À bas la calotte !

mis en ligne le 19 décembre 2005

« À bas les calotins ! » Ce cri résonnait, dans la maison familiale et commune, ouverte aux copains, rappel pour moi, enfant vaquant à mes occupations, que le grand-père, vaquant lui-même à ses préoccupations, allait fort bien et lâchait une de ses injures favorites à la place du « merde » ou surtout du « nom de Dieu » qu'il n'était pas question d'employer sauf à aimer rire une fois de plus sur les injures banalement ou non moins banalement employées... Nos gros mots étaient choisis et nous avions plaisir à les formuler dans un clin d'œil léger entre nous, en privé, dans les coulisses d'un combat public qui était tout sauf léger. Mais ceci se passait dans les années 60, dans un univers familial et amical absolument athée.

Nul doute que dans quelques mois, nous allons assister à une petite avalanche de faits commémoratifs sur la loi de séparation des Églises et de l'État de 1905. Petite ? oui, parce que nul doute non plus que l'ensemble des médias feront l'écho de la voix off des pouvoirs publics, des associations et des partis socialistes en quête de spiritualité très prudente. Opportunisme d'une propagande adaptée aux nouvelles règles institutionnelles de la laïcité... de l'État ! Laïcité revue et corrigée au service des gouvernements opportunistes, des cathos dits « de gauches » ou des laïques « défroqués ». Magnifiques générations politiques des années 70... qui ne nous privent pas de leur mise à jour destructrices.

« À bas les calotins ! » Pépé, je t'entends comme hier. J'ai eu cette chance de grandir en partie dans une maison où les copains, camarades et amis, unis dans L'Idée libre, Lorulot, Souvenance, avaient des discussions de militantisme omniprésent dont le plus grand souci était la lutte contre toute forme d'oppression, notamment celle des Églises et de leurs tenanciers en robe.....

Dans ce combat commun pour la liberté, convaincus au-delà de leur propre génération, résolus à tailler franchement dans la bête immonde par tous les moyens de l'intelligence que les hommes d'état n'ont pas, ces militants ont copieusement écrit avec beaucoup de sarcasme et d'insolence parfois, beaucoup d'humour aussi.

En primeur, et un peu avant que la mascarade prenne place, il est des textes que je souhaite (re)faire lire, absolument sans plus d'ambition que les ressortir comme tels parce que ces textes nous évoquent la réalité d'un combat au quotidien, celui des militants laïques des années 30 à 80, bien après que l'état ait adopté des lois de séparation.

Ces textes ne visaient pas dans leur sarcasme ce qu'on appelle les « fidèles », les pratiquants des églises...quoique parfois... Bien au contraire, ces textes espéraient les dé-asservir, les rendre conscients de liberté laïque, les appeler à un libre arbitre.

La grande démagogie que je pressens en 2005 ne se risquera pas à évoquer ce militantisme anticlérical car il était dirigé contre toutes les institutions et autorités religieuses, essentiellement catholiques à l'époque, et contre les états qui s'y conformaient. Ces militants laïques ont bien évidemment été accusés en leur temps d'intolérance... C'était un joli compliment, je trouve !

À l'époque, il s'agissait essentiellement d'un joug catholique en France. Le même combat contre d'autres églises, l'islam notamment, s'est mené aussi en Afrique occidentale noire, ex-française. L'islam s'est présenté de la même façon et investissait spécifiquement les champs de l'instruction des enfants et des femmes en Afrique décolonisée. Pour ces mêmes militants laïques chargés de l'après- décolonisation en Afrique occidentale, il n'y avait pas de différence. Ils se sont inscrits aussi parallèlement ou en même temps dans un combat pacifiste pour certains allant dans la fondation d'un parti pacifiste internationaliste (PPI, cf. « Pour un parti pacifiste internationaliste », Jean Souvenance auteur éditeur, Ar Peuc'h, Tertre Aubé, Saint-Brieuc, 1945). À ce sujet -- qui n'est pas celui que je veux évoquer ici, cependant il faut aussi en donner tout le contexte --, il y a beaucoup d'idées contraires dans le milieu libertaire, mais ceci s'inscrivait dans la période d'après-guerre et de décolonisation pendant laquelle certains des copains de L'Idée libre, ont travaillé au sein de la Ligue des droits de l'homme, Ligue de l'enseignement, fédération des Œuvres laïques et de... l'UNESCO. Mon grand-père en était, mais je crois qu'ils étaient conscients des intérêts des États dans les organismes internationaux à prolonger la mainmise sur les peuples au-delà des décolonisations politiques. Le grand-père a notamment démissionné de l'UNESCO.

Aujourd'hui, ces militants ne seraient pas étonnés d'apprendre que toutes les Églises se sont investies dans tous les domaines avec la complicité des états qui imposent leurs lois de contrôle et la guerre à tous les peuples du monde. Aujourd'hui, il me semble, à la lecture de leurs textes, que certains mèneraient le même combat mais à des fins de desservir tous les pouvoirs autres que religieux. En tout cas, c'est ce qu'ils m'amènent à déduire pour notre propre militantisme.

Qu'importe donc les spéculations sur l'investissement de nos aïeux dans le temps présent. Ce qui compte c'est de retrouver l'état d'esprit de cette génération qui pensait aux futures et qui nous donne quelques leçons de courage et d'audace.

Jacqueline milite au groupe La Sociale à Rennes.