Des flics homophobes se lâchent après une manif à Nantes

mis en ligne le 1 avril 2015
1770HomophobiaLe Monde libertaire : Peux-tu te présenter ?
Thomas : Thomas, 25 ans, militant et membre fondateur des Queerfarnaüm. Je suis éducateur auprès de toxicomanes. Je suis queer radical.

ML : Tu nous présentes ton collectif ?
T. : Queerfarnaüm, c’est un collectif trans-PD- gouine-bi-féministe mixte. Nous luttons pour l’égalité des droits, l’accès à la PMA pour les gouines, les droits des trans, les sans-papiers, les luttes féministes et contre les violences policières…

ML : Que s’est-il d’abord passé le 21 février ?
T. : On était ensemble pour aller à la manif, on avait des pancartes, motivés, du genre : « Les pédales contre le capital », « Quand les goudous se braquent, range ta matraque », « Les féministes détestent la milice », « Les enculés détestent la police ».

ML : Vous avez été contrôlés plusieurs fois ?
T. : Oui, deux fois à cinq minutes d’intervalle, avant d’intégrer la manif. Avec une fouille au corps, il me touche les parties génitales. La BAC avait un discours provocateur : « Alors, on va à la manif avec les gauchistes ! » Ils cherchaient des objets dangereux, ils ont d’ailleurs volé un bel Opinel à une militante. Elle ne le reverra jamais ! Les gardes mobiles étaient encore plus cons : « Vous allez pas tout casser ! » Un copain a été embarqué parce qu’il a une tête d’Arabe et n’avait pas ses papiers ! Six heures de garde à vue pour un contrôle d’identité !

ML : La manif s’est bien passée ?
T. : C’était sympa, avec des beaux slogans et des rires, vraiment une bonne ambiance, une belle manif. Nous n’avons pas été choqués par quoi que ce soit, les gens autour de nous ne disent plus de conneries genre « PD », « enculé », etc.

ML : Et après la manif ?
T. : Je quitte seul la manif pour faire cinq minutes de marche pour aller chez mon mec. Pas de problème, c’était la fin. Et là je tombe sur une quinzaine de tortues ninjas, équipées, casquées. C’est la CDI, compagnie départementale d’intervention, donc de Loire-Atlantique, une sorte de renfort. Ils me demandent de m’arrêter et direct contrôle d’identité. Je pose ma pancarte et mon sac à dos pour prendre mes papiers. Ils m’encerclent. Ils étaient pleins de peinture rose (rires !) et l'un me dit : « C’est toi qui as balancé la peinture ? » Je réponds que non ! Ils me mettent à genoux et un autre dit que si je balance pas, je sors pas ; une demande de délation. Il m’arrache mon sac à dos de mes mains et renverse toutes les affaires par terre. Et ils commencent leur petit marché : mégaphone confisqué, lunettes de protection confisquées, médicaments confisqués et ils continuent la fouille. Ils trouvent une brochure sur le consentement chez les homos, ils se la montrent, c’est drôle. « Un peu osé comme littérature », dit l’un. Ils me demandent où je vais et je réponds : « Chez mon copain. » Et là ils se lâchent : « Enfin un PD, un vrai ! » ; « Vous allez vous reproduire ! » ; « Gros dégueulasse ! » ; etc. Puis, ils me laissent partir.

ML : Quelles sont les conséquences pour toi ?
T. : Un stress post-traumatique. J’ai fait une crise de panique à la vue de flics aux urgences, l’autre jour.

ML : Tu as voulu déposer plainte ?
T. : J’arrive au commissariat et là Joe l’embrouille avec toutes les excuses : « On est débordés, pas aujourd’hui… » J’étais accompagné de militants. Un gradé arrive et me sort : « On est débordés, c’est possible dans quatre heures, mais on vous accorde un quart d’heure. » Je suis parti.

ML : Tu as pu porter plainte, finalement ?
T. : Je suis allé à l’HP pour une ITT, mais il faut d’abord porter plainte avant de voir un médecin, sauf en cas d’urgence vitale. Le lundi, je porte plainte, donc. Je vais à l’UMJ, unité médico-judiciaire pour un examen. Je demande un psy, on me répond que c’est pas possible, que c’est à Rennes et sur ordre du procureur. Je demande à lire mon dossier, on me répond : « Secret médical ! »

ML : Où en es-tu actuellement ?
T. : J’ai trouvé un avocat compétent et j’attends la suite. Je me fais suivre par un psychiatre. Le collectif Queerfarnaüm a réagi. Je suis en contact avec des collectifs de blessés par les flics et j’ai reçu plein de messages de soutien, ça fait plaisir !

Tout notre soutien à Thomas.

Propos recueillis par Gilles Durand
(Groupe Joseph-Déjacque de la FA)