Si le vin des luttes coule à flots nos retraites ne boiront pas la tasse

mis en ligne le 27 mai 2010
Comme prévu, l’asperge Woerth de Chantilly a choisi le mois de mai pour répandre sa crème avariée sur les faces d’endives des partis politiques et sur les citrouilles creuses que sont les syndicats de cour. Cette dégoûtante mixture est le contenu du document d’orientation sur la contre-réforme des retraites. Le texte fait dix-sept pages et comporte quatorze engagements. L’innovation gastronomique n’est pas la caractéristique du ministre du travail. Preuve en est, le Bercy patron présente une recette éprouvée mais surtout éprouvante pour l’estomac du vulgum pecus : celle qui décrit les prochaines étapes pour faire cuire les retraites à l’étouffée.
à la surface de l’infâme potion surnagent deux certitudes : la durée d’activité va augmenter et un prélèvement exceptionnel sur les hauts revenus et les revenus du capital sera mis en place. Le visuel devant être flatté, nous sommes priés de croire la chose suivante : les éclats de vernis résultant d’un léger grattage du bouclier fiscal témoignent de la volonté de justice sociale du gouvernement. La valeur Pinocchio est bien toujours à la hausse sur les marchés des voleurs (désolé pour le pléonasme). Éric l’asperge Woerth nous vend des salades lorsqu’il certifie qu’il n’y aura pas de baisse des pensions. Or le COR (de chasse aux retraites) indique que la pension représentait 79 % du salaire avant les contre-réformes (dont le bal fut ouvert en 1993), 72 % en 2007 et serait de 65 % en 2020 et enfin, de 59 % en 2050. Certes, le pare-brise des économistes et des statisticiens offre un champ de vision limité, par contre il n’en va pas de même des rétroviseurs quand ils reflètent l’état de nos porte-monnaie. Ainsi, la cupidité des riches – amoureusement servie par sa valetaille experte dans le maniement du hachoir à viande – a fait des ravages dans le pouvoir d’achat des retraités, si l’on songe qu’entre 1994 et 2004 celui-ci a baissé chaque année de 0,3 % pour le régime général, 0,6 % pour les complémentaires et de 0,5 % pour les fonctionnaires.
Mais il suffit pour les chiffres, car n’oublions jamais que nos ennemis de classe font du poildecultage leur fonds de commerce habituel là où la plus élémentaire honnêteté leur enjoindrait de jeter leur loupe pour décrire en peu de mots ce qui pourtant crève les yeux : la captation de plus en plus importante de la valeur ajoutée du travail par le capital. Le chômage réel atteint 15 % de la population active du pays. L’atteinte de l’égalité salariale entre les hommes et les femmes progresse à la vitesse d’un colimaçon asthmatique. Tout particulièrement les jeunes, mais aussi de plus en plus de « seniors », sans oublier non plus un grand nombre de salariés n’appartenant pas à ces deux catégories statistiques courent après des miettes de travail pour assurer simplement leur pitance et celle des leurs. Mais surtout ne paniquons pas…, les économies d’aujourd’hui sont les graines qui ensemenceront les champs de la prospérité future ! Dommage que nos grands pédagogues de la résignation soient avares d’exemples pour étayer leur doxa. Alors, faisons-le à leur place. En 2009, les entreprises du Cac 40 ont distribué 75 % de leurs profits sous forme de dividendes à leurs actionnaires. Toujours dans le registre des menteurs patentés, l’application du proverbe arabe « Donne un cheval à celui qui dit la vérité, il en aura besoin pour s’enfuir » conduirait les socialauds à laisser leurs canassons à l’écurie en permanence. Les zigomars en question, après avoir applaudi des deux mains à l’annonce des gigantesques mesures d’austérité infligées au peuple grec – sous la houlette d’une Premier ministre de leur bord (la même remarque s’applique itou à l’Espagne de Zapatero) – en remontreraient presque à Besancenot ou à Mélanchon dans le registre du « il faut faire payer les riches ». Comme quoi, quand les caïmans jurent qu’ils sont les amis des poissons, c’est pour dissuader les crocodiles de s’emparer avant eux des proies qu’ils convoitent. Eh oui, pour éviter que le gros saurien Strauss-Kahn, ci-devant chef des criminels en col blanc du FMI, soit le candidat désigné du PS aux élections présidentielles de 2012, rien de tel que d’apparaître comme les preux chevaliers défenseurs de la citadelle déjà très ébréchée des retraites.
En résumé, la rapacité des uns se conjugue très bien avec la veulerie des autres. Le plus grand nombre d’entre nous serait-il victime d’aboulie, d’asthénie, toutes choses découlant d’une forme sévère d’aporie ? En quelque sorte la guerre idéologique menée par les dominants aurait-elle complètement anéanti toute forme de conscience de classe au point d’avoir laminé notre volonté d’être les seuls acteurs de notre destin ? Nous postulons que les apparences sont trompeuses. N’empêche, si nous laissons la pensée dominante exercer en continu ses maléfices sur notre cogito, il est clair que cette retraite de la pensée se paierait d’un prix vertigineux et pas seulement sur les retraites. Tendons la main à tous les hommes, à toutes les femmes qui subissent tous les jours l’emprise destructrice de la machine médiatique et disons-leur ceci : c’est un fait, la plupart des pays européens – pour en rester seulement à ceux-là – se voient infliger, ou se verront infliger à court terme, des sévères cures d’austérité. Mais en quoi la peste qui les frappe serait-elle plus ravageuse que le choléra qui nous est promis, façon de nous illusionner sur des tourments prétendument moindres que les leurs ?
Les riches se gavent sur notre dos, circonstance aggravante, ils se foutent de notre gueule ouvertement. Rendons-leur un grand service, ne serait-ce que pour préserver leur santé vu que la cruauté n’est pas de notre côté. Appuyons vigoureusement sur leur bide pour leur faire recracher tout l’argent qu’ils nous ont volé. Qui sait, peut-être que certains de ces gloutons, soudain tétanisés par la trouille, nous remercieront-ils vivement de leur avoir évité de crever d’indigestion ?