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par Pierre Sommermeyer le 4 octobre 2018

Israël, la victoire de Jabotinsky ?

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article extrait du Monde libertaire n°1798 de septembre 2018




Le 4 août 2018 des milliers de Druzes manifestent à Tel-Aviv. Samedi 11 août 2018 des milliers d’Arabes israéliens manifestent dans la même ville. Selon le Monde du même jour Des juifs israéliens se sont joints aux manifestants qui ont crié en hébreu et en arabe « égalité, égalité », « on ne se taira pas, l’Apartheid ne passera pas », tout en traitant le premier ministre Benjamin Netanyahou de « fasciste ».
Que s’est-il passé ? Le 19 juillet précédent le parlement israélien confère aux juifs le droit « unique » à l’autodétermination en Israël. Ce qui exclut automatiquement 20% de la population, qui est non-juive, de la fabrication de la loi. C’est la confirmation juridique de ce que certains affirmaient déjà exister, c’est à dire l’apartheid.
Cela pose de fait au moins deux problèmes à tous ceux qui se battent contre l’antisémitisme. Le premier est de l’ordre du vocabulaire. Quand l’extrême droite française semble s’approcher du pouvoir, légalement s’entend, un front commun antifasciste voit le jour. Le candidat qui s’oppose à celui ou celle d’extrême droite, qu’il soit conservateur ou libéral extrême, bénéficie des voix portées par ce front. Quand dans un pays proche, une coalition politique amène au pouvoir un parti d’extrême droite, un boycott de fait se met en place avec des sanctions européennes. C’est ce qui s’est passé en 2000 avec Jörg Haider chef du FPÖ. La fin de l’année 2017 et le début de 2018 voient la même chose se reproduire en Autriche et en Italie. Plus personne ne parle de sanction. La peur des djihadismes et l’arrivée des migrants sont passé par là. Si les démocraties européennes ne parlent plus de fascisme dans ces cas-là, pas de raison de le faire pour Israël.

« Le 19 juillet précédent le parlement israélien confère aux juifs le droit « unique » à l’autodétermination en Israël. Ce qui exclut automatiquement 20% de la population, qui est non-juive, de la fabrication de la loi. »

Le Mur de fer


En 1932, la question palestinienne est abordée lors d’un banquet organisé par la revue anarchiste Plus loin. Celui qui a la parole s’appelle Bernard Lecache. Il est le fondateur de la Société contre l’antisémitisme (aujourd’hui la LICRA). Il déclare deux choses : « Je suis anti-sioniste parce que le sionisme réduit le droit des Juifs à n’être libres que sur un point limité du globe, sans d’ailleurs y parvenir, et qu’il ne saurait résoudre la question de l’antisémitisme ». L’autre point est la qualification radicale des partisans de Jabotinsky (1880-1940) qui font beaucoup parler d’eux à cette époque. Pour Lecache il s’agit de fascistes : « La thèse des fascistes juifs ou sionistes d’extrême-droite est que, puisque nos ancêtres ont été les maîtres du pays, nous avons un droit supérieur sur ce pays ».

Dans un texte programmatique intitulé le mur de fer , publié en 1923 Jabotinsky avance qu’« il n’y a pas le plus mince espoir d’avoir l’accord les Arabes de la terre d’Israël pour que la "Palestine" devienne un pays avec une majorité juive ». Plus loin dans cette déclaration il réitère son affirmation et entrevoit la situation actuelle « Cette colonisation ne peut, par conséquent, continuer et se développer que sous la protection d’une force indépendante de la population locale, un mur de fer infranchissable par la population indigène. Voici, in toto, notre politique pour les Arabes. La formuler autrement ne serait que de l’hypocrisie ».

Deux ans plus tard, à la même occasion la revue Plus loin débat sur le même sujet. L’un des participants après s’est félicité de l’existence « de véritables communautés, qui appliquent les principes du communisme. » rappelle que les juifs, « voient dans le sionisme le moyen de se libérer, d’avoir une patrie, de prendre conscience d’eux-mêmes et de leur propre dignité. Nous voulons ainsi échapper au mépris que tous les nationalistes font peser sur nous. Mais un mouvement nationaliste cherche à en profiter, un mouvement nationaliste et religieux allant jusqu’au pro-fascisme. Le résultat le plus clair du formalisme religieux est d’empoisonner tout le monde. Le sabbat en Palestine est plus rigoureux que le dimanche anglais, il y a 50 ans! ».

Aujourd’hui la honte !

C’est ce que proclame l’éditorial en ligne du 2 août 2018 de l’antenne française de l’association israélienne La paix maintenant. Tout en étant vent debout contre cette loi, l’auteur de cet article ne va pas jusqu’à parler de fascisme. Il faut dire qu’entre les prises de position de Plus loin et aujourd’hui la Shoah est passée par là. Pourtant cela n’empêche pas certains militaires d’y faire référence. Le vice-chef d’État-major Yair Golan, dans un discours lors des cérémonies du souvenir de la Shoah, déclare reconnaître en Israël les mêmes prémisses de ce qui allait se passer en Allemagne dans les années 30. « Il n’y a rien de plus facile que de haïr l’étranger […] Il n’y a rien de plus facile que de se comporter comme un animal. […] En ce jour du souvenir, nous devons discuter notre capacité à extraire les graines d’intolérance, de violence, d’auto destruction et de détérioration morale ». Peu de temps auparavant, le ministre de la défense, démissionnaire, déclarait que des « éléments extrémistes et dangereux étaient à la tête du pays ». Tout ça est bien beau ! Cela n’empêchera pas la gauche française et sa gauche à elle de ne pas qualifier le pouvoir israélien de proto-fasciste et d’appeler à soutenir les petits groupes minoritaires qui se battent contre leur gouvernement et en subissent les conséquences. Où est dans les rangs de la gauche extrême ou pas l’appel à la solidarité avec les objecteurs de conscience israéliens ? Cela urge, car derrière le mur ça bouge aussi. Un militant palestinien, Fadi Quran, porte-parole de l’association Al-Shabaka, dont la mission est éducative et vise à favoriser le débat public sur les droits de l’homme palestinien, vient de publier un article important sur le site web de l’agence de presse palestinienne Ma’an News Agency. Il déclare que « Au lieu de mettre fin à l’occupation, les dirigeants palestiniens actuels et leurs institutions sont devenus un élément clé de l’occupation. Pourtant, une nouvelle génération de leaders émerge lentement avec pour but de construire un nouveau cadre à la lutte palestinienne, d’éviter les erreurs du passé et d’assurer la liberté appelée à se réaliser du vivant de cette génération. […] La direction palestinienne calcifiée a réussi à s’accrocher au pouvoir pendant plus de deux décennies [….]. L’AP est devenue une zone tampon entre les Palestiniens et l’occupation israélienne, une zone qui favorise largement l’occupation. Pendant ce temps, elle a transformé le paysage socio-économique en augmentant les inégalités, en élargissant les divisions politiques et en essayant même de modifier le paysage médiatique et éducatif afin d’affaiblir toute forme de lutte efficace contre l’occupation ».
Cette analyse rejoint celle d’une autre tendance palestinienne qui prône l’abandon de tout combat nationaliste, donc la fin de l’Autorité palestinienne, afin qu’Israël assume son occupation et ouvrir la voie ainsi à une lutte de classe, ouvriers palestiniens et juifs ensembles contre le capitalisme.
PAR : Pierre Sommermeyer
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