Pot-de-vin TOTAL

mis en ligne le 15 avril 2010

En ce moment, ça doit bouillonner dans les services juridiques de Total. C’est même un boulot à plus que plein temps, vu que la multinationale est sans cesse sur le devant de l’actualité et pas franchement pour faire reluire son image. Total pourra toujours diffuser des spots publicitaires aux allures de films de Nicolas Hulot, sponsoriser une chaire de développement durable au Collège de France, plus personne n’y croit et si on va se fournir en carburant chez Total, ce n’est pas une question de hasard ou pas, c’est qu’on ne peut pas faire autrement.

Un récent sondage montrait que 70 % des personnes interrogées avaient une image négative du pétrolier, ce n’est pas pour rien.

Total est le premier groupe français par le chiffre d’affaires, les profits et ses valeurs boursières, mais ça ne l’empêche pas de supprimer des emplois. À peine les milliards de bénéfices affichés pour l’an dernier (en recul mais quand même), la multinationale annonçait la fermeture de ses dépôts d’hydrocarbures, ainsi que de sa raffinerie des Flandres. Si un mouvement relativement fort a obtenu la promesse (!) de Total de ne pas en fermer d’autres d’ici cinq ans, on sait que ça n’est pas fini. Total est en train de céder ou de vendre ses filiales plus assez rentables (dernière en date : Spontex). Bref, côté social, c’est pas la joie (je ne parle pas du côté pollution), et côté juridique, c’est pas mal non plus.

Total semble au-dessus des lois et ça ne passe pas. Lors du procès de la catastrophe d’AZF, Total a été jugé responsable mais pas coupable et s’en sort bien (appel prévu en janvier 2011). Dernièrement, pour le procès de l’Erika, Total a été jugé coupable au pénal mais pas au civil, ce qui veut dire que Total ne paiera pas davantage et que ce sont les armateurs qui sont vraiment condamnés. Suite à des catastrophes anciennes (Torre Canyon, Amoco Cadiz…), les pétroliers se sont débarrassés de leurs flottes et ont préféré sous-traiter avec des armateurs « indépendants ». Sauf qu’en tirant sur les coûts, ils en arrivent à affréter des navires vétustes sans en être responsables (pourvois en cassation prévus). Ces deux procès, où Total s’en sort trop bien, laissent pour le moins un goût d’amertume.

Voilà qu’une nouvelle affaire rattrape Total, celle de corruption dans le cadre de « Pétrole contre nourriture ». Ce n’est pas nouveau, puisque ça date de 2002, et des dirigeants de Total (dont l’actuel PDG) ont déjà été mis en examen. Le groupe pétrolier aurait versé des pots-de-vin à Saddam Hussein pour obtenir du pétrole à bas prix.

Les cadres dirigeants de Total (mais aussi des autres multinationales) se sentent au-dessus des lois. L’actuel PDG de Total a été intronisé au moment où on apprenait qu’il se traînait quelques casseroles de corruption et de pots-de-vin, histoire de faire un pied de nez à la « justice ». Ces « entrepreneurs » (comme dit Parisot) se veulent des aventuriers du capital qui n’ont de compte à rendre qu’aux actionnaires (dont ils font le plus souvent partie). Des sortes de Largo Winch de la finance. Les états et les lois sont juste là pour les protéger de la racaille et de la plèbe. De temps à autre, un procureur ou un juge d’instruction s’essaie à les mettre en accusation, mais ces chefs d’entreprises ont un tel pouvoir, de tels moyens de pression, qu’ils s’en sortent, même sans les honneurs.

Bien sûr qu’on finira par les pendre, mais d’ici là, ils ont encore les moyens de nous nuire.