Boycotter Israël ? Évidemment, puisque ça devient un délit !

mis en ligne le 25 février 2010
Le verdict est tombé, mercredi 10 février 2010, au tribunal de Bordeaux : boycotter les produits israéliens (tant qu’Israël ne respecte pas le droit international et continue à distribuer sous label « Made in Israël » des produits originaires des colonies israéliennes en territoires palestiniens) est une « provocation publique à la discrimination envers un groupe de personnes en raison de leur appartenance à une nation déterminée ». Sakina Arnaud a donc été condamnée à mille euros d’amendes pour cela et à verser un euro de dommage et intérêt aux parties civiles Avocats sans frontières de Gilles William Goldnadel et à l’association Chambre de commerce France-Israël. La preuve du caractère politique de cette décision tient dans le fait que le plaignant ait été débouté de sa plainte pour simple dégradation d’un produit par apposition d’un autocollant (appelant au boycott des produits israéliens). Contrairement à ce que dit Uri Avnery, si l’Europe prévoit dans ses accords d’association avec Israël qu’ils ne concernent que les produits provenant spécifiquement des territoires israéliens internationalement reconnus (ceux dits d’avant 1967), aucune mesure ou sanction n’est prise contre Israël pour non-respect de ces règles. Bien que le Parlement européen ait voté en 1995 la suspension des accords d’association pour non-respect justement de cette clause, les exécutifs n’ont jamais mis en œuvre la décision du Parlement.
Ce verdict éminemment politique ne devrait étonner personne quand on sait la réalité du contexte. La plainte pour dégradation a été requalifiée de « provocation à la discrimination » par le procureur suite à la publication d’une note de la nouvelle garde des sceaux sollicitant les procureurs à poursuivre les actions appelant au boycott des produits israéliens. Maître Goldnadel, de la partie civile, vient d’être élu au conseil d’administration du Crif, au repas duquel tous les politiques de ce pays se pressent pour bouffer et recevoir les consignes pour améliorer les relations avec Israël. Le comble est de lancer cette condamnation au moment de l’anniversaire de la libération de Mandela, voulant ainsi faire oublier tous les combats contre la discrimination gagnés grâce à des actions de boycott (fin de l’apartheid en Afrique du Sud mais aussi de la ségrégation aux états-Unis). Pour certains édiles de l’extrême droite, il importe que ces victoires historiques ne se reproduisent pas avec Israël. Et pour bien appuyer sur l’opinion publique française, les premières personnes poursuivies sont choisies pour leur nom à consonance arabo-musulmane, ainsi madame Arnaud redevient ainsi madame Khimoun.
Mais ne nous y trompons pas, ce verdict aurait condamné aussi la campagne de boycott des oranges Outspan d’Afrique du Sud, ou demain des campagnes contre les produits indiens fabriqués par des enfants. L’éthique sur l’étiquette a du souci à se faire, par contre le boycott de l’Iran ne sera pas concerné, car imposé par des mesures d’État.
Alors, oui le boycott est une action directe non-violente, qui permet à chacun au quotidien d’agir, ce que ne font pas les politiques, et donc d’être un moyen de pression morale, de prise de conscience. Et pour être efficace, il doit cibler deux ou trois marques connues pour tirer leur profit des terres volées aux Palestiniens, comme les oranges Jaffa (voir le film d’Eyal Sivan, Jaffa), les avocats de la marque Carmel ou enfin les génériques pharmaceutiques Teva. En plus, cette campagne de boycott s’associe avec une campagne auprès des autorités pour leur demander d’arrêter les investissements en Israël et des sanctions en particulier contre les crimes de guerre et contre l’humanité menés par Israël à Gaza, il y a un an, comme le dénonce le rapport Goldstone. Enfin, cette campagne, dite BDS *, est appelée par la société civile palestinienne et soutenue par quelques organisations israéliennes comme les Anarchistes contre le Mur qui soutiennent Sakina dans ce combat (voir la liste des soutiens sur le site de la pétition en ligne « Appel contre la criminalisation du boycott et de la critique de la politique israélienne »).

Philaud, cercle Jean Barrué (Bordeaux)

*. Boycott, désinvestissements, sanctions sur le site : www.mesopinions.com/petition-nombre.php (vers la position 131).