Le procès

mis en ligne le 2 décembre 1982
Comme nous l’avions annoncé dans les derniers numéros du Monde libertaire, le procès de Roger Noël s’est déroulé les 22 et 23 novembre à Varsovie.
À ce procès assistaient quatre personnes de l’ambassade de Belgique et quatre proches de Roger Noël. Le tribunal militaire était composé d’un colonel, de deux lieutenants, du procureur militaire et de l’avocat polonais de Roger Noël. À l’ouverture du procès, le procureur a détaillé l’acte d’accusation constitué de trois points :
1) Fourniture d’une aide au syndicat Solidarnosc ;
2) Transmission de tracts imprimés contenant de fausses informations sur la situation socio-politique de la Pologne susceptibles de provoquer des troubles et de l’inquiétude dans le public ;
3) Importation et détention illégale d’émetteur sans autorisation.
Signalons que la procédure rapide et sommaire à laquelle a été soumis Roger Noël est due à l’état de guerre. Il a été jugé par des militaires et n’a pu voir son avocat qu’à la fin de l’instruction (fin septembre).
Après l’interrogatoire très fouillé de la première matinée, Roger Noël a pu faire une longue déclaration. Dans celle-ci, il reconnaît les faits matériels, mais conteste le bien-fondé des accusations portées contre lui. Chercher à aider Solidarnosc, par quelque moyen que ce soit, ne saurait être un acte répréhensible, mais c’est au contraire une démarche à encourager. Le tribunal ne s’y est pas trompé puisqu’il centrait son interrogatoire sur les personnes que Roger Noël a pu rencontrer lors de ses précédents voyages en Pologne, essayant d’établir l’existence d’un réseau international.
Ce procès a confirmé les informations que nous possédions, à savoir que Roger Noël a subi des sévices lors de sa détention et qu’il a été soigné pour une infection.
À Paris nous avons pris connaissance du verdict le 24 novembre. Il est tombé dans toute sa sécheresse : trois ans de prison ferme. Passer un émetteur à Solidarnosc et faire acte de solidarité concrète contre trois ans de taule, gageons que si Roger Noël avait transporté des bibles et des crucifix il n’aurait connu aucune difficulté. Le dernier rebondissement tient aux spécificités du droit polonais. Condamné à trois ans de prison, c’est conserver l’espoir d’être échangé contre rançon et, le lendemain, nous apprendrons que les discussions ont abondé dans ce sens. Roger Noël, « l’anarchiste sympathisant de Solidarnosc », sera libéré contre 600 000 francs belges.
Nous avons craint un verdict beaucoup plus lourd. Depuis son arrestation, Roger Noël a été traîné plusieurs fois à la télévision polonaise. On l’exhibait comme un homme dangereux en liaison avec les « éléments irresponsables » de Solidarnosc. Tout cela laissait prévoir une série de procès politiques en direction des militants de Solidarnosc et de leurs sympathisants à l’étranger. Roger Noël en prison, c’est une bonne méthode d’intimidation. Avis à tous ceux qui ne se contentent pas de belles paroles ! Mais finalement, la balance a penché de l’autre côté. Le soutien libertaire international a joué et la pression de l’opinion publique a constitué un élément non négligeable du dossier Roger Noël. Les autorités polonaises savaient fort bien que si Roger Noël restait en prison, la pression allait s’accentuer.
La résistance intérieure ne désarme pas et le moment semble mal choisi pour s’encombrer d’un belge largement soutenu à l’extérieur. Il ne restait plus qu’à exiger une rançon (la dette extérieure…) et le gouvernement polonais sauvait la face en le relâchant par la suite.
Restons vigilants. Roger Noël n’est pas encore en Belgique et surtout n’en restons pas à ce succès relatif. Il y a encore des internés en Pologne et Solidarnosc subit une répression grandissante. Restons solidaires et sachons que le meilleur soutien que nous puissions leur apporter, dans leur lutte contre l’État polonais, c’est encore de se débarrasser nous-mêmes de notre propre État.