir exécutif…
« Désinfox », intox ?

Garder son esprit critique reste la meilleure arme pour analyser l’information et se forger une opinion sous réserve d’un vrai débat d’idées…

« La liberté d’opinion est une farce si l’information sur les faits n’est pas garantie et si ce ne sont pas les faits eux-mêmes qui font l’objet du débat. »
La Crise de la culture (1968) de Hannah Arendt

Bérangère ROZEZ

PAR : Bérangère Rozez
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