éditorial du n°1424

mis en ligne le 5 février 2006

En fin de règne, notre président de la République commence à se demander ce qui restera de sa décennie au pouvoir. Lors de sa dernière campagne électorale, il avait promis aux restaurateurs, domaine professionnel où le Smic est le plus bas et où l'exploitation est l'une des plus fortes (non-paiement des heures supplémentaires, cadences infernales...), de baisser leur TVA à 5,5%. En tant que partisan de l'égalité économique, cette baisse de TVA aurait de quoi nous séduire, cette taxe étant l'une des plus inégalitaires qui soit. Mais la catégorie socioprofessionnelle, pour laquelle notre chef de l'État s'est battu sans espoir au sommet européen, regorge de petits boutiquiers lepénistes qui n'auraient eu aucune intention de répercuter ce pourboire présidentiel sur leurs consommateurs, mais bien au contraire de se mettre dans la poche ce surplus de bénéfice. Une autre occasion de montrer sa magnanimité est le paragraphe de la loi destiné à rendre aux harkis leur dignité que les gouvernements français leur avaient spoliée, dans lequel des nostalgiques de l'OAS avaient glissé en catimini une obligation pour les enseignants de mettre en valeur le rôle positif de la colonisation. Bien sûr, dans le cadre de cette loi, il n'est pas fait allusion à la colonisation des Gaulois par les Francs. Il s'agit de cette atroce parenthèse coloniale en Afrique initiée par Badinguet - l'empereur d'opérette qui assit la dictature bourgeoise des maîtres des forges, des banquiers et autres grands industriels - et établie par les républicains massacreurs de la Commune de Paris. Bottant en touche vers le conseil constitutionnel, le croquant nous donne encore une fois un aperçu de sa veulerie.

Pendant ce temps, le gouvernement essaie de nous faire prendre des vessies pour des lanternes en nous présentant la casse du Code du travail comme une formidable chance pour les moins de 25 ans et les plus de 50 ans d'entrer ou de rester dans le monde du travail. Il faut être vraiment abrutis de propagande pour ne pas voir dans ces nouveaux contrats d'embauche un pas vers la généralisation de la précarité. Les grandes entreprises multinationales comme SEB tentent de nous faire comprendre que jamais nous ne serons concurrentiels face aux ouvriers chinois, et que nous devons nous résigner. Plutôt que de nous résigner à être les jouets jetables des boursicoteurs en manque de plus-value, il est temps de nous lever, de nous émanciper de tous ces doryphores qui nous épuisent, pour, ensemble, prendre nos affaires en main et les gérer nous-mêmes.