Pour la destruction du système carcéral

mis en ligne le 15 mai 2014
1741prisonLa Croix noire anarchiste (CNA) est un réseau international de groupes qui travaillent pour la liberté des prisonniers et prisonnières, pour qu’ils et elles ne soient jamais oubliés. Nous soutenons particulièrement des prisonnières et prisonniers anarchistes, mais nous n’oublions pas qu’il y a d’autres prisonniers qui luttent depuis l’intérieur même de la prison, qui ont des idées différentes et voient la lutte d’une autre façon. Ces derniers, nous les soutenons sans que cela veuille dire que nous nous identifions à leurs idées, mais nous nous identifions à leur résistance contre la bête carcérale. Nous ne nous pensons pas comme un collectif homogène, mais plus comme un espace pour coordonner des travaux et, à travers l’appui mutuel et le libre consentement, nous nous accompagnons sur le chemin pour la liberté.
Nous sommes un groupe qui depuis dix ans se consacre à apporter une solidarité à nos frères et nos sœurs en prison. Nous luttons pour la destruction du système carcéral, car nous voyons que la prison, l’isolement et la punition ne sont pas des solutions aux problèmes sociaux, mais qu’au contraire ils renforcent le système. Nous ne voyons pas la prison comme un élément en plus du capitalisme et de la domination, mais comme un de ses piliers, c’est pour cela que nous considérons notre lutte anticarcérale comme une lutte anticapitaliste et antiautoritaire. Nous pensons qu’il n’y a pas de remède aux prisons, elles ne servent à rien, nous n’en voulons pas. Nous désirons voir tomber ses murs et avec eux ce système. Nous recherchons une société libre avec des alternatives efficaces pour éviter l’existence de ces centres d’extermination. Nous voulons construire cette société dans le présent, dans notre quotidien, nous n’attendons pas qu’il y ait les conditions pour une révolution. Nous faisons la révolution dès maintenant. Nous savons qu’il y a différentes manières et différents modes de comprendre et de pratiquer l’anarchisme, mais nous croyons qu’il existe plusieurs points communs : la recherche du meilleur bien-être, de la plus grande liberté et du plus grand épanouissement pour tous les êtres humains, le fait de ne pas vouloir être opprimé ni oppresseur, le rejet de l’autorité centralisée et coercitive, la recherche de l’autorégulation de la liberté.
C’est pour cela que l’anarchisme, ou les anarchismes, sont extrêmement gênants pour le pouvoir et nous, les anarchistes, sommes un énorme danger. Un danger qu’il faut combattre et, pour cela, l’État utilise toutes les ressources légales, extralégales qu’il a à portée de main pour fabriquer des cas et monter des accusations. Ce qui est en train de se passer dans la région de Mexico est une démonstration de cela. Arrestations, déportations, persécutions, menaces font partie d’une chasse aux sorcières que l’État a décrétée contre les anarchistes.
Depuis plus d’un an, le gouvernement de la ville de Mexico, conjointement avec les grands médias de communication, a commencé une campagne contre l’anarchisme, en créant l’image d’un ennemi dangereux qu’il est nécessaire de combattre pour le bien de la société et, sous prétexte de combattre ce danger, ils ont approuvé et mis en place des mesures qui renforcent la machine du contrôle social : l’installation de plus de 20 000 caméras de surveillance dans toute la ville, la mise en place du Protocole de contention des foules, les réformes du Code pénal local afin de durcir les peines, la fermeture du zocalo (place centrale) de la capitale pour empêcher l’arrivée de manifestations, l’augmentation toujours plus forte de la présence policière dans les rues, tout cela n’est qu’une partie de ce contrôle.
Le bilan de cette politique, c’est plus de 500 personnes détenues durant différentes manifestations et mobilisations. Bien qu’elles ne soient pas toutes anarchistes, les médias répètent inlassablement qu’elles le sont. Cela fait partie de sa scénographie répressive, ils cherchent à lier chaque acte de désobéissance et de protestation à l’anarchisme, dans une tentative désespérée de cacher la réalité sociale où existe un énorme mécontentement qui est en train de s’étendre. En effet, il y a chaque fois plus de personnes qui sont dégoûtées des mensonges de la démocratie bourgeoise capitaliste et qui cherchent à construire des alternatives viables pour avoir une vie digne. Et nous sommes aussi de plus en plus nombreux à savoir que nous ne pouvons construire sans détruire jusqu’à ses fondations, tout ce qui nous opprime et nous exploite.
Plusieurs de ces détenus sont toujours enfermés. Notre frère anarchiste Jorge Mario González est l’un d’entre eux. Le 10 janvier, il a été condamné à cinq ans et neuf mois de prison. Mario est en lutte depuis son arrestation. Il a fait une grève de la faim de 56 jours. Il y a aussi Salvador Martinez, skinhead antifaciste détenu le 2 octobre 2013 et qui se trouve dans l’attente de sa condamnation. Et aussi Luis Fernando Bárcenas, accusé d’avoir brûlé un arbre de Noël propriété de Coca-Cola, le 13 décembre dernier.
José Alejandro Bautista Peña, Abraham Cortez Ávila, Víctor Efrén Espinoza Calixto, José Daniel Palacios Cruz, Ilia Daniel Infante Trejo, Miguel Adrián Gutiérrez et Iribar Ibinarriaga Ramírez, ainsi que Gabriela « Luna » Flores sont aussi toujours détenus. Ils et elles ne se revendiquent pas anarchistes. Mais tant qu’ils sont prisonniers, tant qu’une seule personne est séquestrée par l’État, enfermée dans une cellule et privée de sa liberté, personne, aucun d’entre nous ne peut être complètement libre. C’est pour cela que nous exigeons leur liberté 1.
Le 5 janvier, trois compagnons anarchistes ont été arrêtés après qu’une concession Nissan et un bâtiment du ministère des Communications et des Transports ont été attaqués. Les arrestations de Carlos López, Amélie Pelletier et Fallon Poisson ont été le prétexte pour une recrudescence de la chasse aux anarchistes. Ils accusent nos frères de terrorismes. Face à cela, nous n’avons rien d’autre à dire que pour nous les seuls terroristes sont l’État et le capital.
Au milieu de cette campagne antianarchiste, certains compagnons et compagnes ont organisé le Symposium international anarchiste/Journées informelles, en décembre dernier, avec l’intention de renforcer le discours et la pratique anarchistes. Durant ce symposium, une intervention du compagnon Alfredo Maria Bonanno était prévue. L’État mexicain lui a refusé l’entrée sur le territoire en argumentant qu’il s’agissait d’une personne dangereuse et indésirable. À la fin du symposium, le compagnon Gustavo Rodríguez a été arrêté et expulsé du pays. Récemment, Mario López « Tripa », qui avait été arrêté en 2012 et dont le procès est toujours en cours, a été arrêté. Le compagnon est sorti sous caution quelques jours plus tard.
Nous n’oublions pas non plus notre compagnon Álvaro Sebastián Ramirez, indigène de la région Lóxicha, actuellement emprisonné dans une prison de haute sécurité.
Nous ne demandons pas un jugement juste pour nos compagnons, ni n’implorons que cesse la persécution contre l’anarchisme. Nous savons que le pouvoir continuera à nous persécuter et à nous criminaliser. Nous démontrerons que, malgré la répression, la prison et les menaces, nos envies de liberté sont grandes et que, à travers l’organisation et la lutte, il est possible d’arriver à un monde meilleur.
Personne ne sera complètement libre tant qu’il existera une seule personne prisonnière.
À bas les murs des prisons !
Liberté pour toutes et tous !
Vive la terre et la liberté !
Vive l’anarchisme !

CNA
Croix noire anarchiste du Mexique

Traduit par les trois passants et Caracol Solidario

Lettre envoyée pour la Soirée de solidarité pour les anarchistes et les adhérents de la Sexta zapatiste emprisonnés au Mexique (16 avril 2014).

1. Víctor Efrén Espinoza Calixto, Salvador Martinez, Ilia Daniel Infante Trejo, Miguel Adrián Gutiérrez et Iribar Ibinarriaga Ramírez ont été libérés.