Qu’est-ce que la gestion directe ?

mis en ligne le 9 avril 2015

1771AutogestionEn 1981, la « gauche » porteuse d'espoir d'amélioration des conditions d'existence s'emparait des commandes de l'État. Cette expérience a fait la preuve de l'efficacité du clan des politiciens à laisser le chômage et les inégalités se développer. Belles promesses et projets généreux ont été rangés aux oubliettes du « réalisme » socialiste.
Face à la déception et à la grogne, tous les gouvernements tentent de nous faire croire que notre avenir de travailleurs est lié au sauvetage de l'économie des profiteurs. Mais qui peut avaler cela ?
Les dirigeants syndicaux peut-être, qui bradent leur indépendance, trompent leurs mandataires, dévoient leurs syndicats au nom de la « solidarité nationale » entre exploiteurs et exploités, et tous ceux qui prêchent encore les bienfaits de l'austérité aux travailleurs désabusés.
Le revirement brutal de ceux qui, hier encore, mangeaient à la gamelle gouvernementale n'y changera rien. Le monde politique traditionnel est à bout de souffle.

Attention
Plus vite que nous le pensons, nous aurons à choisir. Dans la plupart des pays occidentaux, nous assistons au même phénomène. Au gré des élections, gauche et droite se succèdent sans que de véritables solutions soient apportées. Partout, le patronat durcit ses positions, les travailleurs paient la « crise » de leurs maîtres. Combien de temps encore ce jeu d'alternance durera-t-il avant qu'une droite totalitaire ou une gauche « musclée » balaie les derniers semblants de démocratie ?
Oublier l'histoire, c'est se condamner à la revivre. Devrons-nous attendre, en moutons résignés, l'avènement d'une dictature souhaitée par certains aujourd'hui, ou choisirons-nous la voie de la responsabilité et de l'égalité ?

La lutte pour la gestion directe
Que personne ne décide à notre place ! Organisons la solidarité et l'entraide entre les travailleurs contre les patrons et bureaucrates.
Préparons-nous à remplacer l'État, institution parasite et étouffante, par une organisation fédéraliste des différents secteurs de la société.
Demain, gérons nous-mêmes, directement, notre travail et nos cités. Supprimons les inégalités économiques et sociales.
Après l'échec à l'Ouest et à l'Est de toutes les doctrines autoritaires (démocratiques ou dictatoriales), luttons pour une société libertaire ; débarrassons-nous des patrons et des politiciens.

Les principes
Les principes de l'économie libertaire tels que les anarchistes les conçoivent sont clairs. Ils supposent : le fédéralisme, agent de coordination en remplacement de l'État, agent de coercition du système capitaliste ; l'abolition d'un système économique basé sur le profit, la plus-value et l'accumulation du capital ; la collectivisation des moyens de production et d'échanges ; l'égalité économique et sociale.
La limitation de l'autorité aux accords librement passés entre les participants à l'élaboration d'une économie directement gérée par les travailleurs.
Nous nous démarquons de cette autogestion mise à la mode par les chrétiens progressistes et les marxistes modernistes dont les thèses débouchent toujours sur des projets clairement cogestionnaires.
L'utilisation du terme gestion directe, pour définir notre proposition, semble plus appropriée.

La gestion directe, pour quoi faire ?
La participation à la gestion d'une entreprise n'a d'intérêt, pour un travailleur, que si elle transforme ses conditions d'existence. Gérer une entreprise en commun, alors que cette entreprise conserve ses structures de classes, consisterait, pour les travailleurs, à gérer leur propre misère, leur propre exploitation. Ce qui confère à l'entreprise ses structures de classes, ce sont : la propriété privée de l'entreprise ; l'appropriation par le capital d'une plus-value que le travail de tous a créée ; les différences de rémunérations ; le maintien d'une autorité qui excède le cadre de la tâche à accomplir ; les privilèges de l'encadrement.
Demain, si dans l'entreprise autogérée, il reste des différences économiques, il se reconstituera une nouvelle classe dirigeante qui défendra, par tous les moyens, ses privilèges.
Les anarchistes pensent contrairement aux marxistes avec leur période intermédiaire, qu'il faut supprimer immédiatement tous les privilèges de classe sans exception.
Les travailleurs se demandent ce qu'ils peuvent gagner à la gestion de l'outil de production. Ils pèsent les avantages et les inconvénients qui en résulteront pour eux, et dont le principal est la responsabilité : c'est celui qui le fait le plus réfléchir, car celle qu'ils assureront sur le lieu de travail engagera celle de leur condition économique.
Nous touchons ici au problème humain, celui de l'homme devant la responsabilité, celui de la quiétude qui résulte d'une certaine servilité, surtout lorsqu'elle s'assortit de conditions d'existence économiques et morales acceptables. Mais une autre série de questions se pose au monde du travail. Elles ont trait à la maîtrise des moyens technologiques et des modalités de gestion. Quelles seront les conditions de production et de distribution ? Il est possible d'avancer deux raisons solides qui peuvent nous convaincre que les salariés auraient avantage à gérer la production. La première, c'est qu'ils répartiraient mieux le fruit de leur travail, ce qui est une raison purement économique, matérielle. La deuxième raison est que cette prise en main concourt à l'épanouissement individuel. Mais pour que la gestion directe se traduise en actes, il faut que l'homme se débarrasse des coutumes consacrées par les siècles, il faut qu'il s'émancipe des préjugés.
La production devra être conditionnée par les besoins et non par le profit. La gestion directe implique, de fait, l'abolition du salariat et reste sous-tendue par une gestion globale et rigoureuse du système productif.
Il est important de souligner que si l'égalité économique est une condition nécessaire à la suppression des classes, elle n'est pas suffisante ; la suppression de l'État doit l'accompagner sous peine de voir se recréer une classe dominante.
Cette société sans classe et sans État que nous proposons justifie la prise en main, par les travailleurs, des moyens de production et d'échange, par la population entière la prise en main de la distribution des affaires communales, régionales nationales et internationales par une organisation fédérale adaptée à toutes les situations. Bien évidemment, la gestion directe dépasse ici le cadre strict de l'économie et se généralise à tous les domaines de la vie (cadre et conditions de vie, culture, etc.). Le but du fédéralisme libertaire est de coordonner, d'organiser la vie en société en supprimant tout pouvoir. C'est pour cela que les théoriciens anarchistes, et, à leur suite ceux qui se réclament de l'anarchisme, ont toujours justifié la nécessité de l'organisation.

La coordination sans État
C'est souvent le manque d'organisation structurée qui permet au premier quidam venu d'imposer son autorité et d'être proclamé, suivant les époques : roi, ayatollah ou président. Le fédéralisme libertaire reconnaît, dans toute société, une multitude d'individus et collectivités ayant chacun des aspirations particulières et un rôle propre. C'est pourquoi, l'autonomie la plus large doit être reconnue à chacun, ainsi que la possibilité de s'organiser, de se gérer et de s'administrer comme bon lui semble sans qu'un organe supérieur lui dicte ce qui est bon ou juste. L'autonomie a, bien sûr, ses limites, qui sont le respect de la cohésion de l'ensemble de la société et le non-exercice du pouvoir d'un groupe sur un autre.
Nous voyons donc que contrairement à l'organisation étatique, l'autonomie ou la liberté d'autrui n'est nullement une borne. Mais cette autonomie n'est pas suffisante ; l'entraide est nécessaire. Elle exige de chacun que le contrat librement consenti d'égal à égal remplace la loi édictée et imposée par un seul. Elle exige également que chacun (collectivité et individualité) participe aux décisions communes. Ces différents facteurs combinés transformeraient notre vie de façon radicale en remplaçant le pouvoir de quelques-unes sur tous par une organisation qui, seule, est à même de composer la société sans la paralyser.

La grève expropriatrice gestionnaire
C'est pendant la période où l'État, les directions syndicales et politiques, sont désemparés par un mouvement social de grande ampleur, que l'action décisive est possible. C'est l'instant où, d'une grève revendicatrice, de refus, la grève doit devenir expropriatrice et gestionnaire. Expropriatrice, en refusant de céder les profits aux patrons. Gestionnaire : une fois le patron mis à la porte, il faut continuer la production, trouver les débouchés, repenser une économie dont le moteur n'est plus le profit, mais la satisfaction des besoins.
C'est l'instant de la chance révolutionnaire ; ce qui est rejeté et le but à atteindre doivent être clairement définis. Entre ces deux pôles de la réflexion, quelques idées-forces qui s'inspirent de la conjoncture, et qui varieront avec elle, détermineront les choix. Parce que nous sommes pour la maîtrise totale de l'économie par les travailleurs, nous refusons les systèmes capitalistes, libéral et étatique. Nous voulons établir l'égalité économique et bâtir une organisation de la société débarrassée de l'État.
La grève gestionnaire nous semble, dans l'état de complexité de l'économie moderne, un des moyens les plus efficaces pour arracher aux classes dirigeantes et à l'État les instruments de production et d'échange. C'est donc, à partir des réalités de notre temps que nous poursuivrons notre œuvre de libération sociale, ce qui confère à l'anarchisme son originalité, car, contraire à tous les dogmes, il est une adaptation constante de la proposition théorique aux conditions sociales d'aujourd'hui.




COMMENTAIRES ARCHIVÉS


douille

le 27 avril 2015
Cet article aurait été pertinent au xixeme siècle au temps de l'ère industrielle. Maintenant les choses ont changé... Vouloir coordonner 65 millions d'individus sans Etat qui se limiterait seulement aux fonctions régaliennes comme le décrivait Proudhon est une lubie complète.
Au lieu d'imposer un modèle, mieux vaut laisser à l'individu la liberté de savoir comment il peut s'organiser pour organiser son entreprise au sens large du terme.
On voit trop souvent dans Le Monde libertaire des articles relatifs au communisme libertaire irréaliste car inateignable au détriment d'articles anarchistes individualistes plutôt adeptes au "ici et maintenant". C'est dommage.