Ayrault, nouvel « héros » de la famille ?

mis en ligne le 9 octobre 2013
Avec l’élargissement du mariage civil à tous, la gôche gouvernementale avait quelque peu redoré son blason sociétal et remercié ainsi les LGBT qui avaient voté pour elle. De la pure politique politicienne, en somme. Mais, après avoir caressé le flanc des homos d’une main, il fallait bien rétablir l’équilibre et caresser l’autre flanc, celui des familles classiques. En effet, après leur avoir annoncé l’abaissement du plafond du quotient familial et la suppression de la réduction d’impôt sur les frais de scolarité, comment calmer ces dernières ? Premièrement, par des mots apaisants : « Dire que nous ne menons pas une politique pour la famille est un mauvais procès […] le gouvernement aime les familles, toutes les familles », a dernièrement précisé Jean-Marc Ayrault, lors d’une conférence de presse. Pour autant, interrogé sur la PMA, alors que des parlementaires de la majorité ont prévu de déposer des amendements la rendant accessible aux couples de femmes, le Premier ministre, se voulant rassurant, a précisé « ne pas travailler dans l’urgence » sur cette question. Tu m’étonnes ! Et d’ajouter : « Je vous rappelle que le gouvernement a choisi de ne pas traiter de cette question dans la loi sur le mariage pour tous. Il s’agit d’un sujet lourd, qui soulève des questions éthiques. Nous avons annoncé notre choix d’attendre l’avis du Comité consultatif national d’éthique prévu en 2014. Sur ces sujets, il faut chercher le consensus et ne pas travailler dans l’urgence. »
Le sujet peut peser sur les votes, surtout durant les prochaines municipales où les militants de la « manif pour tous » (ou plus exactement, les anti-mariage pour tous) ont promis de se présenter individuellement pour rafler les places des socialistes, en s’alliant avec les populistes, les intégristes et fachos de tous poils, justement sur le thème de la PMA et de la théorie du genre à l’école. Du coup, interrogé sur ce sujet, Jean-Marc Ayrault est formel : « Il n’est pas question d’un enseignement sur la théorie du genre, pas plus dans les programmes scolaires que dans la formation des enseignants. » Le ministre de l’éducation nationale, pour « lutter contre les stéréotypes », a tout juste consenti du bout des lèvres à aborder à l’école le « partage équilibré des tâches familiales entre les parents ». Quelle audace en 2013 !
Pendant ce temps-là, devant les hésitations puis le recul du gouvernement, la théorie du genre est devenue le nouveau cheval de bataille des opposants au mariage homo, qui craignent qu’elle ne soit enseignée dans les écoles. Et les réacs de la « manif pour tous » de verser dans l’organisation de « comités de vigilance », qu’ils ont prudemment nommés « observatoires », afin « d’inviter les familles à un dialogue avec les chefs d’établissements, car il faut être attentif à ce qui est enseigné », paranoïllent encore ces derniers… Eh oui, des fois que les professeurs des écoles apprennent aux petites filles qu’elles ne sont pas uniquement faites pour faire et élever les bébés et que les petits garçons ne sont pas forcément destinés à faire la guerre, mais que les petites filles peuvent très bien s’épanouir avec une autre petite fille et kif-kif pour les petits garçons, voire s’ils le souhaitent avoir quand même des bébés ou encore pire… changer d’identité sexuelle. Où allons-nous, divine décadence ? D’ailleurs, côté divin, comme par hasard, il y a quelques mois, le pape martelait à qui voulait bien l’entendre : « Les chrétiens doivent dire non à la théorie du genre et oui à l’alliance homme-femme dans le mariage », refusant une « anthropologie sur fond athée […] puisque la réciprocité entre masculin et féminin est l’expression de la beauté de la nature voulue par le Créateur. » Une phrase aussi belle que du Claudel ! Jean-Marc Ayrault aurait-il subi le même sort qu’Ulysse écoutant chanter les sirènes mystiques de Rome, relayées par les lobbyistes anti-genres sévissant au pays de la fille aînée de l’église ? Car tout ça reste bien français. En effet, outre-Rhin, à partir du 1er novembre prochain, l’Allemagne deviendra le premier pays européen à proposer officiellement la possibilité d’inscrire un sexe indéterminé aux nourrissons sur leur certificat de naissance. Les bébés intersexuels, c’est-à-dire ceux qui présentent une ambiguïté sexuelle constitutive, provenant d’une anomalie dans le déterminisme des gonades (ovaires et testicules) ou dans la différenciation des organes génitaux, pourront en effet être déclarés indéterminés à leur naissance. Le pape peut-il nous dire si ces derniers finiront, pour non-conformité au genre, au paradis ou bien s’ils brûleront éternellement en enfer ?