Va donc, eh, charnière (petit gond) !

mis en ligne le 21 avril 2011
Le président Tsarkozy vient d’impliquer notre pays dans des conflits extérieurs, sans consulter le Parlement et même, dans le cas de la Libye, alors que le ministre des Affaires étrangères n’était pas au parfum. C’est comme pour notre retour dans l’Otan et notre implication accrue en Afghanistan ou notre rôle de gardien des mers contre les pirates somaliens. Comme d’hab, il a décidé tout seul dans la précipitation et l’improvisation pour faire un coup médiatique et pour compenser ses déboires intérieurs. C’est la tactique de tout pouvoir controversé que de se lancer dans une diversion guerrière pour faire oublier ses manques intérieurs et racoler tous les patriotards au nom de « l’union sacrée ». Rappelons-nous Bush II en tenue d’aviateur après les attentats du 11 septembre ; cela lui a valu un deuxième mandat présidentiel.
En Libye, notre conducator suprême a avalisé la représentativité d’une sorte de « coordination » d’opposants à Kadhafi, dont personne ne sait la vraie nature, les objectifs ou les accointances. Il s’est lancé dans des opérations aériennes de destruction des armes et des avions dudit Kadhafi sans savoir quoi que ce soit des autres moyens terrestres du tyran libyen et de ses soutiens. Du coup, passées les victoires du début, ça patine sec sur le terrain et nous voilà mis dans une situation de guerre civile de longue durée. Gnafron 1er ne sait rien de l’attitude profonde des régimes arabes, largement marqués par le nationalisme, l’anticolonialisme et le despotisme, et craignant sans doute d’être débarqués par leur peuple avec l’appui occidental. L’offensive occidentale peut fort bien donner des idées aux pays encore calmes ; elle peut aussi contribuer à détériorer l’image des Occidentaux qui, apparemment, interviennent surtout quand ça sent le pétrole et quand l’ennemi potentiel n’est pas trop puissant. C’est pourquoi les autres pays ont laissé le va-t-en-guerre français prendre la tête de l’offensive et commencent à renâcler devant l’enlisement actuel des opérations sur le terrain. Itou en Côte d’Ivoire où l’opération Licorne finit par déboucher sur une intervention anti-Gbagbo au nom de la neutralité de la France dans le conflit de légitimité ivoirien.
Notre nouveau cow-boy et maréchal Marlborough s’en va-t-en guerre tout le temps. Il ne peut pas exister sans ennemi ; il vit de susciter des conflits et des divisions. Il ne cesse d’opposer les différentes parties de la population les unes aux autres. Les vieux contre les jeunes, les riches contre tous les autres, les classes moyennes contre les exclus et autres « assistés », les Français de souche contre les immigrés de deuxième génération ; ces derniers contre les clandestins et nouvellement arrivés, les laïcards contre les musulmans, les fonctionnaires contre les employés du privé, etc. Il a besoin d’ennemis et ne conçoit les relations à l’autre que comme distinction entre l’ami et l’ennemi ; qui n’est pas avec lui est contre lui ; l’étranger, le musulman sont pour lui un ennemi potentiel venant sans doute lui rappeler qu’il n’est qu’un Français de deuxième génération, qui plus est pouvant descendre des Huns (d’où son amitié pour Attali, anagramme d’Attila). Raskoltignac en est resté à la figure du même, comme lui, et alors ami du Un, de l’identité contre la diversité, la pluralité, le différent (pas le différend, qu’il adore) qu’il ressent comme porteurs d’incertitude, de complexité et d’opposition à ses volitions de grandeur. Il ranime la politique de Metternich, celle de l’équilibre des grandes puissances contre le reste du monde pas encore assez entré dans l’histoire. Il est pour un multilatéralisme limité aux amis de la même prétendue civilisation ; il ne veut pas d’un internationalisme plurilatéral qui lui enlèverait le beau rôle de figure de proue de l’Occident. D’où les palinodies de sa politique étrangère qui mélange l’oxydant et la mêmeté identitaire.
C’est une ruse archaïque de la politique : créer un objet de discorde qui permet de faire autre chose ni vu ni connu pendant que les autres se battent dans la cour de récréation, ce qui permet aussi d’arriver ensuite en sauveur et conciliateur au-dessus de la mêlée. Mais c’est aussi une constante de la personnalité de notre ubuesque président : narcissisme et mégalomanie sont les deux mamelles de son ego et les deux poutres de son Lego de gestion des affaires du monde.
C’est pourquoi la crise survenue en septembre 2008 (quoique décelable dès fin 2006) lui a procuré de nouveaux chevaux de bataille, de nouveaux moulins à vent qu’il va attaquer tel Don de Chiotte. Mais le dur ciné de la politique politicarde du toboggan a remplacé Dulcinée du Toboso. Voilà Zébulon 1er investi d’une nouvelle mission de chevalier qui lave plus blanc. Muni d’une rapière trop grande pour lui et d’un vieux tromblon à tirer dans les coins, il va terrasser le dragon de la finance et l’hydre du libéralisme qu’il avait auparavant goulument tétés. Il va plier l’Union européenne à sa volonté réformatrice ; il va mener le bal au G 20 pour mettre de l’ordre dans la dérégulation mondiale. Du moins, c’est ce qu’il affiche, même s’il ne le pense pas forcément. Car il sait très bien que son pouvoir est très minime dans le concert international ; il sait qu’il n’obtiendra rien de sérieux tant les intérêts des puissances sont antinomiques. Le but réel de la manœuvre est de montrer à l’électorat français qu’il prend à cœur ses craintes vis-à-vis de la mondialisation et de la finance. Et, avec machiavélisme, il pourra alors reporter la responsabilité de l’échec sur ses petits copains du G 20, Obama en tête. Rien de bien nouveau comme tactique politicarde : cela fait trente ans que les différents gouvernements français prennent l’Europe ou le monde comme les instruments responsables de leur inefficacité, et surtout de leurs abandons de souveraineté et du modèle social mis en place en 1945.
Il y a cependant des guerres que Naboléon IV ne sait pas ou ne veut pas mener. Celles contre la pauvreté, l’exclusion, le chômage, la stagnation du pouvoir d’achat pour tous (en moyenne) et sa baisse pour beaucoup. C’est du reste ce qui explique avant tout la montée de la Marine car les laissés pour compte se rebiffent puisqu’ils ont observé qu’avec les socialos et les libéraux, c’est bonnet blanc et blanc bonnet. C’est pourquoi notre nouveau La Palisse, qui un quart d’heure avant sa mort était encore en vie, fait comme le coyote de Tex Avery : il ne se rend compte qu’il tombe de la falaise qu’après être au-dessus du vide et il répète à chaque moment de sa descente : « Jusqu’ici tout va bien. »