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par Nuage fou le 21 octobre 2019

Céréales pour tous, légumes et légumineuses, noix et graines – Y’a bon !

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Article extrait du Monde libertaire n°1809 de septembre 2019
Où finalement, et grâce à la (non-)lecture de l’incontournable Rapport du GIEC, l’on s’aperçoit que le capitalisme s’apprête à s’arroger le droit de propriété sur l’ensemble de la planète : les choses, les bêtes et les hommes, même les idées. Que, si la mortelle cupidité du Grec Midas n’était que la pauvre folie d’un minuscule roitelet sans imagination, il a pourtant été l’inspirateur du mode capitaliste de relation au monde et qui pourrait bien l’auto-détruire – on pourrait l’appeler « ressourcification ». Serons-nous également auto-détruits :-/ ? Saurons-nous voir et comprendre la menace ? Saurons-nous apprendre enfin de nos maîtres grecs, jusqu’ici insurpassés, imaginer le nouveau mythe, susciter l’Homère de notre temps qui saura assembler le récit qui nous manque, trouverons-nous comment le dire, pour enfin, agir, et en nombre et à temps ?
Telle est notre enquête, nous tentons ici d’initier l’exploration de ces sujets de plus en plus... brûlants.





Ici, c’est la douce campagne du Gâtinais, un ancien moulin à eau presque caché au fond de ces terres légèrement vallonnées qui bordent la forêt de Fontainebleau. C’est au bord d’une petite départementale, au milieu de nulle part. Il n’y a que deux voisins, pas très proches d’ailleurs, on entend leurs bêtes parfois, mais on ne se voit pas, Paulo, le bougnat qui élève et vend des chevaux, tandis que Pierrot, ancré là depuis plusieurs générations, cultive les terres alentour.

Prévert, pour dire l’anthropocène

Au-dessus, sur le petit plateau qui domine à l’ouest, on trouve les grands champs céréaliers, tandis qu’à l’est c’est un bois, et que le côté sud abrite un étang accaparé comme réserve d’eau pour les parisiens. Il s’écoule dans un petit ru qui nous sépare des chevaux. Un coin tranquille, pas grand-chose ne s’y passe, à part les rituelles engueulades avec les chasseurs, persuadés qu’ici, c’est une secte dont nous serions le guru. Presque rien... mais quand même, cette année, on a l’impression que quelque chose advient, que « ça » dérape. Le tracteur colossal et flambant neuf n’a guère quitté son hangar car, à nouveau, une partie de la récolte n’a pas vu le jour, faute d’eau. Par deux fois, et pendant deux longs jours, famille et amis ont dû se calfeutrer pendant la journée, et la nuit, ouvrir grand les portes et fenêtres, pour résister aux vagues de chaleur, montée jusqu’à 42°. Heureusement, l’étang et le bois rafraîchissent l’atmosphère, et les vieux murs sont très épais. À Ville-Saint-Jacques, la cueillette où l’on s’approvisionne en fruits et légumes en a aussi pris un coup ; moins de variétés et certaines en mode rachitique. Les oies sauvages en nombre cancanent bien comme avant, se disputent toujours l’étang avec les cygnes, les canards et les poules d’eau, mais ce sont les hirondelles maintenant qui semblent nous avoir définitivement quitté, et l’on s’extasie lorsque l’on voit des papillons. Laurence, une amie qui vit dans le Tarn, appelle pour dire qu’elle monte « dans le nord », à la maison, pour une petite semaine de vacance au frais. Elle est plutôt frileuse, mais là, elle dit qu’en a « vraiment marre de cette chaleur ». Avant-hier son fils appelle pour l’informer d’une invasion de tout petits insectes qui recouvrent le chemin qui mène à leur maison à travers les champs de maïs. Renseignement pris, il s’agit de punaises de céréales qui arrivent de Graulhet, un village proche, premier contaminé ; il semble qu’elles sont également apparues dans la Drôme, le Rhône et l’Ardèche. Les autorités indiquent qu’il n’y a pas de problème, évoquent la canicule, la sécheresse et la résistance de ces bêtes aux pesticides... Hier, un ami qui passe, venant du Cher près de Vierzon parle de son potager grillé par la sécheresse et des promenades en forêt interdites par la préfecture. En fin de soirée, délié par le rhum arrangé, il nous raconte que fin juillet, un gros morceau de crépi recouvrant un de ses murs a été arraché par les bourrasques d’une sorte d’ouragan qui a également cassé une dizaine de bouleaux, sur fond de hurlements venus tout droit du plus profond des enfers.

On pourrait continuer de parcourir notre liste a la Prévert des plaies, maintenant ouvertes et perceptibles, de l’anthropocène. On nous dira bien sûr – et nous le savons – que ces quelques observations ne suffisent pas pour énoncer une loi générale, que la fin des hirondelles ne fait pas l’effondrement. Mais il semble bien que les sombres prédictions de Bookchin et, en France, des premiers écolos de la Gueule Ouverte dans les années 70, finalement se réalisent. Des écosystèmes qui semblaient bien installés, se dégradent, puis se détraquent. On se dit que s’est mal engagé. On se dit que le problème commence à être concret, et que peut-être il faudrait s’en occuper sérieusement. Comprendre sa nature et son ampleur, agir.

En ville, on s’en fout un peu

En ville bien sûr, à part les journées de canicule c’est bien moins perceptible, et si l’on travaille dans le tertiaire, la plupart des entreprises sont climatisées, c’est insensible. Et puis la ville se construit contre la nature, elle y est comme absente, invisibilisée, le ciel et l’horizon barrés par les immeubles, le sol caché par le bitume des trottoirs et le goudron des rues, et les rares arbres calibrés et taillés au cordeau. À peine tombées, leurs feuilles sont aussitôt ramassées, évacuées. Pas de bêtes non plus, à part des pigeons estropiés et des chiens enlaissés. Et puis les citadins les mieux organisés ont installé la clim’ dans leur appartement, frais l’été et chaud l’hiver, et basta ! Quel réchauffement !? Nombre d’entre eux d’ailleurs s’en foutent comme ce collègue médecin-informaticien, sans enfants, parti en croisière il y a quelques années en Argentine du côté d’Ushuaïa, pour, sur le pont du bateau, boire son whisky du soir, rafraîchi par des glaçons prélevés sur les glaciers. Snobisme, pathétique... oui... c’est certain, mais... mais on sait que le capitalisme n’aime rien tant que le marché de masse, et que les multinationales sont toujours à l’affût de nouveaux produits, ce « grand professeur » par ailleurs très créatif n’était qu’un précurseur, il devra trouver une nouvelle lubie pour tenter de se distinguer. L’eau des glaciers est en effet devenue un nouvel or liquide... À 12 Euros la bouteille, la société Iceberg Water, parmi d’autres, « capture ce don naturel vierge ». Elle met en bouteille la fonte des banquises ; ses actionnaires et dirigeants se réjouissent des profits en perspectives : en 24 heures, le 1er août, onze milliards de tonnes de glace ont fondu au Groenland. La décadence accompagne souvent la chute, où plutôt en est un signe avant-coureur.

Le jour du dépassement

Mais poursuivons notre enquête et passons du particulier au général. D’après l’ONG Global Footprint Network, c’est au cœur de l’été, le lundi 29 juillet, que l’humanité a épuisé les ressources planétaires renouvelables à notre échelle de temps.



Les cinq mois suivants il faut puiser dans les réserves, amenuisant d’autant leur capacité de régénération. On nous conduit à une folle course en avant en forme de cercle vicieux, plutôt de spirale infernale. Le Jour du dépassement est un indicateur composite – complexe et d’ailleurs contesté – basé sur l’empreinte écologique. Il sert à calculer le jour à partir duquel plus de poissons auront été péchés, plus d’arbres abattus et plus de terres cultivées que ce que notre planète peut offrir au cours d’une année entière. Il intègre les émissions de gaz à effet de serre qui comptent pour 60 %. Ce « jour du dépassement », on s’en doutait déjà, recule chaque année – deux mois en vingt ans. On peut également le mesurer par pays : il ne faut par exemple que 42 jours au Qatar, un pays totalement artificialisé, pour l’atteindre, contre 342 pour l’Indonésie et ses 922 îles habitées... un tel différentiel donne des pistes à explorer. Quant à la France... c’est début mai que l’année se termine.

Mais Bourdieu s’est trompé, savoir n’est pas pouvoir, et on peut constater que, même chez ses promoteurs, cette sombre mesure n’induit pas une grande conscience politique, au risque du capitalisme vert... le site web qui la promeut nous vante en effet la publicité suivante : « En consommant moitié moins de protéines animales, nous pourrions reculer la date du jour du dépassement de 15 jours. Découvrez les recettes durables du chef étoilé Florent Ladeyn ! ». Parfois, on se pince !

Et le retour du GIEC

Puis début août, il a été difficile d’échapper à la publication du rapport du GIEC [note] sur la boucle de rétroaction entre l’utilisation des terres et le dérèglement climatique. Bilan très négatif, c’est le moins que l’on puisse dire... Chaque nouveau rapport est plus inquiétant que les précédents, et pour autant chaque nouveau rapport est l’occasion d’un nouvel enfumage généralisé. Dans le plus pur style bureaucratique « dire sans dire », le gouvernement se félicite du rapport : il « salue la publication du rapport spécial du GIEC sur la désertification et la dégradation des terres dans le monde » et pas moins de quatre ministres y vont de leur couplet fort d’une insipide autosatisfaction. Élisabeth Borne, par exemple, ministre de la « Transition écologique et solidaire » nous explique sans fard que « La France continuera de porter au niveau international la lutte contre les dérèglements climatiques ainsi qu’une meilleure gestion des terres. C’est aussi le sens des actions concrètes que nous portons au niveau national en matière de lutte contre l’artificialisation des sols, qui figure au cœur de la mise en œuvre du plan biodiversité. ». Elle a dû avoir un trou de mémoire sur les 700 hectares de terres cultivables à bétonner pour le projet Europa city et sa piste de ski aux portes de Paris... Il faut dire à sa décharge, qu’elle embarque à peine, encore en mode starter ! Son prédécesseur, François de Rugy, venait d’être débarqué en urgence pour s’être pris les doigts dans les pinces des homards géants dont il gavait ses amis lorsqu’il présidait l’Assemblée nationale... petites sauteries au champagne et vins fins, comme un Château Cheval Blanc à 550 euros la bouteille ou le célébrissime Sauternes Château d’Yquem, estimé à 265 euros, et dont les écolos qui l’ont élu, ne connaîtront jamais que l’étiquette. Débarqué ! Mais, âmes sensibles, retenez vos larmes, ne pleurez pas sur le pur et dur de l’écologie nationale licencié sans préavis, son purgatoire n’aura pas été trop long, dès le mois d’août il a retrouvé son poste de député.

Sans oublier le CETA

Mais il fait trop chaud pour se fâcher, nous ne commenterons pas plus avant ces inepties qui ne font que démontrer, s’il en était encore besoin qu’incompétence et j’m’enfoutisme sont les deux piliers de la politique. Deux piliers au service d’un cynisme dont l’ampleur semble ne pas connaître de limites. Trois piliers, plutôt, nous oubliions la fonction « godillot » ... en démocratie parlementaire, c’est très simple, pas de longs débats, pas de délibérations sans fin. Pendant le temps de sa mandature la majorité décide, elle vote ses lois, et si c’est trop compliqué, trop long, une ordonnance fait encore mieux l’affaire. Circulez, c’est plié ! En conséquence, c’est donc le 23 juillet, quelques jours avant la remise du fameux « rapport du GIEC », que la « majorité » a ratifié le CETA. Un accord commercial entre l’Union européenne et le Canada qui va développer toujours plus les échanges transatlantiques et déclencher l’importation aberrante de bêtes saturées d’antibiotiques, gonflées aux farines animales et transportées sur des milliers de kilomètres. Les derniers paysans éleveurs évidemment manifestent, taguent, murent ou enlisent les permanences des godillots – une quinzaine depuis fin juillet. Les godillots se plaignent d’atteinte à la démocratie, les éditorialistes s’indignent de ces pratiques. On se pince !

Eurêka !

Au fond, on dirait que ce GIEC ne sert à rien ! Les politiciens qui pilotent ce capteur de certaines évolutions du système terre conçu pour fonder leurs décisions sur des données scientifiques, ne l’utilisent que pour occuper le terrain. On sait, il est vrai, qu’ils ne lisent pas ces rapports, peut-être infiniment trop longs pour nos aficionados du tweet. Et pourtant celui-ci contient un « Résumé à l’attention des décideurs politiques » limité à 41 modestes pages. Et certains paragraphes – les résumés du résumé – sont en gras, pour ceux qui seraient trop limités... Mais c’est inutile. Totalement inutile pour celles et ceux dont le cœur de métier est la prestidigitation électorale : sur du vent, se faire élire puis réélire, ad libitum... et goûter l’ivresse d’un peu ou beaucoup de pouvoir, ainsi que la délicate saveur des bisques de homards accompagnées d’un blanc sec millésimé. Alors pourquoi lire ces fichus rapports, ils sont assommants et truffés de mauvaises nouvelles, et les électeurs n’aiment que les bonnes nouvelles... Ah, si, il y a ces histoires de migrations massives, ces îles englouties, ces gens du Sud qui n’auraient plus d’eau, plus de terres cultivables. S’ils ne veulent pas mourir sur place, il leur faudra bien partir ! Eurêka ! Notre politicien s’éveille, il a trouvé son os, il lui faut protéger nos frontières, bloquer l’étranger, le bouter hors de France, et sinon l’enfermer dans ces camps, de triste mémoire peut-être, mais d’un nouveau genre – on n’y enferme plus, on ne fait qu’y retenir !
Merci le GIEC, soupire-t-il, si content maintenant, les bras levés en croix, brandissant le rapport.

Que dit ce rapport ?

Mais hélas, nous nous emballons... c’est encore trop difficile car, « scientifiques », ces rapports sont nécessairement rédigés en Anglais et cette même classe politique française qui nous impose de force la mondialisation est crasse en anglais. La plupart n’y entend rien ; au mieux certains l’ânonnent. Eh bien, ni l’Union européenne – pourtant forte de centaines de traducteurs professionnels – ni le gouvernement n’ont traduit ces rapports, n’ont dépensé les quelques milliers d’euros nécessaires pour les rendre accessibles. Il faut croire qu’ils ne sont en vérité pas faits pour être lus. Ni par les « élus », ni par nous bien sûr. Tout comme les innombrables comités d’éthiques, ce GIEC semble bien n’être qu’un simple outil de communication à l’usage de gouvernants.
Mais que nous dit le GIEC sur le cœur de son sujet, sur les « Personnes, terres et climat dans un monde qui se réchauffe» ? Nous traduisons ici quelques extraits de ces pages. Après donc, nous avoir rappelé que « l’utilisation humaine impacte directement plus de 70% de la terre libre de glaces » il nous indique que « dans tous les scénarios, l’augmentation prévue de la population et du revenu, combinée à des changements dans les habitudes de consommation, entraînent une augmentation de la demande de nourriture, d’aliments pour animaux et d’eau en 2050. » Il nous avertit ensuite que « ces changements, combinés aux pratiques de gestion des terres, ont des répercussions sur leurs utilisations, sur l’insécurité alimentaire, la rareté de l’eau, les émissions de GES terrestres [note] , le potentiel de séquestration de carbone et la biodiversité. » Pour faire bonne mesure et peut-être éviter la langue de bois, le panel des scientifiques conclut que : « tous les scénarios socio-économiques futurs évalués entraînent une augmentation de la demande d’eau et une pénurie d’eau, alors que les scénarios à plus forte expansion des terres cultivées se traduisent par des baisses plus importantes de la biodiversité ».

Dans les derniers chapitres, dédiés aux « recommandations au niveau mondial », on lit qu’il faut d’une part réduire la surconsommation, en particulier le gaspillage alimentaire, et d’autre part adopter des régimes alimentaires plus sains. Réduire notre consommation de viande pour aller vers « des régimes sains et durables, comme ceux basés sur les céréales, les légumes et légumineuses, les noix et les graines ». Avis aux amateurs, les homards géants, c’est pas pour vous !
Une phrase a également retenu notre attention « Due to women’s disproportionate vulnerability to climate change impacts, their inclusion in land management and tenure is constrained » [note] . Il apparaît, d’après les scientifiques réunis, que ce sont les femmes qui seront les premières et les plus impactées...

Enfin, et pour conclure ici notre exercice de traduction, la boucle est bouclée lorsqu’on lit que : « L’efficacité de la prise de décision est renforcée par la participation des acteurs locaux [..] à la sélection, à l’évaluation, à la mise en œuvre et à la surveillance des politiques territoriales pour l’adaptation et l’atténuation des changements climatiques ». Pour ceux qui doutent de cette proposition, il n’est que de se souvenir des trois derniers trimestres, où comment une taxe de trop, pseudo-écolo, imposée à la population, a été le détonateur d’une révolte populaire d’une ampleur que l’on n’avait pas vue depuis mai 1968, et qui est passée en à peine un mois du stade initial de la jacquerie à celui d’une révolte sociale exigeant, qu’en matière d’écologie, les combats contre la fin du monde et pour la fin du mois ne fasse qu’un ! Redécouvrant dans la lutte les fondements de l’écologie sociale posés par Bookchin. 

A quoi servent les rapports du GIEC ?


Donc, au cas peu probable où un état prendrait des décisions utiles, il faudrait qu’elles soient adoptées de façon véritablement démocratique. Et nous savons d’expérience que ces dirigeants nous excluent par principe de décisions dictées par un mix de lobbies et d’experts hors-sol. Si (ou quand) les sombres projections se confirment, les états ne pourront justifier leur existence qu’en imposant par la force la plus brutale, les mesures les plus drastiques et les plus injustes.

On peut alors penser que ces rapports du GIEC que les « décideurs » auxquels ils sont « destinés » ne lisent ni n’utilisent, sont peut-être surtout promus pour nous préparer à ces mesures toujours plus injustes et toujours plus liberticides. C’est à nous qu’ils sont destinés. Et s’ils restent en Anglais, c’est pour que nous ne les lisions pas, et que – tout comme il faut des religieux pour interpréter le verbe divin – ce soient les journalistes et pseudo-experts, tous membres de l’oligarchie à la manœuvre, qui interprètent pour nous le message de La Science, et nous préparent ainsi à accepter toujours un peu plus d’inacceptable. En cas de crise majeure, qui voudrait en effet contrer ou même contester la lutte héroïque et désespérée des gouvernants pour sauver les populations en danger de disette ou d’épidémie. Il y en aura toujours quelques-uns, mais alors, qui oserait soutenir ces fous arriérés, ces égoïstes irresponsables, ces dangereux anarchistes !?

Midas n’était qu’un petit roi, le capitaliste veut toute la planète


Sans adopter ici, à la légère, les théories de l’effondrement ou du Collapse [note] dont le récit séduit un public rapidement croissant, on ne peut rester indifférent et se contenter de regarder se dégrader des équilibres précieux et infiniment complexes. Un monde semble se décomposer sous nos yeux ; peut-être l’explication en est-elle très simple... aussi simple qu’un mythe grec. Tout comme le roi Midas a créé sa propre perte en faisant le vœu de transformer tout ce qu’il touchait en or, le capitaliste créé notre perte, en transformant tout ce qu’il touche en « ressource ». Toute matière, toute vie, doit ainsi devenir une « ressource », une chose, une abstraction, une passivité utilisée, transformée, puis vendue pour en extraire des profits. L’extractivisme est devenu universel, il s’applique à tout et à tous. Ainsi les travailleurs eux-mêmes, des humains pourtant, sont devenus des « ressources ». Tout est progressivement corrompu, dévoré. Et une ressource, il faut optimiser son exploitation, et le faire au plus vite, avant qu’un compétiteur ne s’en charge. En régime capitaliste c’est sa loi, la seule : trouver de nouvelles ressources et au plus vite optimiser leur exploitation.

On connaît les bulles financières, qui voient des valeurs boursières grimper sans raison ni limites jusqu’à l’explosion causée par le nécessaire épuisement de leur carburant. La première documentée est la célèbre bulle du bulbe, dans la proto-Hollande des années 1630, qui a vu le prix des tulipes s’envoler sous l’effet d’un pur phénomène spéculatif, jusqu’à retomber au plus bas – le juste prix d’un simple bulbe. Le « carburant » de la dernière bulle en date, en 2008, était fait de prêts immobiliers accordés en toute connaissance de cause à des ménages nord-américains incapables de les rembourser. Les ravages que l’explosion a causés, tant aux USA qu’en Europe, sont toujours présents.

En guise de conclusion temporaire, et contrairement aux prédictions scientistes de Marx, productiviste de choc, on peut faire l’hypothèse que ce système étato-capitaliste qui en quelques siècles s’est approprié la quasi-totalité de la surface habitable du globe n’est pas le marchepied vers une humanité heureuse, mais est lui-même un système à bulle, qui consomme tout ce qui peut être transformé en ressources, jusqu’à leur épuisement ou à l’étouffement sous les déchets. Le capital fournit la machine à transmuter les ressources en or – ou plus-value – pour les puissants tandis que l’état son nécessaire allié se charge de contrôler les populations afin que, bon gré mal gré, elles le laissent faire. Ce mode d’organisation des sociétés humaines au sein desquelles nous vivons, caractérisé par l’avidité et le court-termisme, aurait alors démarré une phase non pas nécessairement terminale, celle qui verra la bulle éclater, mais une phase préliminaire d’accélération où le voile se lève. Alors, au-delà des sujets les plus immédiats, à nous peut-être de clarifier nos analyses les plus globales et d’en tirer les conséquences.

Nuage Fou


1) GIEC : le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (en anglais IPCC, pour Intergovernmental Panel on Climate Change). Ce Groupe d’experts est l’organe des Nations Unies chargé d’évaluer la science liée au changement climatique, et a été créé en 1988 par le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) et l’Organisation météorologique mondiale (OMM). Le dernier rapport a été adopté par 195 états et l’Union Européenne.

2) GES : les Gaz à Effet de Serre.

3) Que l’on pourrait traduire par : « En raison de la vulnérabilité disproportionnée des femmes aux impacts du changement climatique, leur participation à la gestion et au régime foncier des terres est limitée. »

4) Le mot « collapsologie » est un néologisme inventé par Pablo Servigne, ingénieur agronome et anarchiste, et Raphaël Stevens, expert en résilience des systèmes socio-écologiques. Il apparaît dans leur ouvrage publié en 2015 : « Comment tout peut s’effondrer. Petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes »
PAR : Nuage fou
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