Parti communiste français : quel avenir pour le marxisme ?

mis en ligne le 12 décembre 1991
« Le PCF pourra-t-il longtemps encore résister à la perestroïka ? » demandait notre compagnon Jean-Marc Raynaud. C’était il y après de deux ans.
Le PCF était alors en proie à une nouvelle offensive des contestataires du parti. Ce n’était plus les « rénovateurs » mais les « refondateurs ». Ce n’était plus Juquin, ce n’était plus Llabres, c’était les ex-ministres de l’époque 81/83. Le PCF allait déjà très mal. Que dire aujourd’hui ?
Le putsch de l’été en URSS semble mettre en péril un bateau déjà bien éprouvé depuis 1981. La fin du modèle soviétique, la mise au ban du grand frère le PCUS, tout cela concourt à marginaliser un peu plus le parti qui s’est longtemps auto-proclamé celui de la classe ouvrière.
Bien sûr, Marchais, en bon capitaine, tient absolument à rester debout, malgré la tourmente.
Le plus grave dans cette affaire, c’est que le PCF, avec toutes ses purges, ses alignements sur le pays du socialisme réel, ses reniements, ses accords, a eu la mainmise sur le mouvement ouvrier pendant plus de 70 ans.
Rien ne l’avait perturbé, ni les purges staliniennes ni la guerre froide. Il aura fallu attendre l’élection de Mitterand pour voir la suprématie du « parti des camarades » déjà bien entamée en 1968, s’effondrer. Marchais, ne récoltant que 15,3 % des suffrages, était du même coup obligé de céder à François Mitterand qui gagnait les présidentielles.
Le vent de panique viendra en 1984. Aux élections européennes, la liste de Marchais ne récolte que 11,4 % des voix. Tout s’écroule. Les contestataires s’organisent et, crime de lèse-majesté, osent mettre en cause la direction. On connaît la suite et la chute à 7,8 % d’André Lajoinie aux présidentielles de 1988.
Le PCF est en passe de devenir un parti confidentiel. Malgré l’effondrement des régimes des pays de l’Est, aucune véritable remise en cause n’a lieu au sein du parti, habitué depuis des décennies à suivre docilement la direction et à pratiquer le centralisme démocratique. Les courants, les divergences, tout cela n’a pas cours dans le parti.
L’effondrement du communisme à l’Est, et par là-même celui du PCF, n’est pas sans poser de problèmes. Ayant monopolisé des années durant les concepts de « lutte des classes », de « prolétariat », de « révolution », il entraîne dans sa chute ou du moins dans son retrait l’idée même de toutes ces choses.
Certains ont prédit la fin des idéologies, voyant dans la disparition du marxisme dans les pays de l’Est une confirmation de leurs théories.
Cependant, il nous appartient de ne pas laisser accaparer, au nom de la fin des idéologies, l’idée même de changement. Nous ne pouvons que nous féliciter de l’écroulement de l’appareil communiste. Les anarchistes ont eu à souffrir dans l’Histoire du mouvement ouvrier des persécutions de la part des communistes, que ce soit en Ukraine avec le mouvement libertaire de Makhno ou en Espagne avec la CNT et la FAI.
Nous ne sommes pas du genre à hurler avec les loups, mais nous nous devons de rétablir les faits. Nous n’avons pas attendu les écrits de Soljenitsyne pour découvrir la réalité des goulags.
Dés 1870, Bakounine déclarait : « Je déteste le communisme, parce qu’il est la négation de la liberté et que je ne puis rien concevoir d’humain sans liberté : je ne suis point communiste parce que le communisme concentre et fait absorber toutes les puissances de la société dans l’État, parce qu’il aboutit nécessairement à la centralisation de la propriété entre les mains de l’État, tandis que moi je veux l’abolition de l’État, l’extirpation radicale de ce principe de l’autorité et de la tutelle de l’État qui, sous le prétexte de moraliser et de civiliser les hommes, les a jusqu’à ce jour asservis, opprimés, exploités et dépravés. Je veux l’organisation de la société et la propriété collective ou sociale de bas en haut par la voie de la libre association et non de haut en bas par le moyen de quelque principe d’autorité que ce soit ». 1
L’écroulement du PCF peut signifier à moyen terme la possible résurgence de l’anarchisme.
Évidemment, cela n’est absolument pas certain. L’appareil communiste dispose encore de forces et les anarchistes sont-ils capables « d’oser l’aventure de leur propre rénovation et réussiront-ils à sortir l’anarchisme de l’idéologie pour la transformer en mouvement social créateur de l’histoire ? ». 2
La réponse à cette question est porteuse de sens pour la concrétisation d’un avenir que nous voulons radieux.

J.D.C., groupe Humeurs Noires de Lille



1. Cité dans L’Histoire de l’anarchisme, A. Sergent – C. Harmel, éd. Le Portulan, 1949, pp 364-365.
2. « Le PCF pourra-t-il longtemps encore résister à la perestroïka ? », Jean-Marc Raynaud, in le Monde libertaire n°766, 26 octobre 1989.