Une nouvelle douche écossaise pour Jean-Marc Rouillan

mis en ligne le 3 mars 2011
1625RouillanLe chaud et le froid ont de nouveau coulé sur les larges épaules de Jean-Marc Rouillan. Le tribunal d’application des peines a aujourd’hui ordonné sa mise en liberté. Le parquet de Paris a immédiatement fait appel…
« Au réveil, la prison me saute à la gorge. Comme un animal à l’affût de l’ultime cauchemar. Le premier sens en éveil m’avertit de sa présence tapie. Un coin de mur surgissant de l’aube, l’odeur du désinfectant, les ablutions diverses des congénères, l’effleurement de la couverture administrative et l’écœurement indicible. Elle me pénètre d’un trait. Elle me force avec la goulée d’air inspirée au bord de cette noyade lève-tôt. Sa langue enfoncée dans la bouche, elle me baise de sa mort journalière, sans fleur ni couronne au tréfonds des caveaux de béton, du “je ne le ferai plus” et des lâchetés misérables. Souveraine tyrannique, la “malamort” de la lèpre moderne et carcérale est là et déjà en moi. Et pas moyen de lui échapper. Jusqu’au plus lointain du dernier exil, j’éprouverai cette nausée. On ne s’habitue jamais à la prison » (Jean-Marc Rouillan, Je hais les matins, Denoël).
Rouillan, âgé de 58 ans, est en taule depuis février 1987…  Il a été arrêté avec Joëlle Aubron, Nathalie Ménigon et Georges Cipriani, tous militants d’Action directe. Les quatre ont été condamnés à perpétuité avec une peine de sûreté de dix-huit ans. Joëlle Aubron est sortie de prison le 16 juin 2004 suite à une campagne de solidarité afin d’obtenir sa suspension de peine pour raisons médicales. Elle est décédée le 1er mars 2006. Nathalie Ménigon est en liberté conditionnelle depuis le 3 août 2008 pour une durée de cinq ans. Georges Cipriani est en semi-liberté pour un an depuis le 14 avril 2010. Sa demande de libération conditionnelle devrait être examinée en mars 2011.
Rouillan a vécu quelques mois en semi-liberté en 2008. Salarié aux éditions Agone dans la journée, taulard la nuit et le week-end. Ce régime a été brutalement révoqué le 16 octobre 2008 suite à la publication d’une interview accordée à un hebdomadaire. « Deux années d’emprisonnement pour des mots… Moi qui, à la sortie de Mai 68, ai fait le choix des armes et de l’action révolutionnaire, me voici, à 58 ans, incarcéré, suprême ironie, “sur parole”. »
Après une hospitalisation en urgence dans un hôpital de Marseille, il a été établi que Rouillan souffre du syndrome de Chester-Erdheim, une maladie rare dont on ne sait pratiquement rien en dehors du fait qu’elle provoque des crises très douloureuses 1. Le militant révolutionnaire, qui est aussi devenu un écrivain reconnu, est détenu à la prison de Muret, près de Toulouse, depuis le 27 octobre 2009. Il a déposé une demande de semi-liberté en novembre 2009. Elle a été examinée le 2 février 2011. La réponse en première instance était attendue pour le 16 février. Prenant en compte « les efforts sérieux de réadaptation sociale » manifestés par Jean-Marc Rouillan, le tribunal d’application des peines s’est aujourd’hui prononcé pour un aménagement de la peine et s’est déclaré favorable à une mesure de semi-liberté. Une nouvelle saluée avec prudence par les amis de Rouillan qui aurait pu sortir de la prison de Muret le 7 mars prochain pour rejoindre, sous surveillance électronique, les locaux de son employeur, les éditions Agone à Marseille. Bien sûr, c’était compter sans la réaction quasi immédiate du parquet de Paris qui a annulé la décision de justice prise quelques heures plus tôt… Assez d’acharnement. Liberté immédiate pour Jean-Marc Rouillan !



1. Cette maladie, pour laquelle il n’existe pas de traitement efficace, touche les os longs, provoquant des douleurs osseuses constantes. (Ndlr.)