Prostitution : le ni-ni de Marisol Touraine

mis en ligne le 4 décembre 2013
C’est ce que l’on pourrait appeler « ne pas vouloir appeler un chat un chat » : à propos de la pénalisation des clients des travailleuses et travailleurs du sexe, lors de son audition par la commission spéciale prostitution de l’Assemblée nationale, la ministre de la Santé a pris une position à la fois originale et qualifiée, par l’association Act up Paris, de « criminelle » : elle n’a pas pris de position du tout ! Alors que l’ensemble des associations de santé, de santé communautaire et de lutte contre le sida s’opposent à la mise en place de la pénalisation des clients des travailleurs du sexe, Marisol Touraine a asséné : « Il ne m’appartient pas d’avoir une position en tant que ministre en charge de la santé sur ce point précis. » Cependant, dans son exposé introductif, la ministre a indiqué prendre en compte les multiples rapports et expertises qui vont à l’encontre de la mise en place de la pénalisation des clients. Elle a en effet mentionné à plusieurs reprises le récent rapport de l’Igas publié à la Documentation française et cité deux études attestant des conséquences sanitaires dramatiques, liées à la mise en place du « modèle suédois » et rappelé l’avis de la commission mondiale sur le VIH et le droit du Pnud 1, soit : « La loi suédoise aurait aggravé les conditions de vie des travailleurs et travailleuses du sexe et ce faisant rendu plus difficile leur accompagnement sanitaire. » Marisol Touraine a également insisté sur « l’incidence notoire sur la santé des mesures qui accroissent la clandestinité des personnes prostituées », et relayé les constats d’associations de terrain concernant la dispersion des prostituées de rue depuis la mise en place de la LSI 2 et son arsenal répressif. La ministre a, donc, énuméré les raisons d’ordre sanitaire de s’opposer à la mise en place de la pénalisation des clients, pour finalement refuser de se prononcer ! Quel courage politique… Pour sa part, Act Up-Paris avait rencontré, courant octobre, le cabinet de la ministre. Questionnés sur leur position quant au projet de loi abolitionniste, ses membres avaient alors indiqué que le ministère était opposé à la pénalisation des clients des prostitués, sur les mêmes constats et orientations que les associations de santé. Mais, bien évidemment, le discours public est sorti rempli de nuances… La ministre de la Santé s’est défaussée, ne s’est prononcée sur rien et a annoncé que « rien n’était de son ressort ». Alors, si Marisol Touraine reconnaît n’avoir aucune opinion, aucune prérogative, pourquoi est-elle élue ? Et qu’on ne vienne pas reprocher aux anarchistes de dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas : que les élus ne servent à rien et que les individus ne doivent compter que sur leurs propres forces !






1. Programme des Nations unies pour le développement (Pnud).
2. Loi sur la sécurité intérieure.