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par Evelyne Trân le 6 août 2024

Le brigadier et le pacifiste

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LA CONTRAINTE de Stefan ZWEIG





Diffusion : D. Ceccato
Interprète : Stéphanie Chamot (musique live), Anne Conti, Cédric Duhem
Créateur·rice lumière : J-M Daleux
Attaché·e presse : Catherine Guizard
Adaptation théâtrale et mise en scène : Anne-Marie Storme

La contrainte est une nouvelle forte et méconnue de Stefan ZWEIG, quasi autobiographique, publiée au lendemain de la grande guerre en 1920. Stefan ZWEIG n’avait pas 30 ans.




En tant qu’Autrichien ZWEIG a applaudi les victoires des Allemands. Il est mobilisé au service littéraire des archives de la guerre. Mais il est rapidement gagné par l’idéal pacifiste de son ami Romain ROLLAND. Parti en mission spéciale en 1915 dans d’anciens territoires occupés par l’armée du tsar, il prend la mesure de l’horreur (cf. Sabine DULLIN préface dans le Monde sans sommeil éditions Petite biblio Payot). En 1917, il a une permission pour se rendre en Suisse et finit par obtenir d’y demeurer sans être démobilisé. Il avoue à Romain ROLLAND « Je suis en train de terminer un petit récit qui résulte d’un conflit intérieur - celui qui, depuis des mois, me tourmente et m’éprouve : la question de savoir s’il faut ou non rentrer, le cas échéant. J’espère au fond que pour moi cette question ne se posera pas aussi rapidement, mais elle taraude ma conscience, et ce petit récit est une sorte de confession ».

L’adaptation théâtrale de cette nouvelle et la mise en scène de Anne-Marie STORME plongent le public d’emblée dans une sorte de huis clos où le monde intérieur d’un homme est confronté cruellement au monde extérieur, celui d’un monde en guerre, sa propre épouse, Paula, exprimant farouchement son désir de liberté et de paix.

Mais au plus profond de cet homme on entend la solitude, celle d’un individu acculé à faire un choix celui de répondre ou ne pas répondre à la lettre de mobilisation l’enjoignant à rejoindre sans tarder son pays natal et donc de quitter un havre de paix et de bonheur où il s’est réfugié avec sa femme.

Stefan ZWEIG écrit dans son journal « J’envie ceux qui ont toujours vécu dans un cercle étroit, leur sentiment national entêté et épais comme un cou de taureau ».

Son personnage Ferdinand « fut pris d’une infinie compassion… pour les gens de son monde natal… et un désir infini d’être allié à eux et à leur destin ».

Et pourtant, il le sait « Sa patrie, ce n’était plus désormais pour lui que prison et contrainte. L’étranger, l’Europe, l’humanité, tel était sa patrie, son monde… ».

Tandis que son épouse l’exhorte violemment à ne pas obéir à l’ordre de mobilisation, il apparait terrassé. Tous les arguments de sa femme, il les entend : « Ces mots avec lesquels on veut maintenant chloroformer les gens, ensuite la patrie, le devoir, l’héroïsme, tout cela n’est plus que phrases creuses qui puent le sang, le sang humain chaud et vivant ».

Ferdinand se rendra à la convocation. Comment ne pas le comprendre ? Se représente-t-il vraiment cette injonction venue d’en haut, « la grande machine à bousiller les gens » selon sa femme. Ou est-ce ce sentiment qu’il ne peut faire abstraction de la réalité de la guerre dans son pays d’origine et se consacrer uniquement à son bonheur personnel, qui le contraindrait à remiser son idéal de paix et de liberté ?

L’adaptation de la nouvelle, atemporelle est fidèle au texte de ZWEIG dont les dialogues entre les époux particulièrement vifs ont une portée théâtrale. On pense à un thriller psychologique qui tient en haleine le public jusqu’au bout.

La musique électro rock très suggestive de Stéphanie CHAMOT également narratrice, fait partie prenante du spectacle.

Elle traduit ce sentiment particulièrement anxiogène de la guerre qui bouleverse la vie d’un couple pourtant réuni par le même idéal de paix et de liberté.

Cependant la vitalité de la femme interprétée par Anne CONTI, et la douceur pleine d’humilité de Ferdinand incarné par Cédric DUHEM dégagent une telle humanité qu’elle en devient réconfortante.

C’est tragique mais une force de vie transcende cette nouvelle d’une acuité renversante, adaptée et mise en scène remarquablement par Anne-Marie STORME.

Est-ce cela la liberté ? Le droit que tout individu s’octroie de continuer à penser et ressentir librement malgré tout ordre d’où qu’il vienne.


Evelyne Trân

Le 6 Août 2024


N.B : Le spectacle a eu lieu au Festival off d’Avignon 2024 au Théâtre de la Bourse 8, rue de la Campane 84000 AVIGNON du 3 au 20 Juillet 2024

Tournée 2025

Le Palace, 60160 Montataire. 4 représentations les 25 et 26 février à 10h et 14h30
Centre culturel François Mitterrand, 02270 Tergnier. 2 représentations le 28 février
Espace culturel Jean Ferrat, 62210 Avion. 2 représentations le 28 mars
L’Escapade, 62110 Hénin-Beaumont. 1 représentation (date à déterminer)



PAR : Evelyne Trân
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