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Travail social
par A&J le 26 avril 2020

Lieu de vie pour mineurs et Covid

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Témoignage

Nous publions, et publierons, des témoignages de personnes qui travaillent malgré le confinement, le covid-19 et le mal être qui en découle. Ces témoignages ont été recueillis par le groupe Graine d’Anar de Lyon. Merci à lui.





Lieu de vie pour mineurs et Covid
Nous sommes en couple et nous travaillons en tant que permanents sur un lieu de vie accueillant 8 mineurs placés par la protection de l’enfance. C’est-à-dire que, à raison de deux semaines sur quatre, nous vivons avec eux en continu en tant qu’éducateurs où notre mission principale est la médiation des liens, et le bien-être physique et psychique des enfants. Sans oublier la prise en charge de tout ce qui incombe à la vie quotidienne (courses, cuisine, ménage, lessives, trajets …).

Ce lundi 16 mars, en début d’après-midi, nous avons pris la route du travail avec peu d’enthousiasme et beaucoup de questions.

Déjà, il y avait eu l’annonce de la fermeture des écoles le jeudi précédent. Bien qu’en repos, nous avions déjà fait une projection de ce que cela allait impliquer dans notre travail : les 8 enfants seraient présents toute la journée. Un peu comme en période de vacances, nous étions nous dit.

Mais bon, ce ne sera pas des vacances, puisque depuis samedi, nous savions que les lieux accueillants du public étaient fermés jusqu’à nouvel ordre.

Et pour rajouter un peu à l’ambiance déjà pesante, nous avions reçu un mail le matin même, nous informant qu’un enfant avait été en contact avec un cas avéré dans sa classe.

Après notre réunion de travail, les nouvelles consignes étaient claires : mise en quarantaine pour 15 jours de l’enfant susceptible d’être contaminé, mise en place des gestes barrières (notamment le respect de la distance d’un mètre, mais sans le matériel nécessaire (pas de gants, ni de masques, nous ne sommes pas prioritaires), annulation de toutes les prises en charges extérieures, ainsi que des visites familiales. Elles ont été renforcées le soir même par l’annonce du confinement, venant encore restreindre nos mouvements.

Nous étions inquiets car cette situation renvoyait les enfants à leurs problématiques principales : peu de capacité à s’occuper seuls, et gestion difficile de leurs relations aux autres : deux enfants du lieu de vie ne peuvent pas rester ensemble sans la médiation d’un adulte, car leurs différentes problématiques psychiques ne le leur permettent pas (conflit,domination, violence physique et verbale…).

Finalement, cette période de confinement aura demandé une adaptabilité extrême.

Les enfants ont dû accepter le fait qu’ils ne verraient pas leur famille pour le moment. Difficile quand on a 6 ans de comprendre qu’à cause d’un « virus » on ne verra plus sa maman et sa sœur une fois par semaine comme décidé par le juge. Ils ont dû accepter aussi la distance imposée par les gestes barrière. Pas de bisous le matin pour se dire bonjour, plus de brossage de dents ensemble dans le même évier, et surtout plus de câlins le soir avant d’aller dormir. Pourtant, avec les parcours de chacun, ces moments d’échange et de proximité sont le fondement même de notre intervention. Et enfin, accepter cette nouvelle routine centrée sur la maison, accepter les autres avec leurs difficultés et leurs humeurs et surtout, dans cette situation qui laisse du temps pour penser, essayer de s’accepter soi-même.

Pour notre part, il nous aura fallu déployer énormément d’énergie pour pouvoir endosser les nouvelles « casquettes » que nous impose ce confinement. Celle de l’enseignant : comment suivre 8 enfants,d’âges et de niveaux différents, et les aider au mieux à poursuivre leur apprentissage et maintenir une scolarité déjà compliquée ? Celle de psychologue, puisque les prises en charge médicales sont suspendues. Mais comment accompagner un enfant de 12 ans qui a fait une tentative de suicide il y a quelque mois, et dont le retour au lieu de vie dépendait d’un suivi psychologique rigoureux fait par des professionnels ?

Dans ce moment de crise, éliminant tout rapport extérieur, il nous a fallu redoubler d’implication et d’énergie pour continuer à être un repère de stabilité et de sécurité pour les enfants.

En attendant de retourner travailler, nous nous demandons quelles solutions alternatives vont être proposées aux enfants pour leur famille et leurs prises en charge extérieures ? Nos temps de travail pourront-ils être aménagés ? Car aujourd’hui nous ne savons pas si nous pourrons fournir autant d’efforts dans la durée …
A&J
PAR : A&J
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