Européennes et FN : retour vers le futur

mis en ligne le 5 juin 2014
1743FaujourAprès les élections européennes du 25 mai, c’est la gueule de bois. Après avoir pronostiqué le fort taux d’abstention et le triomphe du fascisme à la française, les observateurs dans les mass médias ont parlé jusqu’au bout de la nuit. Une nuit qui paraît sans fin pour nous, opposants irréductibles aux fascismes. Voyons les faits.
Le FN a remporté l’élection, si on s’en tient au nombre de députés élus et au pourcentage obtenu à partir du nombre de scrutins exprimés. L’abstention, massive, quoiqu’à un niveau quasi semblable aux élections européennes de 2009, a touché tous les partis, FN compris, qui a perdu plus d’un million de voix par rapport au premier tour de la présidentielle en 2012. La gauche gouvernementale subit une défaite de plus, le Front de gauche rétropédale à 6,23 % et le NPA et Lutte ouvrière cumulent 1,60 % à eux deux. Tous les partis rejetant l’Europe - avec des motivations différentes - devaient expliquer à leurs électeurs qu’ils devaient y élire des députés : pourquoi faire simple…
Pour faire court, on peut considérer que 100 % des abstentionnistes n’ont pas voté FN ; que celui-ci doit sa victoire en trompe l’œil à la perte de crédibilité des grands partis de gouvernement. Pourtant, on ne doit pas occulter que les partis censés drainer un vote anti-frontiste ont vu leurs électeurs bouder, alors que le parti d’extrême droite gardait une capacité de nuisance importante. Et que le caractère massif d’une grève des urnes exprime à la fois un rejet de la politique et du modèle européen. Enfin, l’électorat populaire et la jeunesse fournissent les plus gros contingents de votes FN ou d’abstentionnistes.
À partir de ces faits, les débats vont bon train - y compris à la Fédération anarchiste 1 - pour savoir comment analyser la situation. Cette analyse est importante puisqu’elle est censée apporter les outils et la méthode afin d’agir sur les raisons qui aident le FN à se développer. Le sujet est donc bien de savoir si le FN est en progression significative ou pas, et à partir de quels facteurs.

Qui a volé notre boussole ?
L’abondance des commentaires de tous ordres, l’irrationalité des réactions - comme des motivations du corps électoral, d’ailleurs, les partis pris partisans - comment ne pas l’être ? -, la baisse d’intensité des radicalités sociales et politiques, la pollution des esprits par des conceptions servant la soupe aux nationalistes - y compris dans la gauche syndicale ou politique -, brouillent l’interprétation du contexte actuel. Quand on perd son chemin, il faut reprendre sa boussole, et faire un point d’étape.
Sur les batailles à mener sur le terrain des idées, notre philosophie politique nous permet de lutter contre les diverses formes de dominations en recrudescence. Nous sommes et restons de fermes adversaires des idées et des pratiques valorisant des systèmes politiques qui nous emprisonnent et nous divisent. Nous nous opposons toujours à ceux qui exacerbent la compétition entre nous tous et toutes au prétexte que nous serions des nationaux, des étrangers, des femmes, des ruraux, des pauvres, Les luttes contre l’extrême droite et la porosité des idées nationalistes qu’on retrouve parfois dans des cercles surprenants 2 nous ordonnent de continuer à agir.
Pour le combat social, si nous ne devrions pas être impactés par l’antiparlementarisme ambiant, nous sommes sans doute touchés quand même par le rejet du politique. Si nous adoptons la théorie d’une montée du FN concomitante avec l’abandon par les gauches de gouvernement de la question sociale, centrale dans l’histoire et la pensée anarchistes, alors il nous faut accentuer nos efforts. Il nous faut faire l’effort de la pédagogie et de l’ouverture aux autres, en même temps que de l’explication. Par exemple, un concept typiquement anarchiste comme « reprendre ses affaires en main » est maintenant détourné dans le spectre politique, y compris avec une tonalité souverainiste ; cette proposition doit donc être reformulée de façon claire et pratique. Pierre Sommermeyer, un contributeur régulier du Monde Libertaire, m’écrivait : « Il n’y a pas d’autre politique économique possible, parce qu’il n’y pas d’autres possibles. » Voilà tout le problème bien posé. Saurons-nous proposer des idées et des projets aux valeurs et aux finalités libertaires, sans repousser aux calendes grecques le moment de les mettre en œuvre ? Comment nouer du lien et dresser des perspectives qui mettent en avant le cosmopolitisme, une économie sociale autogestionnaire non capitaliste, l’abolition du salariat ? La question sociale est au centre des enjeux vitaux actuels. Ne pas y répondre, même à notre modeste échelle, est suicidaire.






1. Sur le net : http://groupemartiguesfederationanarchiste.noblogs.org/post/2014/05/29/construire-a-larriere-des-fronts/
https://libelalettredorion.blogs.liberation.fr/mon-blog/2014/05/nous-sommes-myope-face-%C3%A0-la-victoire-du-fn.html
2. Référence au sondage paru dans L’Humanité du 28 mai faisant état de votes importants pour le FN dans les syndicats.




COMMENTAIRES ARCHIVÉS


Antitrust

le 9 juin 2014
Salut les libertaires. Pour vous rassurer et vous montrer que la chasse aux fascistes, c'est plus ce que c'était et que ça risque de devenir compliqué, quelques éléments à avoir en tête:

"Parmi les votants, le FN réalise ses meilleurs scores au sein des couches populaires et modestes de la société : ouvriers (43%), employés (38%), chômeurs (37%), foyers à bas revenus (30%), et personnes à faible niveau de diplôme (37%). Il est également lors de ces élections le premier parti au sein des moins de 35 ans (30% contre 15% au PS et 15% à l’UMP) et des 35-59 ans (27% contre 18% à l’UMP et 12% au PS). L’UMP conserve sa traditionnelle suprématie sur l’électorat de plus de 60 ans (25% contre 21% au FN et 17% au PS). Cette élection vient aussi confirmer la fracture grandissante entre l’électorat populaire et le Parti socialiste : seuls 8% des ouvriers et 11% des bas revenus ont voté pour une liste socialiste dans leur circonscription ce dimanche."
Source: site IPSOS.fr

Autre extrait:

"Le FN a recueilli 33 % chez les salariés proches de FO, 29% chez les sympathisants d'un autre syndicat (CFTC, CFE-CGC ou UNSA), 22 % chez ceux de la CGT, 17 % chez ceux de la CFDT et —plus surprenant encore — 27 % chez les sympathisants de Solidaires, syndicat plutôt proche de l'extrême gauche et du Front de gauche."
Source: enquête IFOP pour l'Humanité