L’État, toujours fidèle à lui-même

mis en ligne le 24 mars 2011
1628ClassWarL’État est la première chose à abattre. Solide rempart de la forteresse bourgeoise, il est le principal obstacle au renversement de la société capitaliste. Sans lui et ses avatars, nul doute que ces cochons de bourgeois se feraient rapidement cuire à la broche. C’est que l’État, structure de classe par excellence, a toujours défendu les intérêts des riches, et si cette réflexion ressemble, je vous l’accorde, à un poncif folklorique anarchiste, elle est néanmoins régulièrement confirmée par l’actualité. C’est que les slogans et les rengaines militantes, derrière leur caractère inévitablement gonflant et éventuellement simpliste et trivial, sont parfois fondamentalement justes. Preuve en est – s’il en fallait encore une – avec la nouvelle élucubration du gouvernement : réformer la taxation des grosses fortunes. À l’heure qu’il est, deux projets ont été présentés, et on ne sait pas encore lequel nos dirigeants choisiront de présenter au Conseil d’État. On ne sait pas non plus si la réforme sera effective pour 2011 – ce qui obligerait le gouvernement à présenter son projet de loi avant le 15 juin, date limite des déclarations pour l’ISF – ou s’il faudra attendre 2012. Suspens ? Non, pas vraiment. Si les deux projets diffèrent dans leur forme, ils visent tout deux à un allégement considérable de l’imposition des richesses. Le premier consisterait à conserver l’impôt sur la fortune (ISF), tout en relevant le seuil d’entrée de 800 000 à 1,3 million d’euros et en diminuant les taxations, notamment pour les patrimoines d’une valeur supérieure à 16,79 millions d’euros pour qui le taux d’imposition passerait de 1,8 % à 0,5 %. Le deuxième, quant à lui, viserait plutôt à supprimer l’ISF pour le remplacer par une taxation, non plus du patrimoine en tant que tel, mais de la variation de sa valeur, autrement dit de ses plus-values latentes. Taxation qui n’interviendrait, bien sûr, que pour les patrimoines dépassant les 1,3 millions d’euro de valeur. Quoi qu’il en soit, quel que soit le projet présenté, ce serait plus de 300 000 personnes – toute détentrice d’un patrimoine supérieur ou égal à 800 000 euros ! – qui se verraient ainsi débarrassées de cet impôt.
Et pendant ce temps là-de l’autre côté du comptoir, on nous dit que les caisses de l’État sont vides. Et, en effet, la France serait aujourd’hui endettée de plus de 1 570 milliards d’euros et, actuellement, les intérêts payés par l’État français pour ses emprunts dépasseraient les 45 milliards d’euros (soit plus que le budget accordé à l’éducation). Alors, forcément, le pèse, il faut l’économiser. Et, heureusement pour le gouvernement, si l’argent s’envole, les pauvres, eux, restent toujours là, et les quelques rares deniers qui demeurent dans leurs poches trouées pourraient bien être mis à profit pour rembourser la dette publique. Alors, forcément, on tape dedans. De toute façon, les pauvres ont toujours subi les économies, alors pourquoi changer la donne ? Les riches, eux, peuvent continuer à dormir tranquille, l’État veille sur leurs coffres-forts et, plutôt que d’y prendre l’argent dont il a besoin, préfère l’y laisser dormir au calme. C’est tellement plus simple de relever l’âge de départ à la retraite, de prévoir des augmentations d’impôts pour 2012, de laisser flamber les prix, de refuser d’augmenter les salaires, et même d’envisager de rétablir les 39 heures de travail hebdomadaire. Bref, rien de nouveau sous le soleil. ça fait des siècles que ça dure, et ce n’est pas en se laissant berner une fois de plus par les nuées de promesses électorales qui assombrissent le ciel que les choses changeront. Et il serait temps qu’on le comprenne, surtout en ces jours où, à grands coups de com’ populiste et de pluies de sondages, la République monte à nouveau les chapiteaux de son cirque. Les clowns choisissent leur costume, se remettent sur le devant de la scène et s’apprêtent à rejouer le même sempiternel numéro. Ils n’ont tous qu’une seule chose en tête – la même depuis des siècles – et elle n’a pas de quoi nous faire sourire.



COMMENTAIRES ARCHIVÉS


sinziana

le 29 mars 2011
" ...et ce n’est pas en se laissant berner une fois de plus par les nuées de promesses électorales qui assombrissent le ciel que les choses changeront. Et il serait temps qu’on le comprenne..."

Mais "on" le comprend!! 55% d'abstention aux cantonales, cela ne signifie-t-il pas que plus d'un électeur sur deux a compris?

fhr76

le 5 juin 2011
"...l’État, structure de classe par excellence, a toujours défendu les intérêts des riches, et si cette réflexion ressemble, je vous l’accorde, à un poncif folklorique anarchiste, elle est néanmoins régulièrement confirmée par l’actualité."
Bah oui et Que néni !! Tout aussi poncif ou folklorique qu'elle puisse paraître à certain, cette observation n'en demeure pas moins, en effet, celle d'une réalité comme pour beaucoup d'autres.
Le pire ne serait-il pas, sous prétexte de banalité, de les passer sous silence, alors que le combat mené pour nos valeurs et notre pensée en faveur d'une société fraternelle, égalitaire et libre (poncif folklorique anarchiste ?) s'exerce contre l'existence et la persistance de ces faits ? !
Il me parait important, voire même un devoir vis à vis de nos congénères (dont la prise de conscience du plus grand nombre me paraît être le facteur principal à la réalisation du changement total), que nous ressassions sans relâche nos témoignages, dénonciations, réflexions sur les tares de la société présente (et même celles du passé) conséquences de l'ineptie des systèmes politiques qui les engendre et dont nous sommes à la fois les témoins et les victimes !
Il n'y aura jamais en tout cela de poncifs folkloriques anarchistes tant que l'actualité de l'État et du Pouvoir se fera l'écho de leurs méfaits !