Antiracisme > Juifs, peuple, État, des questions ?
Antiracisme
par Pierre Sommermeyer • le 4 mars 2019
Juifs, peuple, État, des questions ?
Lien permanent : https://monde-libertaire.net/index.php?articlen=3893
La publication par le Monde Libertaire en ligne de l’article de Pierre Stamboul est l’occasion pour moi de mettre par écrit un certain nombre de choses qui me faisaient question.
Il n’y a pas de différence, d’opposition, en apparence à ce que Pierre Stamboul rapporte quant aux débuts de l’histoire juive. Certes la Bible juive comme celle des chrétiens n’est pas un livre d’histoire, au sens où on l’entend aujourd’hui. Les faits rapportés ne sont pas des faits historiques. Pour autant ce livre a profondément marqué l’histoire de notre monde. Il n’est donc pas possible de s’en débarrasser comme cela. Quelle que soit sa forme, la fiction a trop souvent structuré tout à la fois le savoir et la pratique de nombre de gens et de populations.
Il y a un fait fondamental qui est oublié dans ce texte. Le « peuple juif » est le créateur du monothéisme. Il est toujours possible de rappeler les probables sources égyptiennes. Il n’en reste pas moins pour autant que les fondements du monothéisme sont juifs. C’est certes un rappel désagréable, mais voilà. Ce qui peut se résumer ainsi : Il n’y a qu’un dieu et c’est le mien ! Tous les autres sont faux ! Ce qui se conjugue de manières diverses. Il n’y a qu’un pays, qu’une théorie, qu’une façon de voir etc. Cette façon de voir a été ressentie comme une effraction dans le monde antique où le rapport aux dieux était très élastique. On pouvait en changer sans problème si celui auquel on sacrifiait n’était pas à la hauteur de ses espérances. Un archéologue français, juif, Théodore Reinach (1895), cherchant les origines de la judéophobie, s’est aperçu que celles-ci dataient de bien avant l’arrivée au pouvoir du christianisme avec l’empereur romain, Constantin. http://textes.trusquin.net/spip.php?article148. On peut donc dire que sans monothéisme il n’y aurait pas eu de guerre de religion. L’humanité hélas n’a jamais eu besoin de ce genre d’excuse pour se faire la guerre.
C’est bien sous cet empereur (à partir de 306) que commence à se faire jour l’accusation de déicide envers les juifs. Ce n’est là en fait que la fin de la lutte entre la tendance judéo-chrétienne incarnée par les descendants de l’apôtre Pierre et ceux de tradition gréco-romaine des successeurs de l’apôtre Paul, les Pauliniens,. Le passage du pouvoir du polythéisme au monothéisme se fait avec le théologien chrétien Tertullien qui démontre que ce qui avait le nom de religio et concernait la religion traditionnelle serait mieux porté par le christianisme qui était considéré jusqu’alors comme superstitio. A partir de là les communautés juives, qui ont essaimé depuis des siècles dans tout le bassin méditerranéen et même au-delà, vont subir le joug des vainqueurs. La judéophobie règne en maîtresse et c’est sur elle que l’antisémitisme va se construire dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Jusqu’alors les juifs sont une plaie que l’on peut gratter, faire saigner mais nulle part il n’est question de s’en débarrasser afin de « libérer le monde » C’est chose faite avec Drumont et son livre La France juive. Pour plus d’information à ce sujet on peut se référer à l’article de Réfractions n°34 L’antisémitisme un racisme contre- révolutionnaire. http://refractions.plusloin.org/IMG/pdf/53_refractions_34_imprimeur.pdf
Si le sionisme naît en 1889 avec Herzl et son congrès de Bâle, c’est avec les anarchistes des Étudiants Socialistes Révolutionnaires Internationalistes, en 1900, que naît dans notre mouvement l’antisionisme. Il ne s’agit pas alors d’être contre un futur État mais d’être opposé à la fuite des prolétaires révolutionnaire croyant établir une société plus juste en Palestine. En 1939 Emma Goldman défendra ces colonies. J’ai décrit cela par le menu dans les différents Monde Libertaire de cet automne 2018. Tout va évidemment changer avec la deuxième guerre mondiale, la Shoah et la création de l’État d’Israël.
La question de l’existence d’un peuple juif.
Nous sommes face à un problème sérieux. Pour certains il n’y a pas de peuple juif, ce serait une construction idéologique cherchant à justifier une entreprise de conquête. Contester le droit à un certain nombre de juifs, croyants ou pas, de se constituer en peuple sans critiquer de même tous ceux qui ont procédés de la même façon relève à mon avis plus de l’anti-judaïsme que d’autre chose. Qu’est-ce qu’un peuple ? Cette question n’a jamais été conclue de manière scientifique. Ce n’est à mon avis pas autre chose qu’une construction idéologique. Existe-t-il de vrais peuples et des faux peuples ? Je vis en Alsace, tous les Alsaciens sont convaincus de faire partie du peuple français, mais leur culture est profondément rhénane (et non pas allemande). Au fronton du Reichstag à Berlin il y a écrit Dem Deuschen Volke (Au peuple allemand). Se baser sur une origine ethnique pour faire peuple n’est pas autre chose que du racisme. Il ne viendrait pourtant à l’idée de personne de nier l’existence d’un peuple allemand. Que faut-il pour faire peuple ? Cela nécessite tant de choses. En interne il faut une culture commune, une même histoire et le plus souvent l’occupation d’un même territoire. Cela nécessite en plus le regard extérieur de ceux qui n’en sont pas : ce sont des Allemands, ce sont des Anglais etc. Seule la conjonction de ces deux données fournit aux pouvoirs les matériaux nécessaires pour faire peuple et embrigader les populations concernées sous une même bannière. A regarder de plus près, la question du territoire est secondaire. Si l’on prend le cas des Amériques, il est évident que ceux dont c’était le territoire originel sont devenus au mieux des minorités quand ils n’ont pas été purement rayés de la carte. Le fait que les occidentaux n’y soient que depuis un peu plus de 500 ans ne donne aucune légitimité, si ce n’est celle de la force.
En ce qui concerne les juifs (avec une majuscule ou pas ?) tout comme les Rroms, il en est de même. Ils ont tous une culture commune, des références communes, des traditions communes. La diversité des langues originelles, le yiddish ou le ladino, reflète une possible origine ethnique différente. Et alors ?. Les uns seraient plus juifs ou Rroms que les autres ? Un Basque français est-il moins ou plus français qu’un émigré polonais présent sur le sol métropolitain depuis des générations ?
Donc les juifs forment un peuple n’en déplaise à ceux qui avancent qu’il s’agit d’une pure invention. C’est bien ce que sous-entend un membre de l’UJFP dans un article de Libération du 27 février 2019 quand il dit : Nous, juifs, cela fait un certain temps que nous sommes devenus le symbole de l’innocence républicaine. Imagine-t-on un catholique ou un athée tenir un tel propos sans que surgisse aussitôt l’idée d’un collectif appelé peuple ? La question change à partir du moment où nous abordons la question du territoire.
La question sioniste et la création de l’État d’Israël
Là se posent deux questions. Il y a celle de la Palestine comme terre refuge depuis la fin du XIXe siècle pour les juifs persécutés en Europe. Ce qui pouvait jusqu’alors être une solution individuelle devient avec ceux qui ont échappé à la Shoah un acte collectif. L’autre, cet état de fait peut apparaître dès l’origine comme étant au détriment des habitants du pays et particulièrement de ceux qui sont de petits paysans vivant sur des grandes propriétés appartenant à de riches turcs. La création d’un État, plus d’une cinquantaine d’année après l’arrivée des premiers émigrants militants, empêche tout retour en arrière. A ces deux questions est mêlé l’antisémitisme de façon incontournable. Et en arrière-plan, tout aussi incontournable, la situation des premiers occupants de ce territoire. L’arrivée des migrants juifs qui suit la première guerre mondiale coïncide avec la fin du colonialisme turc et le début de la naissance d’un nationalisme palestinien. Il va sans dire que de la déclaration Balfour 1917 jusqu’à la création de l’État d’Israël en 1948, une espèce de culpabilité latente des pays occidentaux par rapport au sort des juifs est à l’œuvre. Elle atteindra son paroxysme avec la fin de la deuxième guerre mondiale et la découverte des charniers des camps. Elle n’a pas cessé depuis, mêlant dans une dénonciation permanente l’antisionisme à l’antisémitisme. L’État d’Israël, comme tout État, s’est construit contre tous ceux qui s’y opposaient. Il n’est pas différent. Comme tout État il mène une politique de conquête. Qu’il soit juif n’y change rien. Au contraire, il incorpore à son discours auto-légitimant le souvenir de l’horreur encore vivant dans les mémoires du monde entier comme dans celles de ceux qui relèvent de son pouvoir. La menace permanente de la demande de soutien total au risque du retour de l’horreur fait partie du discours dominant. Considérer que l’idéologie raciste, religieuse, impérialiste des pouvoirs israéliens n’a pas le droit d’exister parce que juive n’a pour moi pas de sens, pas plus que s’il elle était chrétienne. En Inde sous l’impulsion du BJP (Bharatiya Janata Party parti fondamentaliste hindou) et de Modi, président de ce pays, une idéologie du même type est à l’œuvre et ce sont les musulmans indiens qui en font les frais. Ces deux États et bien d’autres ont un fonctionnement démocratique au sens de la démocratie libérale représentative. Dans ces deux pays et bien d’autres la presse est libre. Et alors ? Cela n’empêche pas les machines oppressives de fonctionner.
La question palestinienne
La critique radicale qu’il faut faire par rapport à l’Etat d’Israël doit-elle s’arrêter au mur ou peut-elle concerner l’autre côté ? Le nationalisme de la deuxième moitié du XXe siècle, celui qui s’est incarné dans la guerre d’Indochine puis d’Algérie et dans bien d’autres pays, a débouché sur des impasses sociales et politiques.
C’est aussi le cas en Palestine. S’il y a eu partition de ce pays après 1948, aggravée après la guerre des six jours en 1967, aujourd’hui ce territoire dit autonome s’est réduit à peau de chagrin. Sous les coups d’une occupation illégale de bouts de terrains, causée tout à la fois par la volonté de conquête religieuse et le prix des logements en Israël, les Palestiniens repoussés de partout vivent maintenant dans un archipel de petits villages, de camps de réfugiés ou villes isolés les uns des autres par de multiples contrôles militaires. La répression est permanente. La situation de Gaza étant la pire de toutes. Cette enclave entre Israël et l’Égypte est soumise tout à la fois à la vindicte israélienne qui n’a jamais digéré l’évacuation des colonies de de cette région ordonnée par Sharon en 2005 et à l’emprise religieuse de l’idéologie musulmane rigoriste des Frères musulman à travers le Hamas.
Aujourd’hui la situation semble complètement bloquée. Mais de part et d’autre du mur, du côté israélien comme du côté palestinien, des voix se font entendre pour mettre fin à l’idée de deux États. Si un intellectuel comme Avraham B. Yehoshua défend cette position depuis longtemps (en 1915 il avançait que La solution de deux États pour deux peuples est à l’agonie) chez les jeunes Palestiniens il en est de même. Pour s’en convaincre il suffit de consulter la presse anglophone palestinienne en ligne. Pour cette jeunesse, c’est aussi un moyen de se débarrasser de la structure bureaucratique héritée des années de lutte dîtes révolutionnaires. Cette solution, probablement inévitable à terme, angoisse les tenants d’un grand Israël purement juif. Ceux-là sont déjà au pouvoir pour certains et en train d’y arriver pour d’autres, encore pires vu les relents nauséabonds qui émanent de la campagne électorale en cours. Pourtant, de façon souterraine, il y a conjonction entre les besoins matériels des colonies juives en Palestine et ceux des ouvriers palestiniens à la recherche de moyens de survie. Ils étaient plus de 30 000 en 2010 à y être employés. Combien sont-ils aujourd’hui alors que le nombre de colonies ne cesse de croître ?
Aujourd’hui, les slogans et les anarchistes
Être antifasciste, antisioniste, antiraciste, contre l’antisémitisme, c’est être reconnu comme étant … de gauche ? C’est aussi se soumettre à la pression médiatico-politique qui nous enjoint d’être propres sur nous. Est-ce vraiment cela que nous voulons ? En ce qui concerne la lèpre antisémite, la position anarchiste a été définie une fois pour toute par Voline dans l’Encyclopédie anarchiste (1930), et de façon bien éloignée des cris d’orfraie de la bonne société :
L’antisémitisme n’est aujourd’hui, qu’une des faces les plus hideuses du nationalisme le plus bas ; une des manœuvres, un des instruments de la réaction la plus farouche. Il est une des plaies saignantes de notre société en pleine putréfaction. Il est une des manifestations de la contre-révolution en marche qui, profitant de l’ignorance, de l’inconscience des uns, de l’impuissance momentanée des autres, joue sur les plus mauvais instincts pour arriver à ses buts.
Pour ce qui concerne le sujet principal de cet article, à savoir l’antisionisme, ne pourrions-nous pas nous présenter comme les soutiens de tous ceux qui se battent d’un côté et de l’autre de ce mur pour un avenir commun en paix ? Nous devrions soutenir énergiquement les jeunes Israéliens, femmes et hommes, qui refusent de servir dans l’armée de leur pays. Nous devrions soutenir les individus et les groupes palestiniens qui refusent d’être enfermés dans un ghetto. Nombre de petits groupes de part et d’autre luttent contre la division de cette région. Nous avions soutenu en leur temps les Anarchistes contre le mur (https://editions-libertaires.org/?p=850). Nous avions parlé à plusieurs reprises dans le Monde Libertaire de la lutte hebdomadaire, obstinée, du village de B’ilin contre le mur. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Au fond il est plus facile d’être antisioniste et basta !
Pierre Sommermeyer
Il n’y a pas de différence, d’opposition, en apparence à ce que Pierre Stamboul rapporte quant aux débuts de l’histoire juive. Certes la Bible juive comme celle des chrétiens n’est pas un livre d’histoire, au sens où on l’entend aujourd’hui. Les faits rapportés ne sont pas des faits historiques. Pour autant ce livre a profondément marqué l’histoire de notre monde. Il n’est donc pas possible de s’en débarrasser comme cela. Quelle que soit sa forme, la fiction a trop souvent structuré tout à la fois le savoir et la pratique de nombre de gens et de populations.
Il y a un fait fondamental qui est oublié dans ce texte. Le « peuple juif » est le créateur du monothéisme. Il est toujours possible de rappeler les probables sources égyptiennes. Il n’en reste pas moins pour autant que les fondements du monothéisme sont juifs. C’est certes un rappel désagréable, mais voilà. Ce qui peut se résumer ainsi : Il n’y a qu’un dieu et c’est le mien ! Tous les autres sont faux ! Ce qui se conjugue de manières diverses. Il n’y a qu’un pays, qu’une théorie, qu’une façon de voir etc. Cette façon de voir a été ressentie comme une effraction dans le monde antique où le rapport aux dieux était très élastique. On pouvait en changer sans problème si celui auquel on sacrifiait n’était pas à la hauteur de ses espérances. Un archéologue français, juif, Théodore Reinach (1895), cherchant les origines de la judéophobie, s’est aperçu que celles-ci dataient de bien avant l’arrivée au pouvoir du christianisme avec l’empereur romain, Constantin. http://textes.trusquin.net/spip.php?article148. On peut donc dire que sans monothéisme il n’y aurait pas eu de guerre de religion. L’humanité hélas n’a jamais eu besoin de ce genre d’excuse pour se faire la guerre.
C’est bien sous cet empereur (à partir de 306) que commence à se faire jour l’accusation de déicide envers les juifs. Ce n’est là en fait que la fin de la lutte entre la tendance judéo-chrétienne incarnée par les descendants de l’apôtre Pierre et ceux de tradition gréco-romaine des successeurs de l’apôtre Paul, les Pauliniens,. Le passage du pouvoir du polythéisme au monothéisme se fait avec le théologien chrétien Tertullien qui démontre que ce qui avait le nom de religio et concernait la religion traditionnelle serait mieux porté par le christianisme qui était considéré jusqu’alors comme superstitio. A partir de là les communautés juives, qui ont essaimé depuis des siècles dans tout le bassin méditerranéen et même au-delà, vont subir le joug des vainqueurs. La judéophobie règne en maîtresse et c’est sur elle que l’antisémitisme va se construire dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Jusqu’alors les juifs sont une plaie que l’on peut gratter, faire saigner mais nulle part il n’est question de s’en débarrasser afin de « libérer le monde » C’est chose faite avec Drumont et son livre La France juive. Pour plus d’information à ce sujet on peut se référer à l’article de Réfractions n°34 L’antisémitisme un racisme contre- révolutionnaire. http://refractions.plusloin.org/IMG/pdf/53_refractions_34_imprimeur.pdf
Si le sionisme naît en 1889 avec Herzl et son congrès de Bâle, c’est avec les anarchistes des Étudiants Socialistes Révolutionnaires Internationalistes, en 1900, que naît dans notre mouvement l’antisionisme. Il ne s’agit pas alors d’être contre un futur État mais d’être opposé à la fuite des prolétaires révolutionnaire croyant établir une société plus juste en Palestine. En 1939 Emma Goldman défendra ces colonies. J’ai décrit cela par le menu dans les différents Monde Libertaire de cet automne 2018. Tout va évidemment changer avec la deuxième guerre mondiale, la Shoah et la création de l’État d’Israël.
La question de l’existence d’un peuple juif.
Nous sommes face à un problème sérieux. Pour certains il n’y a pas de peuple juif, ce serait une construction idéologique cherchant à justifier une entreprise de conquête. Contester le droit à un certain nombre de juifs, croyants ou pas, de se constituer en peuple sans critiquer de même tous ceux qui ont procédés de la même façon relève à mon avis plus de l’anti-judaïsme que d’autre chose. Qu’est-ce qu’un peuple ? Cette question n’a jamais été conclue de manière scientifique. Ce n’est à mon avis pas autre chose qu’une construction idéologique. Existe-t-il de vrais peuples et des faux peuples ? Je vis en Alsace, tous les Alsaciens sont convaincus de faire partie du peuple français, mais leur culture est profondément rhénane (et non pas allemande). Au fronton du Reichstag à Berlin il y a écrit Dem Deuschen Volke (Au peuple allemand). Se baser sur une origine ethnique pour faire peuple n’est pas autre chose que du racisme. Il ne viendrait pourtant à l’idée de personne de nier l’existence d’un peuple allemand. Que faut-il pour faire peuple ? Cela nécessite tant de choses. En interne il faut une culture commune, une même histoire et le plus souvent l’occupation d’un même territoire. Cela nécessite en plus le regard extérieur de ceux qui n’en sont pas : ce sont des Allemands, ce sont des Anglais etc. Seule la conjonction de ces deux données fournit aux pouvoirs les matériaux nécessaires pour faire peuple et embrigader les populations concernées sous une même bannière. A regarder de plus près, la question du territoire est secondaire. Si l’on prend le cas des Amériques, il est évident que ceux dont c’était le territoire originel sont devenus au mieux des minorités quand ils n’ont pas été purement rayés de la carte. Le fait que les occidentaux n’y soient que depuis un peu plus de 500 ans ne donne aucune légitimité, si ce n’est celle de la force.
En ce qui concerne les juifs (avec une majuscule ou pas ?) tout comme les Rroms, il en est de même. Ils ont tous une culture commune, des références communes, des traditions communes. La diversité des langues originelles, le yiddish ou le ladino, reflète une possible origine ethnique différente. Et alors ?. Les uns seraient plus juifs ou Rroms que les autres ? Un Basque français est-il moins ou plus français qu’un émigré polonais présent sur le sol métropolitain depuis des générations ?
Donc les juifs forment un peuple n’en déplaise à ceux qui avancent qu’il s’agit d’une pure invention. C’est bien ce que sous-entend un membre de l’UJFP dans un article de Libération du 27 février 2019 quand il dit : Nous, juifs, cela fait un certain temps que nous sommes devenus le symbole de l’innocence républicaine. Imagine-t-on un catholique ou un athée tenir un tel propos sans que surgisse aussitôt l’idée d’un collectif appelé peuple ? La question change à partir du moment où nous abordons la question du territoire.
La question sioniste et la création de l’État d’Israël
Là se posent deux questions. Il y a celle de la Palestine comme terre refuge depuis la fin du XIXe siècle pour les juifs persécutés en Europe. Ce qui pouvait jusqu’alors être une solution individuelle devient avec ceux qui ont échappé à la Shoah un acte collectif. L’autre, cet état de fait peut apparaître dès l’origine comme étant au détriment des habitants du pays et particulièrement de ceux qui sont de petits paysans vivant sur des grandes propriétés appartenant à de riches turcs. La création d’un État, plus d’une cinquantaine d’année après l’arrivée des premiers émigrants militants, empêche tout retour en arrière. A ces deux questions est mêlé l’antisémitisme de façon incontournable. Et en arrière-plan, tout aussi incontournable, la situation des premiers occupants de ce territoire. L’arrivée des migrants juifs qui suit la première guerre mondiale coïncide avec la fin du colonialisme turc et le début de la naissance d’un nationalisme palestinien. Il va sans dire que de la déclaration Balfour 1917 jusqu’à la création de l’État d’Israël en 1948, une espèce de culpabilité latente des pays occidentaux par rapport au sort des juifs est à l’œuvre. Elle atteindra son paroxysme avec la fin de la deuxième guerre mondiale et la découverte des charniers des camps. Elle n’a pas cessé depuis, mêlant dans une dénonciation permanente l’antisionisme à l’antisémitisme. L’État d’Israël, comme tout État, s’est construit contre tous ceux qui s’y opposaient. Il n’est pas différent. Comme tout État il mène une politique de conquête. Qu’il soit juif n’y change rien. Au contraire, il incorpore à son discours auto-légitimant le souvenir de l’horreur encore vivant dans les mémoires du monde entier comme dans celles de ceux qui relèvent de son pouvoir. La menace permanente de la demande de soutien total au risque du retour de l’horreur fait partie du discours dominant. Considérer que l’idéologie raciste, religieuse, impérialiste des pouvoirs israéliens n’a pas le droit d’exister parce que juive n’a pour moi pas de sens, pas plus que s’il elle était chrétienne. En Inde sous l’impulsion du BJP (Bharatiya Janata Party parti fondamentaliste hindou) et de Modi, président de ce pays, une idéologie du même type est à l’œuvre et ce sont les musulmans indiens qui en font les frais. Ces deux États et bien d’autres ont un fonctionnement démocratique au sens de la démocratie libérale représentative. Dans ces deux pays et bien d’autres la presse est libre. Et alors ? Cela n’empêche pas les machines oppressives de fonctionner.
La question palestinienne
La critique radicale qu’il faut faire par rapport à l’Etat d’Israël doit-elle s’arrêter au mur ou peut-elle concerner l’autre côté ? Le nationalisme de la deuxième moitié du XXe siècle, celui qui s’est incarné dans la guerre d’Indochine puis d’Algérie et dans bien d’autres pays, a débouché sur des impasses sociales et politiques.
C’est aussi le cas en Palestine. S’il y a eu partition de ce pays après 1948, aggravée après la guerre des six jours en 1967, aujourd’hui ce territoire dit autonome s’est réduit à peau de chagrin. Sous les coups d’une occupation illégale de bouts de terrains, causée tout à la fois par la volonté de conquête religieuse et le prix des logements en Israël, les Palestiniens repoussés de partout vivent maintenant dans un archipel de petits villages, de camps de réfugiés ou villes isolés les uns des autres par de multiples contrôles militaires. La répression est permanente. La situation de Gaza étant la pire de toutes. Cette enclave entre Israël et l’Égypte est soumise tout à la fois à la vindicte israélienne qui n’a jamais digéré l’évacuation des colonies de de cette région ordonnée par Sharon en 2005 et à l’emprise religieuse de l’idéologie musulmane rigoriste des Frères musulman à travers le Hamas.
Aujourd’hui la situation semble complètement bloquée. Mais de part et d’autre du mur, du côté israélien comme du côté palestinien, des voix se font entendre pour mettre fin à l’idée de deux États. Si un intellectuel comme Avraham B. Yehoshua défend cette position depuis longtemps (en 1915 il avançait que La solution de deux États pour deux peuples est à l’agonie) chez les jeunes Palestiniens il en est de même. Pour s’en convaincre il suffit de consulter la presse anglophone palestinienne en ligne. Pour cette jeunesse, c’est aussi un moyen de se débarrasser de la structure bureaucratique héritée des années de lutte dîtes révolutionnaires. Cette solution, probablement inévitable à terme, angoisse les tenants d’un grand Israël purement juif. Ceux-là sont déjà au pouvoir pour certains et en train d’y arriver pour d’autres, encore pires vu les relents nauséabonds qui émanent de la campagne électorale en cours. Pourtant, de façon souterraine, il y a conjonction entre les besoins matériels des colonies juives en Palestine et ceux des ouvriers palestiniens à la recherche de moyens de survie. Ils étaient plus de 30 000 en 2010 à y être employés. Combien sont-ils aujourd’hui alors que le nombre de colonies ne cesse de croître ?
Aujourd’hui, les slogans et les anarchistes
Être antifasciste, antisioniste, antiraciste, contre l’antisémitisme, c’est être reconnu comme étant … de gauche ? C’est aussi se soumettre à la pression médiatico-politique qui nous enjoint d’être propres sur nous. Est-ce vraiment cela que nous voulons ? En ce qui concerne la lèpre antisémite, la position anarchiste a été définie une fois pour toute par Voline dans l’Encyclopédie anarchiste (1930), et de façon bien éloignée des cris d’orfraie de la bonne société :
L’antisémitisme n’est aujourd’hui, qu’une des faces les plus hideuses du nationalisme le plus bas ; une des manœuvres, un des instruments de la réaction la plus farouche. Il est une des plaies saignantes de notre société en pleine putréfaction. Il est une des manifestations de la contre-révolution en marche qui, profitant de l’ignorance, de l’inconscience des uns, de l’impuissance momentanée des autres, joue sur les plus mauvais instincts pour arriver à ses buts.
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La Reine des neiges et les petites mains
Jean Genet : Traces d’ombres et de lumières (Aux Éditions libertaires)
En attendant la guerre...
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