Coup fatal à la médecine du travail

mis en ligne le 3 octobre 2010
Le 15 septembre, la majorité UMP a voté la fin de la médecine du travail telle qu’elle existe en France depuis 1946. L’amendement 730 au projet de loi sur les retraites, introduit in extremis il y a quelques jours, supprime l’obligation du recours à un médecin du travail pour surveiller la santé des salariés. Ces derniers seront remplacés par une simple « équipe pluridisciplinaire » composée d’infirmiers, de techniciens ou de consultants, évidemment beaucoup moins payés et moins protégés, et les salariés devront s’en contenter.
À la base, la médecine du travail avait pour mission « d’éviter toute altération de la santé du travailleur du fait de son travail ». Désormais, les médecins n’auront plus que l’objectif de « préserver la santé physique et mentale des travailleurs, tout au long de leur parcours professionnel ». La nuance est de taille. En effet, cette nouvelle formulation supprime la référence au lien causal entre travail et santé. Et cerise sur le gâteau, le lien hiérarchique entre le directeur de service de santé au travail (représentant les employeurs adhérents) et le médecin est renforcé, le premier décidant par exemple des missions du second, au détriment du principe d’autonomie médicale.
Si Éric Woerth se défend d’avoir agi sous la pression du patronat, l’analyse historique de cette « réforme » souligne la victoire patronale qui œuvrait depuis vingt-cinq ans pour la « démédicalisation » de la prévention des risques professionnels. Depuis janvier 2002, la suppression de la médecine du travail a gagné jusqu’au nom des services, désormais appelés « services de santé au travail », comme le préconisait le rapport patronal de 1987. Aujourd’hui, 75 % des médecins du travail ont plus de 50 ans, sans espoir de renouvellement : la profession se meurt. De plus, les intervenants « pluridisciplinaires », censés les remplacer, ne sont aujourd’hui que quelques centaines et certains d’entre eux ont déjà été licenciés pour avoir voulu prétendre à la même autonomie professionnelle que leurs collègues médecins.
Comment ne pas voir se profiler derrière cette réforme le discours réclamant un « salarié plus sain et donc plus productif », mais surtout une nouvelle prévention ne passant pas par la déclaration de maladies professionnelles ou des procès pour faute inexcusable de l’employeur, tels ceux des victimes de l’amiante… Une nouvelle prévention donc, sans risque juridique pour l’employeur, et sans surcoût pour la branche accidents du travail-maladies professionnelles de l’assurance-maladie… Cette dernière étant financée par les employeurs… Et voilà, la boucle est bouclée !