La grève ignore les frontières

mis en ligne le 21 novembre 2012
1688GeneralStrikeEn Espagne, deuxième grève générale en huit mois. Elle s’inscrivait dans le cadre de la journée européenne d’opposition à l’austérité qui avait lieu le 14 novembre. Le gouvernement de droite semble atteint de surdité avec un ministre des Finances (Luis de Guindos) qui s’obstine à vouloir imposer sa politique d’austérité : « Notre plan est la seule alternative possible. » Et tant pis pour les 3 600 amendements présentés au Parlement par les groupes d’opposition. Mais loin des travées parlementaires, le bruit de la rue tente de se frayer un passage jusqu’aux oreilles du Premier ministre Mariano Rajoy. La protestation et l’indignation sont venues de tous les secteurs : enseignants, élèves, parents d’élèves ont dénoncé les coupes budgétaires affectant l’Éducation. Grève également suivie dans le secteur hospitalier, la justice, la fonction administrative, l’industrie, les transports, etc. Il faut dire que le bilan du si mal nommé Parti populaire est difficile à défendre : au cours des neuf premiers mois de son accession au pouvoir, 500 000 nouveaux chômeurs se retrouvent au pôle emploi local. Nous en sommes maintenant à près de six millions et la tendance ne semble pas vouloir s’inverser. Les syndicats institutionnels (UGT et CC. OO) réclament toujours un référendum portant sur le « bien-fondé » de la politique gouvernementale. On imagine évidemment assez mal la tenue d’une telle consultation auprès d’une population qui n’en peut plus de subir augmentation du coût de la vie, expulsions ininterrompues des logements dont les traites et les loyers ne peuvent plus être payés, licenciements dont les conditions et indemnités ont été revues à la baisse pour faire plaisir au patronat. Un référendum n’y changera rien ; ce que la population pense de toutes ces mesures, tout le monde le sait, c’est pourquoi les appels à la grève et aux actions de protestation vont continuer : « Le 14 novembre n’est pas une fin. » Le combat va continuer et pour cela les deux centrales réformistes ont bien compris l’intérêt qu’il y a à s’adjoindre les forces des associations alternatives qui, elles, « s’indignent » depuis un an et demi. C’est le sens des appels du pied de plus en plus appuyés que l’on constate depuis l’été dernier.
La CNT, la CGT espagnole, Solidaridad Obrera, étaient évidemment partie prenante de ce vaste mouvement de protestation, en y ajoutant également une grève de la consommation. 60 % des petits commerces des centres-villes avaient baissé leur rideau. Nos camarades anarcho-syndicalistes rappelaient ainsi que « le bonheur n’est ni dans la consommation, ni dans la croissance forcenée » et qu’« il est important de proposer un changement de modèle économique qui résolve les besoins des êtres humains, sans avoir comme objectif le profit, la productivité, la compétitivité, et sans épuiser les ressources naturelles ».
La grève n’a toutefois pas réussi à paralyser le pays, même si certaines régions ont atteint des records de participation ; ainsi en Catalogne, aux Asturies et en Galice le taux de participation à la grève a-t-il atteint 85 %, tandis qu’en Andalousie, en Cantabrique, à Madrid il frôlait les 80 %. Ce qui n’empêche toujours pas Rajoy de s’entêter en déclarant : « Ma politique plaît à certains et pas à d’autres. » Ben voyons ; sûr qu’employeurs et salariés ne sont pas du même avis sur les « bienfaits » de cette politique, puisqu’ils ont des intérêts opposés, même que ça s’appelle la lutte des classes. Mais les dirigeants n’en démordent pas et insistent : c’est vrai ça va mal, mais ça pourrait être pire, alors « retournez au travail pour freiner le chômage » (Alberto Ruiz-Gallardón, ministre de la Justice). Et pour que le message passe mieux, rien de tel que des explications musclées. Les forces de l’ordre ont amplement « justifié leurs salaires » : 118 arrestations, 74 blessés (dont 43 policiers, comme quoi y a pas que des mauvaises nouvelles). Les images diffusées à la TV et surtout sur le Net ne laissent aucun doute sur la sauvagerie des policiers, qui n’ont pas hésité à matraquer courageusement à la tête un adolescent de treize ans qui participait à une manifestation pacifique à Tarragone.
Pour la CGT espagnole, cette grève générale a été « un pas de plus dans la mobilisation permanente pour le changement de modèle économique, social, politique et environnemental ». Alfonso Alvarez, secrétaire général de la CNT, rappelle lui, que « les anarchosyndicalistes invitent à créer une société différente tant du point de vue économique que politique, ayant pour base l’horizontalité dans les prises de décisions et la justice sociale. Nous offrons aux travailleuses et travailleurs nos outils pour la défense de leurs intérêts dans les entreprises, que ce soit au plan de l’action sociale ou juridique, démontrant ainsi jour après jour que la solidarité dans l’action, dans les entreprises ou dans la rue est le meilleur si ce n’est le seul mécanisme d’autodéfense existant ».
Bien évidemment, aussi bien la CGT que la CNT ainsi que les syndicats alternatifs ne manquent pas une occasion de rappeler qu’une grève générale c’est bien, mais qu’une grève générale illimitée c’est mieux et que ça reste leur objectif pour un futur que l’on espère le plus proche possible.