Habitants contre autorités : la lutte des expulsés de la rue des Sorins à Montreuil (93)

mis en ligne le 15 septembre 2011
Des sans-papiers dans un squat : deux raisons d’expulser
Depuis quatre ans, au 94, rue des Sorins à Montreuil, une ancienne usine abandonnée était devenue la maison de 300 personnes, d’origine africaine, avec ou sans papiers. Elles y avaient construit des chambres, et des enfants y ont grandi. Ni douche ni toilettes, des cafards et parfois des rats, mais au moins pas dehors. Jusqu’à ce que les autorités décident qu’ils doivent quitter leur habitation. Puisqu’on leur dit que c’est à cause de l’état du bâtiment qu’ils doivent partir, ils se cotisent et installent à leurs frais des sanitaires, du carrelage, des sorties de secours, ils signent une convention avec la mairie et le fournisseur d’eau et entament des démarches pour mettre l’électricité aux normes, et sont même prêts à payer un loyer au propriétaire ; mais ils ne profiteront jamais de leurs travaux : la préfecture envoie des centaines de CRS les déloger au petit matin du 31 juillet. Ils ne pourront pas récupérer leurs affaires, ceux sans papiers sont arrêtés, les autres dispersés, dans la violence.
La mairie les autorise alors à s’installer dans un square. Après les premières nuits pour certains sans même une couverture, ils installent des tentes et des bâches, qui les protègent plus ou moins bien du vent et de la pluie, mais qu’ils devront transporter puis réinstaller sur un terrain de foot. L’autorisation de la mairie ne valait que jusqu’au 31 août. Alors que le square était fréquenté et situé dans un quartier passant, le terrain de foot est à l’écart et invisible depuis la rue…

Entre le marteau préfectoral et l’enclume municipale
Le soutien affiché par la mairie reste grandement virtuel. De toute façon, assure-t-elle, elle ne peut rien faire et c’est à l’État d’agir ; elle donne donc la solution sur son site : voter pour la gauche en 2012… Et puis, elle a des « grands projets » (un parc aquatique écologique, un « éco-quartier », etc.) qui engloutissent déjà les millions de son budget. Elle a l’intention de placer dans des hébergements d’urgence les familles avec des enfants, et elle affirme sur des affichettes qu’il n’est pas question que s’installent des bidonvilles à Montreuil… C’est que Montreuil, comme les autres municipalités qui ont l’ambition d’être intégrées au « Grand Paris », se doit de faire de la « rénovation urbaine », ce qui se traduit concrètement par l’éviction des plus pauvres et la destruction de leur habitat. Comme la mairie de Paris qui virait les Tunisiens pour « rendre le gymnase à ses utilisateurs », ou celle d’Ivry virant les Roms pour le même motif, il ne faudra probablement pas longtemps à la mairie de Montreuil pour trouver nécessaire de « rendre le terrain de foot à ses utilisateurs ».
La préfecture se fera alors un devoir de lâcher ses molosses, qui se feront un devoir de se lâcher sur des êtres humains à la rue. Ça ne les a pas gêné, cet été, d’envoyer des enfants à l’hôpital à quatre heures du matin à coups de gazeuses rue de la Banque à Paris pour les chasser du trottoir, c’est plutôt la routine. Quant au préfet, c’est un modèle du genre : ancien chef du Raid puis des CRS, c’est lui qui, dernièrement, a réquisitionné un tramway pour évacuer des Roms. Nul doute qu’il a à cœur d’œuvrer à remplir les nouveaux objectifs d’expulsions de sans-papiers fixés par le gouvernement : il a fait généreusement distribuer des OQTF (obligation de quitter le territoire français) lors de l’expulsion et en a envoyé douze en CRA (centre de rétention administrative), manifestement sans tenir compte des situations individuelles puisque la sanction était la même (expulsion et interdiction de territoire français) pour tous, y compris celui qui détenait un visa espagnol en règle ou celui qui avait fait une demande d’aide au retour volontaire (ce à quoi la juge n’a pas vu malice) ; et même s’ils ont été libérés, les procédures étant illégales, les arrêtés d’expulsion gardent leur validité et peuvent être exécutés au prochain contrôle d’identité. Il a aussi bénéficié d’une récente loi lui permettant de rester préfet après l’âge légal. Bref, ce préfet-là aime son métier…

« Chassés de partout, toujours debout ! »
C’est ce qu’ils écrivent sur leurs tracts, comme ils scandent en manif qu’ils resteront où ils sont et qu’ils ne bougeront pas, comme ils crient : « Tuez-nous ! » plutôt que d’obéir aux flics qui leur ordonnent de dégager. Les expulsés ont choisi de résister, en exigeant logement et régularisation, c’est-à-dire la possibilité de vivre où ils le veulent, et rapidement car « on n’habite pas une liste d’attente ». Pour exister en dehors des fichiers de la répression et de l’administration, ils appellent à les soutenir dans leurs manifestations.
Un repas est organisé tous les mercredis soirs à partir de 19 h 30, avec un plat à prix libre et des boissons pas chères, un point info a lieu tous les jours à 18 heures, et on peut passer à tout moment. Ils ont besoin notamment de nourriture, de couvertures, de produits de toilette et couches pour bébé, jouets, fournitures de cours pour adultes, de tentes, et de solidarité. Pour être informé des futurs rendez-vous par mail, écrire à sorinsenlutte (arobase) yahoo.fr
Les expulsés sont sur le terrain de foot du stade André Blain, 138, boulevard Chanzy, métro Croix de Chavaux.

Nicolas, groupe libertaire d’Ivry de la Fédération anarchiste