Bruxelles, ma belle…

mis en ligne le 14 octobre 2010
1608BruxellesC’était parti pour être une belle manifestation : drapeaux, ballons, pétards, flonflons…
Outre le côté réformiste et « pro-croissance » de la CES (Confédération européenne des syndicats, fondée en 1973) qui l’organisait, la manif du 29 septembre dernier de Bruxelles avait l’avantage de rassembler près de 100 000 salariés représentant près de trente pays européens. Dans un contexte général de crise du capitalisme financier et de recul des solidarités (retraites, services publics), tous se retrouvent dans des revendications semblables : ne pas faire les frais de la crise, stopper les licenciements, les baisses de salaire. Ce mouvement s’accompagnait d’une grève générale en Espagne et d’appels à des arrêts de travail dans certains secteurs en Grèce et en France.
Cela aurait pu être le début d’une jonction entre deux composantes du mouvement social qui se croisent plus qu’elles ne s’unissent : d’un côté, le monde du travail, de l’autre les militants No Border. En effet, quelque 400 jeunes étaient installés depuis le 24 septembre à Bruxelles pour un camp dénonçant les centres fermés, les prisons, la chasse aux immigrés et, plus globalement, le système capitaliste.
Mais c’était sans compter sur la présence massive d’une police entraînée à l’intervention urbaine. D’un côté, les casqués, eux, c’est clair, on les reconnaît. Mais aussi les « déguisés en civil » qui foncent sur des individus ciblés pour les extraire du groupe.
Dès le début du rassemblement, à la sortie du métro, 150 arrestations « préventives » ont été opérées et une banderole interdite car elle portait un A cerclé !
Plus tard, en arrivant devant la porte de Hal, des militants No Border ont tenté de constituer un cortège pour se joindre aux manifestants. Là, il y a eu un déploiement de force pour bloquer momentanément le défilé. Le but des flics était clairement de séparer les jeunes du reste des manifestants et de les arrêter. Les coups ont plu dans tous les sens. Résultat : deux blessés graves, une trentaine d’arrestations.
Pour l’anecdote, une copine de Rouen, après avoir reçu un coup de matraque sur le bras, qui lui occasionnera un arrêt de huit jours, a cherché secours auprès d’une ambulance de la Croix-Rouge. Mais à l’intérieur, point de soignants : un flic muni d’une caméra était en train de filmer les manifestants. On ne peut plus compter sur personne !
C’était aussi oublier l’indifférence, voire pire, la complicité de groupes entiers de syndicalistes (dont notre chère CFDT), qui, malgré des appels répétés à stopper la manif, à faire blocage à la police – ce qui était dans nos moyens –, continuaient de manifester comme si de rien n’était. Pas assez nombreux, les quelques militants de Solidaires, CGT et autres inorganisés n’ont pu les convaincre d’arrêter la manif ; seuls les slogans contre la police ont été entendus.
Au final, près de 250 arrestations préventives, alors qu’aucune violence n’a été exercée par les No Border. On est ciblé comme potentiellement dangereux dès lors que l’on a moins de 30 ans, que l’on est habillé en noir et que l’on ne porte pas d’autocollant syndical. Le droit de manifester est clairement remis en cause, les syndicats qui laissent faire sont complices du pouvoir.
Sur le plan humain, non seulement, il est inadmissible de rester impassible face aux violences policières. Mais sur le plan tactique, aucun mouvement social ne pourra gagner durablement sans la jonction de toutes ses composantes. C’est cette jonction que craint le pouvoir. Reprendre à son compte le discours de la police et des médias sur « les jeunes dangereux », séparer les bons manifestants des mauvais, est non seulement criminel mais voue tout mouvement social à l’échec.
Depuis, les No Border ont porté plainte et la Ligue des droits de l’homme de Bruxelles a édité un communiqué. La Fédération anarchiste se joint à leurs protestations.

Virginie Benito, groupe de Rouen de la Fédération anarchiste