Claude Sigala est libre et il raconte…

mis en ligne le 3 mars 1983
Le Monde libertaire : Quelle est ta première réaction après ces cinq mois d’enfermement injustifiable et injustifié ?

Claude Sigala : Dès les premiers jours de ma détention, j’ai été ahuri par le fait que je devais faire la preuve de mon innocence. Contrairement au droit français, tout prévenu est supposé coupable et non innocent. Ceci est vrai d’ailleurs au sein de l’opinion pour qui, même dans les milieux dits révolutionnaires, la Justice est une dame respectable qui ne peut pas se tromper. Alors que mon courrier était saisi et que par exemple j’ai eu énormément de mal à contacter Radio Libertaire ! Assez rapidement, j’ai refusé de jouer le jeu traditionnel de la connivence accusé-avocats-magistrats et j’ai choisi une stratégie de rupture, entre autres la divulgation de mon dossier à l’extérieur, ce qui est le droit élémentaire de tout inculpé. Un inculpé n’a pas à respecter le secret de l’instruction ! C’est la raison pour laquelle j’ai demandé à deux de mes avocats de cesser leur travail de défenseurs. Je tiens à préciser pour les lecteurs du M.L. que ces avocats ne m’ont jamais abandonné, comme l’a imprimé la « grande » presse, mais nous nous sommes séparés d’un commun accord.
Au niveau de l’anecdote, je peux ajouter que j’ai reçu beaucoup d’offres de services de la part de nombreux avocats flairant la bonne affaire…

Le Monde libertaire : Quel est l’acte qui a provoqué ta libération ?

Claude Sigala : En complément à toute l’action de soutien que j’ai reçue de la part du mouvement libertaire, du CAPJI, des boutiques de droit, etc., j’ai rédigé un mémoire adressé à la chambre de mise en accusation, procédure prévue par le Code pénal, mais jamais utilisée. Il est probable que cette solution constitue une grande première en France… et ceci après que j’ai déposé au moins cinquante demandes de libération conditionnelle et non trois ou quatre comme cela a été écrit.

Le Monde libertaire : Si l’on remonte à l’origine de l’affaire, comment expliques-tu son déclenchement ?

Claude Sigala : J’en suis réduit aux hypothèses. Mais j’en avancerai deux, de caractère politique. La première, contestable, est que l’affaire du Coral a été déclenchée deux jours après la divulgation des manipulations immobilières de Jacques Chirac. Certains membres de l’opposition, encore en place dans l’administration, ont pu déclencher « l’affaire du Coral » comme contre-feu.
La deuxième est relative à nos rapports avec l’administration. Curieusement, une circulaire normalisant ces rapports devait sortir avec un contenu entérinant le mode de fonctionnement des lieux de vie. C’est-à-dire, pour être clair, respectant notre mode de vie libertaire et autogestionnaire. Eh bien, cela l’État français ne pouvait pas le supporter. Tout ce que l’on demandait, c’est qu’on « nous fiche la paix » ! Ca, c’est plus qu’un État ne peut accepter. Pour lui, des espaces de liberté réels sont inconcevables. D’ailleurs, la circulaire, prévue pour septembre, et enfin publiée en février, est évidemment très restrictive.
Le 15 septembre 1982, nous recevons une délégation des pouvoirs officiels qui nous donne de bonnes nouvelles sur la sortie de la fameuse circulaire. Ils ont même visité et déjeuné au Coral.
Le 13 octobre, nouvelle visite au Coral, avec de mauvaises nouvelles, et simultanément ils vont, en cours d’après-midi (ce que nous avons appris plus tard) rendre visite à un enfant dans un village perdu, enfant qui dépend de la DDASS du Gard et qui a quitté le Coral depuis huit mois. Deux jours après, Europe n°1 est en possession d’une cassette d’enregistrement de cet enfant et Paris-Match possède des photos. Il faut se pincer très fort pour ne pas sentir le coup monté !

Le Monde libertaire : Dès le premier jour, nous avons dénoncé la brutalité et la violence des moyens déployés…

Claude Sigala : Oui, des flics du SRPJ de Paris, à huit cents kilomètres d'Aimargues, et le délire de la presse et pas seulement de la presse à sensation…

Le Monde libertaire : … Et malgré nos efforts, nous entendons encore traîner des ragots sur l'accusation de pédophilie. Tu t'es déjà exprimé sur ce sujet; pourrais-tu le faire à nouveau ?

Claude Sigala : Oui, je tiens à réaffirmer bien haut mon attitude sur ce sujet. Tout d'abord, je rappellerai que pédophilie signifie simplement : amour des enfants. Et nous serions des monstres si nous n'aimions pas les enfants que l'on nous confie et si nous n'avions pas avec eux occasionnellement des relations de tendresse comme en ont tous les parents (auxquels nous nous substituons) avec leurs enfants.
Mais cela ne signifie en aucune manière que nous pratiquions ou justifions des passages à l'acte sexuel avec des mineurs. Cela, nous l'avons toujours dénoncé et nous profitons de l'occasion qui nous est offerte dans ces colonnes du Monde libertaire pour le dénoncer à nouveau. Si nous avions besoin d'une preuve de cette affirmation, je citerai simplement l'appui unanime reçu de tous les parents dont nous avons accueilli les enfants.

Le Monde libertaire : En un mot, peux-tu préciser le sens de votre démarche vis-à-vis des enfants ?

Claude Sigala : Il faudrait un livre. Disons simplement que dans les lieux de vie, on partage cette vie, et l'on tente de restituer à l'enfant son identité possible. Nous nous sentons très proches de Sébastien Faure, et le livre de Jean-Marc Raynaud, L'Education libertaire, nous a beaucoup aidés dans notre travail.

Le Monde libertaire : Tes démêlés et ceux d'autres personnes ne semblent pas terminés avec le juge Salzmann.

Claude Sigala : À mon tour, je ne vais pas m'ériger en juge, mais ce n'est pas un hasard si plusieurs fois mes avocats ont demandé qu'il soit dessaisi de l'affaire. Il s'obstine à remplir un dossier qui reste obstinément vide (si ce n'est les huit cents lettres de soutien que j'ai reçues !). Il en a profité pour opérer un véritable ratissage national sur tout ce qui a, de près ou de loin, trait à la pédophilie "criminelle". Il est allé jusqu'à envoyer notre unique dénonciateur, Krief (que nous connaissons bien, qui possède un caractère influençable, et qui s'est rétracté) en Hollande avec des policiers pour chercher dans une revue de pornographie infantile, Lolita, des photos prises au Coral. Mais nous préférons le laisser seul avec ses fantasmes.

Le Monde libertaire : Fantasmes ou pas, il continue d'agir.

Claude Sigala : Oui, et après m'avoir libéré, il a emprisonné mon ami Jean Lapeyrie dont le seul tort est de m'avoir soutenu sans défaillance, entre autres grâce à la publication du Feuilleton du Coral. Il va falloir maintenant se battre pour le faire libérer…

Le Monde libertaire : C'est l'affaire du Coral n°2.

Claude Sigala : Exactement, et en particulier je vais essayer de participer chaque mercredi aux émission de Radio Libertaire sur le "Feuilleton" et samedi prochain, dans le cadre des émissions "Prisons", je viendrai dénoncer le phénomène carcéral français, et entre autres la permanence du mitard, lieu où on continue en France de torturer physiquement et psychiquement les détenus qui revendiquent leur personnalité d'hommes. Mais ceci est une autre histoire… En France, c'est très dur "la taule".

Le Monde libertaire : Une conclusion, Claude Sigala ?

Claude Sigala : Nous avons mis à nu, comme le fait actuellement Radio Libertaire, l'impossibilité pour l'État de cohabiter avec des expériences libertaires. Nous devons continuer de nous battre, et le plus urgent, c'est de sortir Jean Lapeyrie de prison, avec l'arme de la vérité, car « seule la vérité est révolutionnaire ».


Propos recueillis par Yves



COMMENTAIRES ARCHIVÉS


sanmarco13

le 9 mars 2014
Lisant une des hypotheses,soit disant a carractere politique,que monsieur SIGALA,vous cite,je ne peut m'empecher a penser,entant que responsable du lieu de vie *le coral*que sa condanation etait justifier et que sa liberation n'enleve rien a son eventuel participation.En tout cas,cettz affaire a vontribuer a m'eloigner un peu plus de mon grand frere DENIS laurent.Je precise que mon frere DENIS LAURENT se trouvait dans ce lieu de vie.Dans le meme tempt ma demande de pouvoir voir mon frere a ete tres vomplique du fait de cette histoire de moeurs.Je precisenaussi que j'etait place a la fondation claude pompidou en correze,ou le conseille generale de l'epoque etait monsieur CHIRAC JACQUES,impliquer par monsieur SIGALA DANS UNE DES DEUX HYPOTHESES,lors de votre interwieu.Par ailleur,claude SIGALA n'a jamais rien fait, etant educateur pour retablir le lien entre mon frere DENIS LAURENT qui est a se jour,son gendre,apres avoir epouser sa fille HELENE,qui est aussi juge pour enfant,que je salut au passage....

cigale11

le 7 décembre 2014
Je ne comprends pas le commentaire de sanmarco13 je n'ai jamais éloigné Laurent de qui se soit et encore moins de son frère avec qui d'ailleurs je suis toujours en relation même s'il ne partage plus la vie de ma fille Hélène. Si vous voulez rentrer en contact avec lui,aucun problème, je vous donnerai ses nouvelles coordonées. J'aimerai aussi dialoguer avec vous et vous expliquer toute cette affaire de plus de 30 ans (1982!) et vous comprendrez comment vous avez été manipulé à l'époque. Je suis sur facebook ainsi que votre frère Laurent. Bien à vous Claude Sigala

MERVILLE

le 31 décembre 2014
salut claude c est merville j ai l impression que la polemique continue ici francoise nous a quittee le2 1 2014 et la vie continue et vous?